Jim Allevinah (Clermont Foot 63)
Interview

Jim Allevinah : « Pierre-Emerick Aubameyang m’aide beaucoup »

Jim Allevinah : « Pierre-Emerick Aubameyang m’aide beaucoup »

Interview
Publié le 29/01 à 20:00 - NM

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Auteur de six buts et trois passes décisives depuis le début de saison, Jim Allevinah (25 ans) ne cesse de progresser au Clermont Foot 63. Titulaire indiscutable dans le onze auvergnat, l’ailier évoque les bons résultats de son club, son parcours, sa progression, la méthode Pascal Gastien ou encore la sélection gabonaise.

Jim Allevinah, le Clermont Foot est troisième et invaincu depuis huit matchs. Comment analysez-vous la dynamique actuelle de votre équipe ?
On est vraiment dans une bonne série, on arrive à enchaîner les bons résultats en réalisant des prestations abouties. On a envie de continuer sur cette voie. Le groupe travaille beaucoup à l’entraînement, et il est logiquement récompensé le week-end.

Collectivement, vous dégagez de plus en plus de maturité…
C’est clair ! Par rapport à la saison dernière, on est plus efficace devant le but. Il nous faut moins d’occasions pour trouver la faille. Et défensivement, on a trouvé les bons automatismes, on défend bien tous ensemble et on est performant dans les transitions défensives. Conserver la même base de joueurs que la saison passée nous a permis de miser sur la stabilité et de ne pas perdre de temps. On se connaissait quasiment tous, c’est très important pour faire une bonne saison. Dès la reprise, on a pu s’appuyer sur ce qui avait fonctionné la saison dernière, surtout qu’on avait bien terminé.

Le fait de ne plus perdre et de ne quasiment pas prendre de buts. Est-ce, dans la tête, un avantage ou un inconvénient ?
C’est un vrai avantage. On aborde les matchs avec plus de confiance. On sait ce qui fonctionne, donc on essaye de le répéter à chaque journée de championnat. Voir qu’on est très solide défensivement, qu’on enchaîne les bons matchs, ça nous permet d’être plus sûrs de nous au fil du temps. Mais il n’y a pas d’excès de confiance. Les joueurs et le staff, on n’est pas du tout dans cet état d’esprit. Ce n’est pas parce qu’on enchaîne les résultats positifs qu’on va moins travailler à l’entraînement. Tout le monde est toujours à 100% et reste rigoureux. Ça fait notre force.

« La route est encore très longue »

Vous venez de battre l’AJ Auxerre, mais vous allez enchaîner contre le Toulouse FC et l’ESTAC, des concurrents directs, ça peut être un tournant ?
Il reste quand même beaucoup de matchs à jouer, donc, beaucoup de points à prendre. C’est sûr que ce sont deux concurrents, mais je ne pense pas que ce sera déterminant pour la suite de la saison. On ne se met pas une pression particulière vis-à-vis de ces deux matchs. La route est encore très longue.

La Ligue 2 BKT est-elle aussi serrée qu’on a coutume de le dire ?
Franchement, c’est un championnat très compliqué. Tous les matchs sont difficiles. Qu’on joue une équipe de tête ou de bas de tableau, ce n’est jamais facile de s’imposer. Réussir à être régulier toute une saison est un véritable challenge.

Personnellement, vous avez l’air d’être épanoui cette saison. Avez-vous le sentiment d’avoir franchi un cap, notamment dans la finition ?
Avant de commencer la saison, je m’étais fixé comme objectif d’être beaucoup plus dangereux dans les derniers mètres et plus décisif pour l’équipe. J’ai beaucoup travaillé cet aspect de mon jeu. Pascal Gastien m’a accompagné dans cette progression. Il a même été déterminant. Encore aujourd’hui, dès qu’il voit quelque chose que je dois corriger, il me le dit directement. Si je fais un mauvais choix sur une action, il va me donner des axes d’amélioration. Mais quand je joue bien le coup, il va également le souligner. Ce travail porte ses fruits et je suis très content. Sur le plan défensif, j’ai également progressé, tout comme dans mon jeu sans ballon et mes appels de balle.

« Je serai toujours reconnaissant envers Clermont »

Vous êtes passé professionnel à 24 ans, lors de l’été 2019. Pouvez-vous nous expliquer votre parcours atypique ?
J’ai toujours rêvé de devenir footballeur professionnel, mais je voulais d’abord satisfaire mes parents en ayant un bagage scolaire. J’ai fait un BTS commerce international et une fois que je l’ai validé, je me suis donné tous les moyens pour devenir pro. Je ne cache pas que ça a été très compliqué pour y parvenir, mais j’ai réussi et j’en suis très fier. Je n’ai pas fait de centre de formation, j’ai connu un peu tous les niveaux. J’ai commencé par le championnat de Régional 3, j’ai enchaîné par celui de Régional 1, puis de National 3 et de National 2, jusqu’à atteindre la Ligue 2 BKT. Clermont m’a donné la chance de passer professionnel et je serai toujours reconnaissant envers le club.

Avez-vous eu la crainte de ne jamais passer professionnel ?
J’ai eu des moments de doute, c’est clair. Mais, ces périodes de flottement, je les ai utilisées pour me renforcer mentalement. Je n’ai jamais perdu de vue mon objectif, même si je n’en parlais pas, j’étais déterminé. Il y a beaucoup de personnes qui me disaient que c’était trop tard pour devenir pro, mais je ne les écoutais pas. Dans ma tête, ça n’a jamais été trop tard, j’étais persuadé que j’y arriverai. Et finalement, à force de persévérance, d’efforts, de sacrifices et de travail, ça a payé.

A quel moment avez-vous senti que votre carrière basculait du bon côté ?
C’est lors de ma saison au Puy Foot (National 2) avant de signer à Clermont. On avait de très bons joueurs, notamment d’anciens professionnels. Ils m’ont fait prendre conscience que j’avais vraiment les qualités pour aller plus haut. Ils me donnaient des conseils et me disaient où je devais progresser. Lors de cette saison, j’ai vraiment passé un cap, surtout mental. Je sentais que j’étais proche de rejoindre le monde pro, j’y croyais de plus en plus, donc j’avais encore plus d’envie pour travailler.

A votre arrivée à Clermont, cela a-t-il été difficile de vous adapter à la Ligue 2 BKT ?
Ce n’était pas évident. J’ai eu besoin d’un moment d’adaptation, mais, heureusement, j’ai atterri dans un très bon groupe. Le staff m’a laissé le temps de prendre mes marques et a tout fait pour que je sois à l’aise dans le club. Au début, ça a complétement changé mon quotidien par rapport au monde amateur. À l’entraînement, il faut être rigoureux tous les jours. Et en dehors, il faut faire davantage attention à son hygiène de vie. Comme il y a des échéances plus importantes, les séances sont plus intenses et tu n’as pas le temps de faire n’importe quoi à côté. Sur le terrain, c’est également beaucoup plus tactique que ce que j’avais pu connaître par le passé. Les joueurs sont plus expérimentés et ont plus de qualité, donc il faut réussir à trouver sa place.

La première préparation physique n’a pas dû être facile…
Je n’avais jamais connu une préparation pareille (rires). Les premières semaines, et même les premiers mois, je n’ai pas beaucoup vu le jour. Dès que je rentrais chez moi, j’allais dormir. C’était compliqué, mais au bout d’un moment le corps et la tête s’habituent.

« On me reprochait mon manque de maturité dans le jeu »

Vous jouez parfois ailier gauche et parfois ailier droit. Avez-vous une préférence ?
Je m’adapte à la demande du coach. S’il a besoin de moi à gauche, je joue à gauche et inversement. J’essaye de donner le maximum dans tous les cas. Depuis le début de ma carrière, je pense que j’ai plus joué sur le côté gauche. Et pour un droitier, pouvoir se mettre sur son pied fort et frapper, c’est toujours plaisant. Mais j’aime bien jouer à droite également.

Si je vous dis que vous avez fait 81 tentatives depuis le début de saison. Vous pensez à quoi ?
A mes dribbles (sans hésitation). J’adore provoquer balle au pied, tenter des gestes et être créatif. Cette statistique, elle ne m’étonne pas du tout !

Qu’est-ce que représente le dribble pour vous ?
Éliminer un joueur, c’est toujours une grande satisfaction. Quand j’ai commencé à jouer au foot, je ne pensais qu’à dribbler, il n’y avait que ça qui m’intéressait. À l’époque où j’avais fait des essais, entre mes 20 et 22 ans, on me reprochait mon manque de maturité dans le jeu. C’était justifié, je n’étais pas prêt pour le monde professionnel, je voulais toujours aller vers l’avant. Maintenant, même si je conserve mon côté dribbleur, j’essaye d’être plus efficace dans les derniers mètres, en servant mes partenaires ou en marquant. Il y a des zones précises où tu peux dribbler, et d’autres où tu ne peux pas. Pascal Gastien nous demande de dribbler dans les 20-25 derniers mètres. Si tu veux éliminer un joueur avant et que tu perds le ballon, ton équipe peut rapidement encaisser un but en contre. Il faut faire très attention.

Quelles sont vos références ?
Je m’inspire de tous ceux qui brillent au haut niveau. Il y a Neymar, Kylian Mbappé, quand il joue sur un côté, Lionel Messi ou encore Ronaldinho par le passé. J’aime bien regarder des vidéos de leurs gestes. J’essaye de retenir ceux qui fonctionnent pour pouvoir les adapter à mon goût. Ensuite, je tente de les reproduire à l’entraînement en fonction des situations dans lesquelles je me retrouve. J’essaye de voir si ça me convient ou pas.

« Pascal Gastien m’a appris à faire les bons choix »

Pour les joueurs offensifs, quelles sont les consignes de Pascal Gastien ?
Il veut toujours qu’on joue en accord avec l’endroit où nos partenaires sont placés. Il nous laisse aller dans l’axe, décrocher, écarter sur les côtés, jouer le un contre un, ce n’est pas un entraîneur fermé, on a beaucoup de liberté. C’est très plaisant pour les joueurs offensifs. Mais, attention, il veut toujours qu’on réussisse à faire ce que demande le jeu. Il ne veut pas qu’on fasse n’importe quoi, surtout que nos milieux sont très joueurs et ont à cœur de bien nous servir dans les 30 derniers mètres.

Vous a-t-il aidé dans la prise de décision ?
Oui, j'ai beaucoup appris dans les déplacements, sur comment bien me positionner sur un terrain. Il y a des zones où j’essayais de me retourner alors que j’étais mal placé et je perdais le ballon. Pascal Gastien m’a appris à faire les bons choix, savoir quand il faut le donner et quand il faut dribbler. Le coach a vraiment bien su me corriger. On a travaillé ce point avec les vidéos d’après-match et plus particulièrement à l’entraînement. Lors des séances, on fait beaucoup de jeux à thème, par exemple : une touche de balle maximum dos au jeu et interdiction de se retourner ou des zones libres et d’autres limitées à deux touches de balle.

Quelle est la méthode Pascal Gastien ?
Tout simplement de jouer. Il nous dit toujours : « Jouez et ne lâchez pas le morceau. » Il veut que ses joueurs se déplacent sans cesse pour proposer des solutions au porteur de balle. Les déplacements, c’est quelque chose qu’on travaille beaucoup afin de savoir aider nos partenaires dans différentes situations. Il demande de faire les efforts pour défendre, et surtout pour vite se replacer une fois qu’on a récupéré le ballon. A partir du moment où l’on se déplace bien tous ensemble, le jeu devient beaucoup plus facile et on peut proprement ressortir le ballon de derrière. Quand on arrive à réaliser ces mouvements en bonne « chorégraphie », c’est là qu’on produit du beau jeu. Mais on ne joue pas de la même manière chaque week-end, on s’adapte aussi à l’adversaire. Si une équipe joue en 3-5-2 ou en 4-4-2, il va nous faire travailler différemment la semaine.

« La CAN ? Ça doit être extraordinaire »

Vous êtes également international gabonais. Comment avez-vous été sélectionné la première fois ?
J’étais encore au Puy Foot et mon agent m’avait fait connaître auprès du sélectionneur de l’époque, Daniel Cousin. A partir de là, j’ai été supervisé et il m’a sélectionné. Lors de ma première convocation, il m’a directement titularisé (23 mars 2019). Je pense que très peu de sélectionneurs l'auraient fait et je lui en serai toujours reconnaissant.

Lors de cette première, vous êtes titulaire aux côtés de Pierre-Emerick Aubameyang et Denis Bouanga. Pouvez-vous nous raconter cette expérience ?
C’était un match capital, on devait gagner pour se qualifier pour la CAN. Je ne m’attendais pas du tout à être titulaire et quand j’ai vu la composition avec Pierre-Emerick Aubameyang, Denis Bouanga et mon nom, j’ai eu un gros coup de pression. C’était compliqué de se concentrer mais, au coup d’envoi, la pression est redescendue et je ne pensais plus qu'au football. Finalement, même si on a fait match nul, j’étais très content de ma prestation. Jouer avec des joueurs de ce niveau, c’est vraiment plus facile, ils ont tout fait pour que je réussisse mon match.

C’est un vrai bonus pour votre progression…
Oui, c’est très enrichissant. Quand je vais en sélection, Pierre-Emerick Aubameyang m’aide beaucoup, je m'inspire de lui. Il m’impressionne dans la qualité de ses déplacements, sa lecture du jeu et sa qualité technique. C’est rare qu’il rate un contrôle. À chaque fois que je rentre de sélection, je me sens changé et grandi. J’espère qu’on va se qualifier pour la prochaine CAN 2022, il nous reste deux matchs, il faut qu’on assure. Participer à cette compétition, ça doit être extraordinaire, et ça me tient à cœur.

Pour finir, Pierre-Emerick Aubameyang et Denis Bouanga vous appellent Jean-Michel. D’où vient ce surnom ?
(Rires) Sur une liste de convocation, je ne connais pas le responsable, mais il y avait une erreur. A la place de Jim Allevinah, c’était écrit Jean-Michel Allevinah. Donc, tout le monde a commencé à m’appeler Jean-Michel ou Jean-Mich en sélection. Ce surnom ne me plaît pas du tout et ils savent que ça m’embête, donc ils continuent. C’est bon enfant et on rigole bien.