Interview

Cornette : « Je ne bosse pas spécialement les coups francs »

Cornette : « Je ne bosse pas spécialement les coups francs »

Interview
Publié le 16/12 à 09:28 - LFP

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A l’image d’un Téji Savanier croisé chez les jeunes à Montpellier, Quentin Cornette (HAC) exprime cette saison tout son talent sur phase arrêtée avec des coups francs spectaculaires et décisifs. Interview 100% coups francs.

Dans les années 90, Teddy Bertin et sa frappe surpuissante ont fait vibrer Deschaseaux sur coups francs. Cette saison, le HAC s’est trouvé un successeur avec Quentin Cornette. Meilleur buteur du Havre AC en Ligue 2 BKT (5 buts), grâce lui aussi à son adresse sur coups francs, l'attaquant se découvre à 27 ans une redoutable efficacité de frappeur longue distance. Sous les couleurs Ciel et Marine, le joueur formé au Montpellier HSC signe d’ores et déjà la saison la plus réussie d’une carrière trop souvent stoppée par des blessures. Actuellement épargné, le n°11 havrais en profite pour faire parler la poudre. L’occasion d’aborder avec lui cette spécialité. Une force qu'il avoue ne pas spécialement travailler à l'entraînement. Enfin pour le moment...

Quentin, vous vous êtes affirmé comme le meilleur tireur de coup franc cette saison en Ligue 2 BKT, avec déjà trois inscrits depuis mi-septembre contre Toulouse, Nancy et Amiens. D’où vous vient cette nouvelle réussite ?
En effet, c’est tout nouveau pour moi. Car avec les nombreuses blessures que j’ai connues, ma carrière est en dents de scie (avant d’arriver au HAC la saison passée, il n’avait jamais joué plus de 13 matchs de championnat sur une même saison depuis 15/16). Pour moi, ça s’est fait plus facilement depuis la saison dernière au Havre, une fois que Paul Le Guen m’a donné sa confiance en me nommant tireur attitré.

Ancien gros frappeur avec son pied gauche quand il était joueur à Brest ou au PSG, puis ayant eu Juninho sous ses ordres à l’OL, Paul Le Guen a dit de vous : « Il est incroyable de voir un joueur avec une telle frappe en Ligue 2 BKT ». Pas mal pour donner confiance…
C’est valorisant de s’entendre dire par le coach que l’on a une superbe frappe de balle, capable de faire la différence. Et qu’il considère que c’est un atout important pour l’équipe. Cela peut aider à faire basculer un match du bon côté. Individuellement, ça gonfle la confiance d’avoir cette responsabilité aussi bien sur les coups francs que sur les corners.

Niveau frappe de balle, vous êtes en effet impressionnant…Et vous vous en servez plutôt pas mal, puisque vous êtes le joueur qui frappe le plus au but depuis l'extérieur de la surface (26) et qui cadre aussi le plus (12).
J’ai toujours eu une grosse frappe, mais je n’ai jamais mangé des tonnes de coups francs. L’époque où je les ai le plus travaillés c’est lorsque j’étais en CFA au MHSC. Lors de ma première année en pro, je redescendais beaucoup avec la réserve et je frappais tous les coups pieds arrêtés. C’est à ce moment que j’ai pu m’entraîner et parfaire ma frappe. Depuis, je peaufine ma technique pour me permettre de faire flotter ou redescendre le ballon. Aujourd’hui encore, je veux m’améliorer pour en mettre d’autres.

Est-ce que votre coach intervient pour vous conseiller spécialement sur cette phase de jeu ?
En début de saison, le coach m’a demandé si je voulais travailler spécifiquement les coups francs, mais je lui ai dit que je n’en avais pas besoin, que j’avais trouvé ma technique de frappe (Quentin avait déjà marqué un but sur coup franc en 20/21). Une fois que c’était clair pour moi, j’ai estimé que ce n’était pas utile. Il me laisse faire.

Vous ne les travaillez donc jamais à l’entraînement ?!
Non. La saison dernière je les travaillais, mais depuis le début de la saison j’ai arrêté de le faire. Comme ça s’était bien passé, je n’en ai plus senti le besoin. Mais je pense aujourd’hui que je peux me donner encore plus de chances de réussite en axant mon travail dessus. Donc, je compte m’y remettre.

Pourquoi vouloir à nouveau le faire ? Cela vous réussit plutôt bien comme cela.
Je vais reprendre pour m’essayer d’un peu plus loin et gérer encore mieux mes frappes. Ça veut dire d’être capable de frapper avec de l’efficacité des 35 mètres. Plus loin, ça commence à faire beaucoup… Mon objectif est de les tirer encore mieux et de très loin. Et ainsi de pouvoir être une menace sur coup franc d’un peu partout sur le terrain.

Paul Le Guen vous a-t-il donné un objectif à atteindre en nombre de coups francs marqués cette saison ?
Oui, le coach m’avait donné un chiffre en début de saison. Ça va, je suis dans les temps. Même si au début je le trouvais un peu élevé… Il me l’a donné quand je lui ai dit que je n’avais pas besoin de les travailler davantage.

Cet objectif agit-il sur vous tel un déclic pour vous amener à revenir sur votre choix de ne pas en tirer à l’entraînement ?
C’est surtout le fait d’en marquer qui fait que j’ai pris conscience que je pouvais en mettre davantage. Je ne pensais pas en mettre trois en si peu de temps. C’est quand même énorme. Du coup, je me dis que si je reprenais l’entraînement spécifique ça pourrait donner un beau résultat. Je veux tout mettre en œuvre pour vraiment lancer ma carrière.

Cela vous met-il davantage de pression sur cette phase de jeu où vous êtes désormais attendu ?
Je n’ai pas pression particulière. Je sais que je peux amener le danger sur coup franc. C’est un atout majeur pour l’équipe. Et mentalement, j’arrive à bien gérer. Toutes mes blessures ont contribué à me rendre plus solide. Il y a aussi la confiance totale de toute l’équipe : je n’ai par exemple jamais de reproche d’avoir tiré plutôt que centré.

Du coup, tous les coups francs havrais sont désormais pour vous.
C’est ça, personne ne vient à côté de moi au ballon quand il y a un coup franc à frapper. Il y a juste Ismaël Boura qui est venu une fois au début, quand il venait d’arriver dans l’équipe, mais les autres lui ont vite dit : « non, laisse tirer Quentin ». Il a une belle frappe, donc je comprends qu’il voulait lui aussi tenter sa chance.

Ce qui n’était le cas ni à Montpellier, ni à Amiens, dans vos précédents clubs.
C’est vrai. A Amiens, je n’avais pas trop mon mot à dire : les coups francs étaient pour Gaël (Kakuta). C’est normal, on est face à un joueur qui avait déjà un certain statut et des références dans ce domaine. Et en plus, je ne les travaillais pas spécialement. En revanche pour les corners, on se les partageait, chacun son côté.

Plus jeune, vous avez croisé la route d’une autre référence dans ce domaine actuellement en Ligue 1 Uber Eats : Téji Savanier. Quel souvenir en gardez-vous ?
On s’est un peu côtoyé au MHSC, lorsque je faisais mes entraînements spécifiques « attaquant ». J’avais 14 ans lors de mon arrivée au centre de formation et lui était plus grand, il devait être chez les 18 ans… (Téji Savanier est de décembre 1991 et Quentin Cornette de décembre 1994). Il y avait des exercices que l’on faisait ensemble et c’était déjà incroyable ! Aussi bien le pied droit que le pied gauche…c’était impressionnant. Téji a un pied extraordinaire !

« Pour moi, la distance idéale est 25 mètres »

Avez-vous un surnom dans le vestiaire du HAC depuis que vous enchaînez les buts sur des coups francs ?
Pas encore. On fait souvent la comparaison avec Juninho, ça chambre… mais lui c’était vraiment extraordinaire ce qu’il faisait. Je ne sais pas combien il en mettait chaque saison, mais c’était ahurissant ! Il a beaucoup inspiré et influencé la façon de tirer les coups francs. A une époque, c’était devenu la mode de les frapper un peu flottants pour gêner le gardien.

Comment cela se passe-t-il dans votre tête en match lorsqu’un coup franc est frappable ?
Dès qu’une faute est sifflée en notre faveur, je sais tout de suite si je vais le frapper directement ou pas. Après, je n’ai pas vraiment de technique de préparation, je me concentre entièrement sur ma frappe de balle, l’impact sur le ballon, plus que sur le gardien ou la cage. Et lorsque je pose mon ballon, je mets toujours la valve de mon côté. Après je n’ai pas de routine particulière. Je ne prends juste pas trop d’élan.

Et pouvez-vous nous détailler vos différentes façons de frapper le ballon selon ce que vous voulez en faire ?
Quand il y a un mur de plusieurs joueurs, j’essaye de fouetter le ballon pour qu’il puisse prendre une trajectoire montante et ensuite retomber rapidement. Pour cela, je tape le ballon au niveau du gros orteil. Et sur les coups francs lointains, lorsque le mur est plus petit ou absent - et qu’il est aussi moins habituel de voir des joueurs frapper directement - je m’applique à faire flotter au maximum mon ballon pour perturber le gardien, comme cela a été le cas face à Amiens. Alors, je prends le ballon plus sur le dessus du pied. D’aussi loin, mon objectif est d’attraper le cadre et de faire bouger le ballon pour provoquer une erreur du gardien ou au moins lui compliquer la tâche en le contraignant à le repousser vers mes coéquipiers qui suivent.

Cette saison, vous avez marqué tous vos coups francs de loin (30,15m, 31,97m et 37,72m). Est-ce qu’il est plus difficile de marquer de près ?
Même si la saison dernière j’ai touché deux fois la barre sur des coups francs assez proches, ils sont plus difficiles. Car il y a moins de temps pour que le ballon redescende. Non pas que cela me soit impossible de marquer des 20 mètres, mais la distance idéale pour moi est plutôt de 25 mètres, car je tire de manière à ce que le ballon redescende derrière le mur. Ce qui n’est pas évident avec une distance raccourcie.

En tous les cas, vos adversaires sont prévenus de votre menace. Pensez-vous que les autres équipes vous craignent à présent ?
Je ne sais pas si ça fait peur, mais ils doivent sans doute y prêter attention. Je pense aussi que les équipes adverses les étudient à la vidéo. Ils savent qu’il peut y avoir danger en commettant des fautes dans une certaine zone.

Vous frappez aussi les corners au HAC. Procédez-vous de la même façon ?
Pour les corners, je ne m’entraîne pas davantage. Je dis à mes coéquipiers où je vais les mettre en visant une zone et après ils se débrouillent. A eux de faire en sorte d’être présent à l’arrivée (rires). Sur la façon de tirer, je ne cherche pas à faire flotter mon ballon, mais j’essaye quand même de le faire monter et redescendre pour permettre à mes coéquipiers de bien l’attaquer.

Enfin, nous n’avons pas évoqué le complice de votre réussite : le ballon. Cela vous est-il profitable de pouvoir compter sur un ballon unique en Ligue 2 BKT ?
Avec le même ballon, c’est plus simple. A l’usage, on sait très bien comment il faut le frapper pour obtenir le résultat recherché. Cela permet aussi la régularité. Car selon les ballons, ça ne donne pas toujours la même chose. Par exemple en Coupe de France (le HAC y a été éliminé au 8e tour le 28 novembre), ce n’était pas évident d’en avoir un autre. Donc je comprends pourquoi à l’époque certains tireurs, comme Juninho, demandaient d’avoir le ballon de l’adversaire pour s’y habituer.