Frantzdy Pierrot (EAG)
Interview

Frantzdy Pierrot : «Je veux intégrer le FBI»

Frantzdy Pierrot : «Je veux intégrer le FBI»

Interview
Publié le 08/11 à 15:00 - ADS

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Ses débuts à l'EA Guingamp, son idole Lukaku, l'équipe nationale de Haïti, sa carrière de basketteur, Cavani, la draft... Entretien avec le nouvel attaquant guingampais Frantzdy Pierrot.

Recruté à Mouscron, en Belgique, lors du dernier mercato estival, Frantzdy Pierrot est la bonne surprise du début de saison de l'EA Guingamp. Avec 4 buts inscrits en 8 matchs de Domino's Ligue 2 (dont 5 comme titulaire), le puissant international haïtien est l'attaquant le plus prolifique de la meilleure attaque du championnat. Entretien.

Vous restez sur quatre buts et une passe décisive sur vos cinq derniers matchs. Vous attendiez-vous à des débuts pareils avec l’EA Guingamp ?
Je suis très content d’avoir commencé fort mais, en arrivant ici, je m’attendais à donner le meilleur de moi-même. J’ai confiance en mes qualités et j’ai rejoint une super équipe, avec beaucoup de bons joueurs. J’ai eu la chance de montrer sur les derniers matchs ce dont je suis capable.

Comment s’est déroulée votre adaptation à Guingamp et à la Domino’s Ligue 2 ?
Je ne suis pas vraiment dépaysé en ce qui concerne la météo ! Pour le reste, je n’ai pas eu besoin de très longtemps pour m’adapter, notamment car il n’y a pas de grande différence entre le championnat belge et la Domino’s Ligue 2 selon moi. Ce sont deux championnats assez similaires mais je dirais que le niveau physique est plus relevé ici.

« On ne joue pas de façon égoïste »

Après 13 journées, l’EAG possède la meilleure attaque de Domino’s Ligue 2. Comment expliquez-vous que cela fonctionne si bien sur le plan offensif ?
On a vraiment un effectif de qualité au sein duquel l’ambiance est très bonne. Et chaque joueur a cette envie de gagner, de se dépasser. Avec les autres attaquants de l’effectif, on ne joue pas de façon égoïste. On a tous le même objectif : gagner. Peu importe que ce soit moi ou un autre qui marque. On essaie de se faciliter la tâche les uns les autres et je suis vraiment très heureux de jouer avec des coéquipiers pareils.

Lors des derniers matchs, vous avez débuté en compagnie de Gomis, Rodelin, M’Changama et Pelé. Est-ce compliqué de rester équilibré avec autant de joueurs offensifs sur le terrain ?
C’est une question pour le coach ça (rires) ! Mais je ne vais pas me plaindre, c’est une bénédiction de jouer avec autant de joueurs de talent. Par exemple, Ronny Rodelin m’a donné un super ballon lors du dernier match, contre Chambly, et j’ai réussi à marquer.

Lorsque vous marquez, vous faites semblant de passer un coup de fil avec votre main. D’où vient cette célébration ?
J'ai commencé à faire ce geste la saison dernière en Belgique. C'est un clin d'oeil aux gens qui me soutiennent. J’ai tout Haïti derrière moi, ma famille, des gens en Belgique, en France, aux Etats-Unis… Cette célébration est une manière de les remercier car, sans eux et sans leurs encouragements, je ne serais pas capable d’accomplir ce que j’accomplis. Cet élan positif m’aide dans ma carrière.

« J'aime l'agressivité et les appels de Cavani »

A quoi ressemblait votre enfance ?
Je suis né en Haïti et, comme vous pouvez vous en douter, la vie n’était pas facile. Mais mes parents ont fait du mieux qu’ils pouvaient pour travailler et bien éduquer leurs enfants. On a ensuite eu la chance de pouvoir déménager aux Etats-Unis. J’avais 11 ans quand je suis arrivé à Boston et j’ai fait tout mon cursus scolaire dans la région, université comprise. Mes parents vivent toujours à Boston d’ailleurs, comme mon plus jeune frère, qui joue également au foot au niveau universitaire.

Lors de votre adolescence, le foot n’était pas le seul sport que vous pratiquiez…
En effet, je jouais à la fois au football et au basket à l’époque du lycée, je n’en garde que de bons souvenirs. J’ai pratiqué le basket pendant 5 ou 6 ans. Je me débrouillais pas mal, je jouais ailier ou arrière et beaucoup de gens disaient que j’étais un très bon joueur, mais j’avais une grosse préférence pour le foot. Au moment de choisir une université, j’ai dû trancher entre les deux sports et j’ai naturellement penché vers le foot. Plusieurs universités m’offraient une bourse pour évoluer dans leur équipe de basket, certaines voulaient même que je fasse les deux, foot et basket. C’était notamment le cas de Northeastern, l’université que j’ai choisie, mais je ne me sentais pas de faire les deux sports en parallèle. Ça aurait fait beaucoup trop. J’ai préféré me concentrer sur le foot et les études. Mais j’ai eu l’occasion de retrouver les parquets l’an dernier…

C’est-à-dire ?
J’ai participé à un match caritatif à Charleroi, un super souvenir. Je me suis bien amusé, j’ai rencontré du monde et, surtout, c’était pour une bonne cause (ce match était organisé dans le cadre du Télévie, sorte de Téléthon belge qui récolte des fonds pour lutter contre le cancer). C’est toujours un plaisir de se retrouver sur un terrain de basket, d’autant plus que je n’avais pas joué depuis un moment. Il y avait notamment Mbaye Leye, qui jouait avec moi en attaque au RE Mouscron, et un autre coéquipier, Noë Dussenne (mais aussi l’ex-international d’Anderlecht Walter Baseggio, des acteurs et des journalistes belges).

Après votre carrière universitaire, vous avez été sélectionné par les Colorado Rapids lors de la draft de la MLS 2018 mais vous avez préféré décliner leur offre. Pourquoi ?
Les Colorado Rapids me suivaient depuis mon année junior à l’université. Quand ils m’ont drafté, j’ai eu l’opportunité de signer un contrat avec eux mais j’avais envie de tenter ma chance en Europe. Je n’avais pas encore reçu d’offre mais jouer en Europe était vraiment ma priorité. J’ai effectué quelques essais et finalement le RE Mouscron m’a proposé un contrat. J’ai réussi à saisir ma chance, ce qui m’a donné raison, mais c’est vrai qu’au départ, c’était un peu risqué de refuser un contrat en MLS. C’est juste que, depuis tout petit, j’avais travaillé pour devenir joueur professionnel et il fallait que je tente ma chance en Europe.

Rejoindre la Belgique était un joli clin d’œil puisque c’est le pays de votre modèle, c’est bien ça ?
Oui, Romelu Lukaku ! C’est mon idole depuis mes années à l’université. C’était son époque Everton. J’adore sa façon de jouer, peut-être parce qu’on a un peu le même style sur le terrain. C’est un très bon attaquant et j’apprends en l’observant. Je ne lui ai encore jamais parlé mais j’espère que je le rencontrerai un jour. Il y a d’autres attaquants que j’apprécie : Cristiano Ronaldo, Luis Suarez et Edinson Cavani. J’aime son agressivité, ses appels, sa façon d’attaquer le ballon dans la surface…

« J'ai toujours voulu devenir agent ou détective pour le FBI »

Vous jouez pour l’équipe nationale de Haïti depuis un an et demi. Pouvez-vous revenir sur votre participation à la dernière Gold Cup ?
On a réussi un joli parcours et ça a été super pour notre pays. On possède un bon groupe, jeune, avec beaucoup de joueurs qui ont effectué leurs classes ensemble. Lors de cette compétition, on a montré au monde entier que Haïti avait une très bonne équipe. Je suis fier d’avoir fait partie de cette aventure et d’avoir pu aller si loin dans le tournoi. Malheureusement, on s’est fait éliminer sur une erreur d’arbitrage mais c’est comme ça (défaite 1-0 contre le Mexique en demi-finales avec un pénalty inscrit lors de la prolongation). On n’a pas été surpris de résister au Mexique, on savait qu’en jouant à notre niveau, on allait leur poser des problèmes. On a une équipe de qualité, la plupart des internationaux haïtiens jouent en France, dans les autres championnats européens, en MLS…

Justement, avant de signer à l’EAG, avez-vous échangé avec Carlens Arcus, Hervé Bazile ou Bryan Alceus, tous en Domino’s Ligue 2 cette saison ?
Non, les discussions sont restées entre le club, mes agents et moi. Je n’ai pas ressenti le besoin de leur parler, je n’avais aucune inquiétude à l’idée de signer ici. Mais on discute ensemble de temps en temps, on prend les mêmes vols pour se rendre en Haïti et rejoindre l’équipe nationale.

Avez-vous une idée de ce que vous ferez une fois votre carrière de joueur terminée ?
Oui, je le sais très précisément, je veux intégrer le FBI. C’est une passion depuis toujours, ça ne vient pas des séries TV car on n’avait pas la télévision en Haïti (rires). J’ai toujours voulu devenir agent ou détective pour le FBI. Ça s’explique par l’endroit où j’ai grandi, les choses que j’ai pu voir. La meilleure façon de changer les choses et d’avoir un impact, c’est de rejoindre les forces de police. C’est dans ce but que j’ai étudié la justice pénale à l’université, que j’ai obtenu un diplôme. Pour l’instant, je me concentre sur ma carrière de footballeur mais une fois que ce sera terminé, ce sera la police.