Lionel Mpasi (Rodez AF).
Interview

Lionel Mpasi : « Débuter la saison comme numéro 1 n'a pas été simple »

Lionel Mpasi : « Débuter la saison comme numéro 1 n'a pas été simple »

Interview
Publié le 10/12 à 09:55 - N. Maître

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Dernier rempart du Rodez AF, Lionel Mpasi vit à 27 ans sa première saison comme gardien numéro 1 dans le monde professionnel. Formé au Paris Saint-Germain et passé par le Toulouse FC, il se livre sur son parcours singulier ainsi que sur les particularités de son poste.

Lundi, vous allez avoir l’opportunité de jouer pour la première fois au Stadium plus de sept ans après avoir signé votre premier contrat professionnel avec le Toulouse FC. Comment abordez-vous cette rencontre ?
J’ai hâte ! Je prépare ce match comme tous les autres, mais c’est vrai que ça va être un moment particulier pour moi. La saison passée déjà, j’avais eu la chance de jouer contre le TFC et cela avait été un match spécial. Il s’était bien passé pour nous, puisque l’on avait gagné 1-0 à domicile. Là, le fait d'aller jouer au Stadium, à la maison, avec Rodez où je suis très bien depuis six ans, ça annonce un match excitant à jouer.

Vous disputez votre première saison comme gardien numéro 1. Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Je suis arrivé à Rodez en 2016 après un an au chômage, sans avoir de club, à la suite de mon passage au Toulouse FC. Là-bas, j’ai joué trois ans (2012-2015) et signé mon premier contrat pro, mais je n’ai jamais eu la chance de pouvoir m’imposer. C’était compliqué, donc j’ai décidé de partir à la fin de la saison 2014/15. C’est à partir de ce moment-là que je me suis retrouvé sans rien, puis j’ai eu la chance de recevoir un appel de Rodez qui cherchait un gardien numéro 2.

Alors que vous étiez au chômage depuis un an, comment Rodez a eu connaissance de votre profil ?
C’est grâce à Teddy Richert, l’entraîneur des gardiens de Toulouse de l’époque. Comme on est très proches, il m’a beaucoup aidé durant cette période sans club. Je lui en serai toujours reconnaissant. Il a négocié avec les dirigeants du centre de formation de Toulouse pour que je puisse m’entraîner et me remettre en forme de mars à juin 2016. Ça m’a beaucoup aidé. Et à la fin de cette période d’entraînement, comme Teddy connaît bien Grégory Ursule (Manager général de Rodez) qui cherchait un gardien, il a donné mon nom. C’est comme ça que mon histoire a commencé avec le club.

Vous avez toujours voulu être gardien ?
Quand j’ai commencé le foot à l’US Torcy, j’étais défenseur central pendant mes deux premières saisons chez les débutants. Mais quand je suis arrivé dans la catégorie des poussins, on n’avait pas de gardien pour le premier match. Du coup, le coach avait dit qu’on ne pouvait pas jouer si personne n’aillait dans les buts. Comme j’avais déjà été deux-trois fois à ce poste et que j’aimais bien y aller, je me suis proposé. A partir de là, j’y suis resté, et j’ai fini par entrer au centre de formation du Paris Saint-Germain à 15 ans.

« Je n’ai vraiment que de bons souvenirs au PSG »

Finalement, vous n’avez pas joué longtemps dans le champ…
Non ! (rires) J’ai fait quelques tournois et j’ai gagné un concours de tirs au but dans une compétition de foot en salle, puis ça s’est arrêté là. Mais je pense que j’ai toujours été un défenseur dans l’âme. Quand je joue en dehors du cadre professionnel, je déteste aller dans les buts, je suis toujours défenseur. J’aime bien défendre et je me trouve plutôt bon.

Vous avez évoqué votre arrivée au centre de formation du Paris Saint-Germain. Quels souvenirs gardez-vous de ces années-là ?
Quand j’ai rejoint le centre de formation, j’avais des étoiles dans les yeux. Étant de la région parisienne, c’était une énorme fierté d’être recruté par le PSG. J’ai profité de tous les moments là-bas. J’ai eu la chance de fréquenter des supers coachs et coéquipiers. Il y avait notamment Presnel Kimpembe, Adrien Rabiot ou Kingsley Coman qui sont aujourd’hui tout en haut du niveau professionnel. C’est un passage qui m’a beaucoup apporté. Techniquement, comme on devait beaucoup jouer au pied, je me suis nettement amélioré. Je n’ai vraiment que de bons souvenirs au PSG.

Aviez-vous l’opportunité de vous entraîner avec le groupe professionnel ?
De temps en temps. Quand il manquait un gardien, j’étais appelé pour faire des séances avec eux. Je me suis entraîné avec le groupe sous les ordres d’Antoine Kombouaré et de Carlo Ancelotti. C’est surtout lors de la première année des propriétaires qataris que j’ai eu la chance de m’entraîner pas mal de fois avec les professionnels. C’était vraiment plaisant de pouvoir côtoyer cet univers. Après, j’étais très jeune, je savais que rien n’était fait et que c’était simplement parce qu’il manquait des gardiens. Mais ça m’a permis de progresser plus rapidement.

Pour revenir à Rodez, vos débuts au club ont été semés d’embûches…
Déjà, mon année sans club, honnêtement, c’était très, très dur mentalement. Heureusement que ma famille et mes amis étaient présents pour me soutenir. Ma foi en Dieu m’a aussi aidé pendant cette période. Ensuite, quand j’arrive à Rodez, je sais très bien que je vais être numéro 2, mais c’était un projet que je ne pouvais pas refuser au vu de ma situation. Le problème, c’est que lorsque je fais ma première séance d’entraînement, le club découvre que j’ai une fracture du tibia. J’ai dû me faire opérer et je me suis retrouvé écarté des terrains pendant six mois. Quand je reviens, le club monte en National et recrute Enzo Basilio. Il joue toute la saison comme numéro 1 et repart à Dijon.

« Je savais que si je me loupais, c’était mort pour moi »

Mais vous avez rapidement vu arriver un autre gardien…
Oui. Le club a décidé de recruter Arthur Desmas à l’été 2018 et il est resté deux saisons, dont celle de la montée en Ligue 2 BKT. J’étais sur le banc mais je ne pouvais rien dire, car Arthur était performant et le groupe vivait très bien. Le club était dans une dynamique positive, donc c’était plus facile d’accepter d’être remplaçant, surtout que je prenais du plaisir à l’entrainement. En plus, que ce soit avec Enzo (Basilio) ou Arthur (Desmas), on s’est très bien entendus. Ensuite, Théo (Guivarch) est arrivé mais la première partie de saison dernière s’est mal passée pour nous et pour lui, et j’ai pu avoir ma chance en décembre.

Le RAF était sur une série de onze matchs sans victoire au moment où Laurent Peyrelade décide de vous titulariser. Comment avez-vous abordé votre premier match ?
J’étais prêt ! Quand le coach m’a titularisé au Havre (le 22 décembre 2020), je sentais depuis un petit moment que ça pouvait arriver, car on était effectivement dans une situation délicate. Forcément, j’avais un petit peu de pression, l’équipe allait mal et c’était un match charnière avant la trêve. Je savais que si je me loupais, c’était mort pour moi. Mais une fois sur le terrain, la pression a disparu. J’ai pris énormément de plaisir dans un super stade et ça s’est plutôt bien passé puisqu’on avait réussi à prendre un point. Après tant d’années, ça faisait plaisir de jouer, même si je savais très bien qu’en étant gardien, il n’y aurait qu’une place chaque week-end et qu’il faudrait être très fort mentalement. Quand j'étais sur le banc, je me suis toujours dit que je devais travailler dans mon coin et ne rien dire. Je savais que ma chance viendrait un jour. J’ai réussi à la saisir.

Qu’est-ce que cette place de titulaire a changé dans votre quotidien ?
Pas grand-chose. J’ai toujours été le bon vivant du vestiaire, j’ai toujours eu une très bonne relation avec l’ensemble du club et je n’ai pas senti de changement de comportement envers moi. Je prépare toujours mes matchs de la même manière. Par contre, débuter la saison avec le statut de numéro 1 n’a pas été simple. Je n’avais jamais été dans cette position, je me disais que j’allais devoir en faire encore plus, que j’allais être davantage regardé par les gens parce que contrairement à la saison passée, je n'allais plus être une surprise… Je me suis pris la tête et posé beaucoup de questions. Mais j’ai eu des discussions avec l’entraîneur adjoint et il m’a dit que le plus important c’est de rester soi-même. Ça m’a beaucoup aidé et je me pose moins de questions. Désormais, ça va mieux, je joue comme je sais le faire, et c’est cool.

Vous devez avoir plus d’échanges autour des matchs avec le coach et vos coéquipiers ?
Comme je suis au club depuis longtemps tout comme la plupart des défenseurs de l’équipe, on n’a pas eu besoin d’apprendre à se découvrir sur le terrain. J’étais déjà quelqu’un qui parlait beaucoup à l’entraînement, donc ça s’est fait naturellement. Je n’ai pas changé ma façon de parler ou mon discours. En revanche, c’est vrai qu’on discute davantage de ce qui a été bon ou pas dans un match. Après, avec le coach, on échange plus qu’avant sur les buts que je peux prendre ou sur les coups de pied arrêtés. Il me demande également mon ressenti sur certaines phases de jeu. Mais il n’y a pas énormément de discussions en plus que lorsque j’étais numéro 2.

« Je trouve que j’ai gagné en maturité »

Est-ce que vous devez avoir un rôle particulier dans la construction du jeu de votre équipe ?
Je dois être décisif comme tous les gardiens de chaque club ! On a un style de jeu assez direct, même si on essaie de progresser, je ne suis pas forcément impliqué dans la construction du jeu. Je tente tout de même parfois de repartir de derrière, car dans certains matchs, on a besoin d’avoir des phases de conservation pour ne pas trop courir derrière le ballon. Personnellement, je pense que mon jeu au pied est plutôt bon, grâce à ma formation au PSG, mais ce n’est pas forcément notre marque de fabrique. On ne va pas repartir de derrière sur chaque action. Je suis davantage attendu sur le rôle de gardien pur. Je dois être dynamique, bon sur ma ligne, diriger la défense et être présent sur les coups de pied arrêtés. Par exemple, sur ce dernier point, on défend d’une manière particulière. Le coach veut une ligne de défense haute pour me permettre d’avoir de l’espace pour sortir. Ça me laisse aussi plus de temps pour lire la trajectoire du ballon. J’aime bien défendre de cette manière, et ça fonctionne puisqu’on n’a pas pris beaucoup de buts sur les coups de pied arrêtés.

Depuis votre match au Havre, comment analysez-vous l’évolution de votre jeu ?
Au début, je n’avais pas tant de repères que ça, j’ai pris mes marques au fur et à mesure des matchs. Je trouve que j’ai gagné en maturité, car avant, on me reprochait souvent de manquer de concentration. Je suis encore loin d’être parfait, mais c’est le point sur lequel j’ai le plus progressé. Je me sens plus tranquille et concentré sur le jeu dans les matchs. Dans l’ensemble, on concède très peu d’occasions, c’est encore plus difficile pour moi parce qu’il faut savoir répondre présent sur la seule situation qui va se présenter. Là, ça fait une dizaine de matchs que je suis un peu plus décisif, mais au début de saison, je me prenais toujours un but sur la seule occasion qu’on concédait et c’était compliqué.

Dans quels domaines pensez-vous avoir encore une marge de progression ?
La lecture du jeu ! Je dois mieux gérer les moments où je dois accélérer ou calmer le jeu de l’équipe. J’ai l’habitude de beaucoup calmer le jeu lorsqu’on mène, car c’est difficile de tenir le score, mais il faut que j’arrive à changer ça par moments. J’aimerais être encore plus précis dans mon jeu au pied et réussir à faire des passes clés. Je suis conscient que ça peut être une force pour nous, donc il faut que je le perfectionne. Il faut aussi que je sois plus juste dans mon placement parce que je sens parfois que je suis mal positionné au moment de l’impact du ballon et je me retrouve avec un petit temps de retard. Être bien placé, ça change tout sur la plupart des actions.

Quels sont les gardiens que vous appréciez ?
En ce moment, j’aime beaucoup Édouard Mendy et Aaron Ramsdale. Après, si je dois en citer qu’un seul, c’est Marc-André ter Stegen. Je suis fan de son style de jeu. J’aime bien regarder ce que font les autres gardiens, j’aime bien analyser quand ils prennent des buts, mais je ne regarde pas des vidéos avant mes matchs en me disant que je vais reproduire la même chose qu’un tel.

« La sélection ? C’est Cédric Bakambu qui m’a contacté »

Y a-t-il des moments où l’on se sent invincible dans sa tête quand on est gardien ?
Oui ! J’aurais pu connaître cette sensation à Auxerre cette saison. On perd 1-0 là-bas, mais c’est un match où je suis archi sollicité et je multiplie les arrêts. Il y a des matchs comme ça dans ta carrière où tu ne peux pas l’expliquer, tu es en état de grâce, tu réussis tout et tu te sens fort. Tu peux sortir sur des ballons sur lesquels tu ne serais jamais allé dans un autre match et il ne va rien t’arriver. C’est comme les attaquants qui vont mettre un quadruplé dans leur match, ils savent que dans toutes les positions où ils vont frapper, ça va faire mouche ce jour-là.

Vous avez évoqué un peu plus haut votre concentration au cours des matchs. Comment gérez-vous le fait de ne pas être sollicité pendant de longues minutes ?
Je parle ! Je suis constamment en train d’échanger avec mes défenseurs, en train de les replacer, car je sais que ça me permet de rester dans le match. Je ne travaille pas forcément ma concentration en dehors du foot, mais même à l’entraînement, je suis constamment en train de parler, je dirais même que j’aboie dans mon but. Il n’y a pas un seul instant où l’on peut se permettre de penser à autre chose, de s’endormir, il faut toujours être attentif. Pendant les matchs, je fais entre quatre et cinq kilomètres. Les gens se demandent comment c’est possible. C’est parce que je suis constamment en train de bouger, de faire des petits appuis, d’aller de droite à gauche, pour ne pas sortir de mon match. Pour moi, c’est le poste où il y a le plus de responsabilités.

Vous êtes également international avec la République démocratique du Congo. Comment avez-vous été appelé pour la première fois ?
C’est Cédric Bakambu qui m’a contacté et qui m’a demandé si j’étais chaud pour venir en sélection en fin de saison dernière. Je lui ai répondu que j’étais ok et que ça me ferait plaisir. Ensuite, l’adjoint du sélectionneur est venu me contacter sur les réseaux. On a discuté et je lui ai confirmé que j’étais à leur disposition. Mais à ce moment-là, j’ai dû subir une petite opération du genou et je n’ai pas pu être sélectionné. Ils m’ont dit qu’il ne fallait pas que je m’inquiète et qu’ils allaient faire les démarches pour que je sois appelé au prochain rassemblement. Et c’est ce qui s’est passé. Ils ont contacté le club au cours de l’été et j’ai reçu ma première convocation en septembre. J’y suis allé pour compléter des formalités administratives pour avoir l'autorisation de jouer, puis j’ai pu être dans le groupe en octobre. C’est une grande fierté, je profite de tous les moments.

Ambitionnez-vous de vous emparer de la place de titulaire à court terme ?
Je ne me dis pas ça. Pour le moment, ce n’est déjà que du bonheur d’être appelé en sélection. J’ai connu cette situation pendant suffisamment longtemps pour savoir que je dois être patient, travailler et attendre mon tour. Ça ne me pose aucun problème de retrouver une place de numéro 2 en sélection. Je suis dans un groupe avec des joueurs comme Dieumerci Mbokani, Cédric Bakambu, Chancel Mbemba, qui ont de très belles carrières ou qui ont joué la Ligue des champions. C’est un honneur de pouvoir être avec eux. Quand je suis sur le banc, qu’il y a l’hymne national et que je vois tout le monde chanter, c’est un truc de malade.