Bilan

L’AJ Auxerre, un super plan de relance

L’AJ Auxerre, un super plan de relance

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Publié le 28/12 à 09:30 - LFP

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Mickaël Le Bihan n’est pas le premier à retrouver des couleurs grâce à l’AJ Auxerre. L’environnement du club icaunais a profité à de nombreux autres joueurs par le passé : de Laurent Blanc à Serhou Guirassy.

Le retour au premier plan de Mickaël Le Bihan dans les rangs auxerrois ne peut pas être totalement surprenant pour qui connaît l’histoire du club bourguignon. L’AJ Auxerre n’est en effet pas qu’une formidable pépinière. Depuis sa montée en Ligue 1 en 1980, le club icaunais a en effet sorti de nombreux talents qui ont atteint le plus haut niveau, avec pas moins de dix-huit joueurs formés au club devenus internationaux : Eric Cantona, Basile Boli, Bernard Diomède, Djibril Cissé, Philippe Mexès, ou encore Olivier Kapo. Mais les Bourguignons sont aussi réputés pour leur capacité à relancer la carrière de joueurs talentueux.

« Je commence à sortir du brouillard ». Ces mots prononcés par l’international Peguy Luyindula au cours de sa saison auxerroise en 2005/2006 aux effets thérapeutiques auraient tout aussi bien pu sortir de la bouche des Enzo Scifo, Laurent Blanc, Alain Roche et autre Benoît Pedretti. Car tous partagent l’expérience d’une aventure réussie sous les couleurs de l’AJ Auxerre dans un moment difficile de leur carrière.

L’œil de Guy Roux

Ce goût pour retaper les joueurs – et cette capacité à les convaincre à venir dans l’Yonne - remonte forcément à Guy Roux. Une pratique qui nécessite d’abord du flair : qualité dont l’AJA n’a jamais manquée dans ses recrutements. « Guy Roux était un visionnaire », résumait Daniel Dutuel, emblématique milieu auxerrois débarqué de sa Corrèze dans les années 80 et vainqueur de la Gambardella (1986), au moment d’évoquer les passages en Bourgogne de ces internationaux.

L’entraîneur de l’AJA avait déjà démontré ses qualités en matière de recrutement. L’un des plus beaux exemples de pari réussi a été celui de son meilleur buteur historique : Andrzej Szarmach. La star polonaise était arrivée à 30 ans, en exportant ses talents en dehors de son pays pour la toute première fois. En novembre 1980, voir évoluer à Auxerre - alors à l’aube de ses plus heures, un des meilleurs joueurs du Mondial 1974 - semblait être du domaine de l’inaccessible. Mais c’était sans compter sur l’abnégation du duo Guy Roux-Gérard Bourgoin.

Et après avoir fait quitter l’Est à Szarmach, les deux hommes ont continué à voir en grand pour attirer des grands joueurs dans des situations peu évidentes, comme notamment Enzo Scifo et Laurent Blanc. « Il avait cette faculté à essayer de mettre le joueur dans les meilleures conditions pour qu’il exerce son métier le mieux possible. En contrepartie, il avait cette exigence poussée à l’extrême. Il avait aussi cette faculté à relancer des joueurs en manque de confiance. », a encore dernièrement déclaré Yann Lachuer au sujet de l’iconique coach auxerrois.

Ferreri retrouve un « deuxième père »

Guy Roux en avait auparavant fait autant pour Jean-Marc Ferreri, l’ancien de la maison. Pour le premier joueur formé à l’AJA appelé chez les Bleus (1982), les retrouvailles avec Guy Roux le temps d’une petite saison en 1991 lui ont permis de repartir de l’avant et d’être transféré à l’OM l’été suivant, après avoir signé 8 buts en 26 rencontres. « Je lui dois tout. C’est comme mon deuxième père. J’étais son protégé », confiait l’ancien n°10 à France Bleu en 2018.

Avant de retaper son ancien prodige, Guy Roux avait flairé la bonne affaire du côté des Girondins, en confiant les clés de son animation offensive à un Enzo Scifo pourtant miné par les blessures. Avec lui, le tacticien auxerrois joue aussi le rôle de second père. Les Bourguignons se font prêter le n°10 des Diables Rouges, demi-finalistes du Mondial 1986, pour profiter au maximum de sa classe (25 buts entre 1989 et 1991).

De son côté, le Belge a reconnu « devoir énormément » à Auxerre. « On a droit à toutes les considérations quand on est capable de relancer un joueur vers les sommets du football mondial, et qu'on accroche Marseille en championnat de France. », avait affirmé un Scifo requinqué à l’hiver 1990. Ses prestations du côté de l’Abbé-Deschamps étaient particulièrement suivies du côté de l’Inter, le club avec lequel il était sous contrat à l’époque. Tout comme d’autres clubs de Serie A, où il s’est envolé pour le Torino en fin de saison ; une fois définitivement remis d’aplomb. Ses deux saisons exceptionnelles – entourant un Mondial 1990 réussi sur le plan individuel - ont même été jusqu’à faire dire à Guy Roux que le belge « fait partie de ces joueurs pour lesquels j’aurais (personnellement) accepté de payer pour pouvoir l’entraîner ! ».

Laurent Blanc, la plus belle des relances

En 1995, alors que Guy Roux procède au renouvellement d’une partie de sa formation, l’AJ Auxerre réalise ce qui est peut-être son plus gros coup : celui qui lui a en tous les cas le plus rapporté. Car beaucoup s’accordent à dire que sans Laurent Blanc, Auxerre n’aurait pas été sacré champion de France en fin de saison. En difficulté chez les Verts, le libéro a toutefois déjà un joli statut d’international (45 sélections à l’époque), mais il cherchait un challenge sportif. Et c’est Patrice Garande, ancien du club, qui a mis les dirigeants de l’AJA sur la piste.

L’impact de Laurent Blanc a été flagrant, à défaut d’être fulgurant, puisqu’à 29 ans le Cévenol a raté les quatre premiers mois de la saison à cause de deux opérations. « L'équipe était déjà forte mais le retour de Laurent Blanc en seconde partie de saison a été déterminant », a expliqué Guy Roux dans France Football. « Laurent, c'est quelqu'un qui a apporté dans le jeu offensif quelque chose de neuf. On a aussi surpris nos adversaire grâce à notre jeu en milieu de terrain et à l'intégration de Laurent Blanc », a renchéri Lionel Charbonnier, portier icaunais de l’époque.

Mais pour s’assurer les services du défenseur des Bleus, les dirigeants auxerrois ont dû agir avec métier, comme ils l’avaient fait pour Szarmach quinze ans plus tôt. Gérard Bourgoin était revenu sur cet épisode pour France Bleu en 2016. Alors que Saint-Etienne était en stage dans le Vaucluse, « je disais à Guy Roux, "Guy, faut y aller". A 10h30, il me dit "Ok, on y va !" A 14h, on était là-bas, dans le Forez. J'ai fait venir Laurent Blanc en douce, à l'aéroport. On rentre dans l'avion, on discute. A 22h30 ou 23h, on embarquait Laurent Blanc et le lendemain matin, il était à l'entraînement à Auxerre ». Pour sa part, Guy Roux était revenu sur l’accord passé avec le joueur : « On avait un deal avec lui. On ne pouvait pas le payer comme il voulait, mais s'il venait à Auxerre il allait disputer l'Euro 96 avec l'équipe de France. Et, ensuite, il pourrait partir dans le club de son choix. Il a finalement signé à Barcelone et a disputé l'Euro en Angleterre. »

Avant « le Président », l’AJ Auxerre avait déjà opéré auprès de deux autres défenseurs centraux. Alain Roche, puis Franck Verlaat. Le Français, parvenu à être sacré champion de Ligue 1 avec trois maillots différents (Bordeaux, OM et PSG), n’y est pas parvenu en Bourgogne (3e en 1991) ; mais son passage de deux saisons l’a remis sur le chemin du succès ; à savoir celui du PSG de l’ère Canal+. Dans l’Yonne, le déjà international et champion de France à 23 ans n’a pas raté un seul match de Ligue 1 (76 consécutifs). Pourtant en 1990, Alain Roche restait sur une expérience amère à l’OM et rejoignait l’AJA pendant que Basile Boli effectuait le chemin inverse. L’environnement auxerrois lui a permis, comme pour Laurent Blanc, de retrouver à la fois la confiance et l’Equipe de France, tandis que de son côté l’AJA en a profité pour décrocher deux qualifications européennes. Encore du « gagnant-gagnant ».

Luyindula y rebondit lui aussi

Avec les successeurs de Guy Roux sur le banc, Auxerre n’a pas perdu cette bonne habitude. Un autre Bleu a trouvé un second souffle du côté de l’Abbé-Deschamps : Pegguy Luyindula. En 2005/2006, l’ancien Gone a planté 10 buts en championnat et regoûté au plaisir après une expérience marseillaise, où tous espéraient le voir assurer la succession de Didier Drogba. « Ici je continue à marquer des buts. A l'OM, c'était pareil mais là je retrouve le plaisir du jeu. Je ressens la confiance que m'accorde Jacques Santini et ça fait du bien. », analysait l’attaquant triple fois sacré en Ligue 1 avec l’OL (2002, 2003 et 2004).

La même saison, Mathieu Berson a aussi fait partie de ceux qui se sont refaits une santé chez les Icaunais après une expérience ratée. « Mon profil ne correspondait pas avec le jeu de l’équipe », analysait l’ex-milieu nantais, champion de France 2001 avec Raynald Denoueix, au sujet d’Aston Villa (2004-2006). Comme la plupart des joueurs en quête de relance, Berson a été prêté à Auxerre, où Jacques Santini en a fait un solide titulaire.

Fernandez-Pedretti : duo reformé dans l’Yonne

Pour succéder au milieu aux indispensables Berson, Violeau et Lachuer, Jean Fernandez a l’idée de miser sur Benoît Pedretti, qu’il avait révélé à Sochaux cinq ans auparavant. Ce dernier qui a fait partie des quatre ex-Sochaliens en perte de confiance récupérés par Jean Fernandez dans l’Yonne, avec Kamel Chafni, Julien Quercia et Valter Birsa.

Depuis la belle époque sochalienne, l’ancienne pépite doubiste de 25 ans a été ballottée par deux saisons entre l’OM et l’OL, où il a été « victime de l'abondance de biens avec Tiago, Juninho et Mamadou Diarra », côtoyant même la CFA. Désireux de retrouver la stabilité du FCSM qui lui avait ouvert les portes de la sélection, le milieu s’est épanoui à Auxerre, loin de la pression. Une fois retapé et de nouveau capable de distiller ses passes millimétrées, Pedretti a même fini par hériter du brassard. « Je le connais bien. Même s'il ne jouait pas à Lyon, je savais qu'il n'avait rien perdu de ses qualités (…) Il répond parfaitement à nos attentes et je pense que ce n'est pas un hasard si nous avons gagné trois matchs avec lui », ne manquait pas de rappeler le coach auxerrois après les quatre premières apparitions de son joueur, en octobre 2006. Son retour au premier plan a même conduit Jean Fernandez a évoqué son nom parmi les joueurs qui mériteraient d’être appelés chez les Bleus à l’automne 2010. Autant dire que Pedretti a retrouvé des couleurs avec Auxerre.

En 2014, l’AJA a renouvelé l’expérience de la relance avec Sébastien Puygrenier. Célèbre du côté de Marcel-Picot, où il a connu ses plus belles saisons, le défenseur avait retrouvé les terrains dans l’Yonne. En Ligue 2, le joueur de 32 ans a enfilé à la fois le brassard et le costume de cadre au sein d’un club qui avait été un des premiers à s’intéresser à lui alors qu’il connaissait quelques problèmes en Turquie (Karabükspor). Une attention payante pour les Auxerrois : « Je leur avais promis de signer ici une fois mes soucis réglés », a confié Puygrenier dans Ouest France. « Retourner en Ligue 1 allait être très compliqué pour moi. Je voulais me relancer, montrer que je pouvais toujours jouer à un bon niveau. » Un pari qui a contribué à l’excellent parcours de l’AJA en Coupe de France, achevé au Stade de France contre le PSG (défaite 1-0).

Guirassy, autre buteur relancé par l’AJA

Plus récemment, après Alassane Pléa de passage en prêt (2013/14) en provenance son club formateur l’OL, l’AJ Auxerre a permis à Serhou Guirassy de retrouver la confiance. A 19 ans, l’attaquant peinait à confirmer avec le LOSC en Ligue 1 ses belles aptitudes lavalloises à l’échelon inférieur : « c’était trop tôt. Je n’étais pas conscient de mes qualités », a plus tard expliqué l’attaquant qui avait débarqué chez les Tangos comme 4e attaquant de Denis Zanko avant d’en devenir le premier.

Ce prêt bourguignon hivernal d’une demi-saison (arrivé en janvier 2014) s’est révélé encore une fois décisif pour permettre à un joueur de repartir de l’avant, et suffisamment pour que le coach de l’époque Jean-Luc Vannuchi regrette de ne pas avoir pu compter sur lui plus tôt : « C'était un très jeune joueur, et il a transcendé l'équipe à son arrivée. D'une parce qu'il a marqué dès son premier match, permettant de dynamiser l'équipe et lui-même, et ensuite il a continué à marquer beaucoup pour la suite. Dommage qu'il soit arrivé trop tard pour que l'on puisse viser la montée en Ligue 1 ». Après le tremplin bourguignon, Guirassy a découvert la Bundesliga (FC Cologne), avant de revenir en Ligue 1 avec davantage de certitudes à 22 ans (Amiens SC), pour s’affirmer dans un club du Top 5 (Stade Rennais) et y découvrir la Ligue des Champions cette saison.

Aujourd’hui au sein de l’effectif actuel, le meilleur exemple de cette pratique de la relance de carrière est celui de Mickaël Le Bihan (30 ans). Comme Yoann Touzghar à qui il a succédé à la pointe de l’attaque, l’actuel top buteur de Ligue 2 BKT relève le défi auxerrois dans l’espoir assumé de retrouver la Ligue 1 Uber Eats. Et dans sa deuxième saison au club, nul doute que ses belles stats affichées le rassurent sur son choix.