Tous deux formés au Paris FC, Ousmane Camara et Jaouen Hadjam, 18 ans, s'installent en équipe première. Le coach Laurey, leur progression, les Bleuets, l’épouvantail Le Bihan… Entretien croisé.
Jaouen, peux-tu nous présenter Ousmane Camara ?
C’est un défenseur central d’1m97, bon dans les duels, qui compense son manque de vitesse par son sens de l’anticipation. Balle au pied, il est à l’aise. Il est capable de casser les lignes.
Et toi, Ousmane, comment décrirais-tu Jaouen Hadjam ?
C’est un latéral gauche très technique, avec beaucoup de talent. Il est véloce, physique, à l’aise techniquement, comme Marcelo en 2014 (rires). C’est un joueur intelligent aussi. Mais s’il y a une qualité que je lui envie, c’est sa technique.
JH : Moi, c’est sa capacité à anticiper ! A l’inverse, je pense qu’Ousmane a une belle marge de progression sur sa motricité, les changements de direction, le fait de se retourner vite. Forcément, c’est plus compliqué pour quelqu’un d’aussi grand mais il a déjà beaucoup progressé dans ce domaine depuis qu’il a intégré le groupe pro.
OC : Je suis 100% d’accord. Moi, Jaouen, je pense que tu peux progresser dans l’analyse des situations, savoir quand dribbler par exemple, puisque c’est quelque chose de facile pour toi. Il faut savoir faire le bon geste au bon moment mais ça va venir avec le temps.
JH : C’est exactement ça. C’est un point que le coach aborde avec moi et j’essaie de travailler là-dessus au maximum depuis plusieurs mois.
Comment Thierry Laurey vous fait-il travailler précisément ?
JH : Il y a beaucoup de vidéo. Mais le plus souvent, le coach nous fait les remarques pendant l’entraînement. Dès qu’il voit quelque chose qui ne lui plaît pas, il arrête le jeu pour venir t’expliquer ce qu’il attend de toi.
Depuis le début de votre carrière, vous avez évolué à différents postes tous les deux…
JH : Plus jeune, je jouais offensif. Mais depuis que je suis au centre de formation du Paris FC, j’évolue comme latéral gauche dans une défense à quatre. On est dans une équipe qui utilise plusieurs systèmes donc il faut être capable de s’adapter à différents postes. Depuis le début de la saison, j’ai déjà joué à quatre postes différents : défenseur central gauche dans une défense à quatre, défenseur central gauche dans une défense à trois, latéral gauche dans une défense à quatre et piston gauche, comme contre l’OL en Coupe de France. En piston, je me sens à l’aise car je peux davantage m’exprimer offensivement. Mais là où le coach me demande de jouer, je m’adapte !
OC : C’est validé (rires). Moi, je suis défenseur central de formation mais j’ai fait la saison dernière – ma première chez les pros - comme milieu défensif, pour découvrir un nouveau poste et m’aider à progresser. En formation, les postes ne sont jamais figés. Cette saison, le coach m’a fait redescendre en défense centrale.
Ousmane, qu’est-ce que cette saison au poste de milieu défensif t’a apporté ?
J’ai progressé dans l’anticipation et dans la lecture du jeu. Comme l’a dit Jaouen, la vitesse n’est pas ma qualité principale donc je suis obligé de voir avant l’adversaire, d’avoir un temps d’avance. Être au milieu, ça m’a appris à jouer beaucoup plus vite, à être plus à l’aise balle au pied.
Pour continuer cette présentation croisée, quel type de garçon êtes-vous ?
OC : Jaouen, c’est quelqu’un de drôle, de bonne humeur. Il rigole beaucoup, il est joyeux. C’est un garçon respectueux, attentionné. Il ne se laisse pas marcher dessus. Il est gentil et généreux. Il m’invite souvent à manger après l’entraînement, que ce soit à côté du centre ou même chez lui.
JH : Moi, je dirais qu’Ousmane est marrant. C’est une de ses grosses qualités. Il est facile à vivre. Quand on s’est rencontré, le feeling est passé tout de suite. Il a son caractère, il ne se laisse pas faire. Quand il y a quelque chose à dire, il ne se cache pas. Lui aussi, il est attentionné. Ousmane aime bien débattre aussi. Ensemble, on peut débattre pendant des heures même si à la fin, chacun reste sur sa position en général (rires) ! En ce moment, on parle beaucoup de la CAN mais, depuis quatre ans qu’on se connaît, le plus gros débat, c’est sur Neymar. C’est un de mes joueurs préférés et Ousmane ne peut pas le voir. Lui, son joueur, c’est Cristiano Ronaldo. Pour lui, Neymar n’a pas le talent de Cristiano et jamais il n’atteindra son niveau.
« C’est comme si on restait des petits »
Vous êtes tous les deux nés à Paris, à moins de trois semaines d’intervalle. Est-ce un avantage de devenir professionnel près de chez de soi ?
OC : C’est plus facile d’être au Paris FC qu’ailleurs parce qu’on reste proches de nos familles. Ça nous permet de garder la tête sur les épaules, de ne pas faire n’importe quoi. Au PFC, on est bien gérés. C’est comme si on restait des « petits », tout le monde prend soin de nous. On prend le temps de nous expliquer les choses. On est bien entourés ici et je suis bien placé pour le dire puisque je suis arrivé au PFC à 9 ans, je suis un enfant du club !
JH : C’est une bonne chose pour Ousmane et moi d’être à Paris car on a un bon entourage tous les deux. Mais, pour quelqu’un qui n’a pas cette chance, cet avantage peut se transformer en désavantage. Ça peut être dangereux de rester au quartier par exemple.
Vous faites l’objet de beaucoup plus de sollicitations ou tentations ?
JH : On voit des choses autour de nous, c’est sûr. Heureusement, mon grand frère a su garder à distance des personnes qui ont essayé d’entrer dans ma vie à un moment. Même si on n’a encore rien fait dans le foot, on découvre de « nouveaux amis ». Mais on sait qui était là depuis le début.
Quel est votre endroit préféré à Paris ?
JH : J’aime bien me balader sur les Champs-Elysées mais je vais plutôt dire Saint-Blaise (rires) !
OC : (Rires) C’est mon quartier, dans le 20e arrondissement, c’est là où j’ai grandi ! A force d’en parler à Jaouen, je lui ai donné envie. On a beaucoup de phénomènes ! Beaucoup de joueurs professionnels aussi ! Tout le monde aime le football à Saint-Blaise, on ne parle que de ça. Mais sinon, à Paris, j’aime bien aller au restaurant à Bastille.
Ousmane, tu parlais des footballeurs professionnels qui viennent de ton quartier. Tu peux nous citer des noms ?
Parmi les joueurs actuels, il y a Samuel Yohou, ancien défenseur du Paris FC aujourd’hui à Dunkerque. Il y a aussi Baboye Traoré, qui a longtemps joué au PFC, et Boubakary Soumaré, qui était à Lille et qui évolue maintenant à Leicester. J’échange souvent avec lui. Et au quartier, il y a beaucoup de petits qui vont bientôt arriver !
« On avait encore des réflexes de gamin »
Vous êtes plusieurs jeunes joueurs formés au PFC à jouer régulièrement cette saison… Jaouen, tu as déjà disputé 13 matchs contre 7 la saison dernière. Toi, Ousmane, tu es passé de 4 entrées en jeu à déjà 19 matchs. Avant que la saison ne commence, vous attendiez-vous à jouer autant ?
OC : Non, mais je suis content. Ça montre une fois de plus que, dans le football, la vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain et que, quand on travaille, ça finit par payer. Avant la saison, je ne m’étais pas fixé d’objectif en termes de nombre de matchs mais je voulais jouer plus que la saison dernière. Je voulais être davantage présent dans le groupe, débuter des matchs, faire des matchs en entier... La saison dernière, c’était ma première chez les pros. J’ai observé beaucoup de choses que j’essaie de mettre en application désormais.
De quoi parles-tu ?
OC : Avec Jaouen, on est directement passés des U19 aux pros. On n’a pas joué en réserve, on a découvert le monde senior avec le groupe pro. Il a fallu vite apprendre car on avait encore des réflexes de gamin. Il fallait les gommer. On a beaucoup appris aux côtés des joueurs d’expérience qu’il y avait autour de nous, comme Jonathan Pitroipa, Lalaina Nomenjanahary… Ils nous ont montré ce qu’était le football des « grands » : ne pas faire trop de touches de balle, ne pas perdre le ballon dans certaines zones…
JH : Se méfier des adversaires qui ont du vice aussi. C’est ce qui m’a le plus marqué lors de mes premiers matchs amicaux en pro contre Dijon ou Lens. Les attaquants se mettaient derrière toi puis te passaient devant d’un coup… Ils faisaient des appels, contre-appels… Tu les touchais à peine, ils criaient, ils tombaient et l’arbitre sifflait faute. On a beaucoup appris de ces situations et c’est ce qui fait qu’on a plus de temps de jeu aujourd’hui je pense.
A quel moment tu t’es dit que tu aurais un plus grand rôle à jouer cette saison ?
JH : Dès les premiers entraînements, j’ai senti que le coach était derrière nous, qu’il avait envie de nous pousser. Il se comportait de la même façon avec nous qu’avec les anciens. Si tu as le niveau, tu joues.
OC : Ça nous a vraiment boostés pour tout donner.
JH : Et quand les premiers matchs sont arrivés, le coach nous a fait jouer et on a réussi à montrer ce qu’on savait faire, à montrer qu’on avait le niveau Ligue 2. C’est pour ça qu’il nous fait confiance.
Thierry Laurey vous avait expliqué qu’il y aurait davantage d’opportunités pour les jeunes cette saison ?
JH : Si je me souviens bien, il avait dit qu’il essaierait de faire confiance aux jeunes dans une interview, que c’était un des objectifs du club de développer les jeunes joueurs. Ça se vérifie aujourd’hui.
« Thierry Laurey nous chambre beaucoup »
Quelle est votre relation avec le coach ?
JH : Personnellement, il m’apporte beaucoup tactiquement, sur mon placement en tant que défenseur notamment. Il m’apprend à être un vrai défenseur. C’est vrai que je m’implique beaucoup sur le côté offensif mais il m’apprend à bien défendre avant d’attaquer. C’est un très bon coach. Il fait du bon travail.
OC : Moi, c’est aussi tactiquement qu’il m’apporte le plus. Le coach me montre comment gérer certaines situations. Encore une fois, comme je ne suis pas très rapide, je dois être capable de bien lire le jeu. Être au point tactiquement m’aide à gagner mes duels. Durant la saison, on a pas mal changé de système donc j’apprends à m’adapter. Il m’apporte aussi sur le plan technique et au niveau de la sérénité. Il me prend souvent à part à la fin de l’entraînement pour que l’on fasse des exercices supplémentaires : des gammes, des transversales… Ça peut paraître simple mais c’est essentiel. Et il me parle beaucoup. Il me donne confiance. Le coach peut paraître strict mais, nous, les jeunes, on a besoin d’un coach comme ça.
C’est vrai que, de l’extérieur, Thierry Laurey peut renvoyer une image stricte…
JH : Sur le terrain, c’est quelqu’un de très rigoureux mais il rigole quand même ! Si on commence à parler ou à contester l’arbitrage lors d’un exercice de conservation, il va nous recadrer.
OC : Il sait rigoler au bon moment.
JH : Ça étonne les gens mais, oui, il rigole souvent avec nous dans le vestiaire. Il nous chambre beaucoup ! Tout le monde prend ! Si tu rates deux ou trois passes pendant l’entraînement, il va te demander ce que tu as mangé au petit-déjeuner par exemple (rires).
Vous émergez dans le groupe pro en même temps que d’autres jeunes formés au club comme Check-Oumar Diakité ou encore Yoan Koré…
JH : Ça nous aide beaucoup pour l’adaptation. La saison dernière, quand on m’a annoncé que j’allais intégrer le groupe professionnel, j’ignorais qu’Ousmane serait là aussi. Quand on m’a ajouté sur le groupe WhatsApp de l’équipe et que j’ai vu son nom, ça a été un soulagement ! Je savais que je n’allais pas être tout seul, que j’allais avoir un repère dans le vestiaire. Tout est plus facile. Parfois, on est un peu entre nous mais on peut aussi compter sur des joueurs comme Axel Bamba pour nous intégrer.
OC : Axel nous aide beaucoup. Même s’il a longtemps été blessé cette saison, il sort d’une saison pleine et il a déjà beaucoup de matchs de Ligue 2 BKT au compteur. Il est toujours avec nous. Mais c’est sûr que si j’étais arrivé dans le groupe pro sans Jaouen et les autres, ça aurait été plus difficile. J’aurais été beaucoup plus timide et j’aurais peut-être été seul dans mon coin.
JH : Par exemple, sur le terrain, si je vois Ousmane tenter et réussir quelque chose pendant une conservation, ça va me mettre en confiance et je vais me dire que je peux tenter un geste moi aussi. Ça nous permet de repousser nos limites.
« Le statut du club a changé »
Est-ce que vous sentez que le regard des gens sur le Paris FC est en train de changer ces dernières années ?
OC : On nous prend beaucoup plus au sérieux. Il y a encore quelques années, le Paris FC n’était pas particulièrement reconnu pour son centre de formation mais, maintenant, il y a de plus en plus de joueurs qui sortent. Les gens voient qu’ici, ça bosse bien.
JH : Quand j’ai signé au Paris FC, en 2018, c’était la première année du centre de formation. J’avais annoncé la nouvelle dans une story Instagram et plusieurs personnes m’avaient écrit pour me demander pourquoi j’allais là-bas, que ce n’était pas un centre de formation. Ils rigolaient. Aujourd’hui, ces mêmes personnes me félicitent d’être passé pro au PFC. Le statut du club a changé. Les infrastructures aussi. C’est un vrai et beau centre de formation.
OC : Il y a des joueurs dans toutes les équipes de France de jeunes, dans chaque catégorie. Chez les féminines aussi. Ça en dit long ! Par exemple, on a été convoqués en équipe de France U19 avec Jaouen et Obed Nkambadio. Check-Oumar Diakité, qui a un an de plus que nous, était, lui, avec les U20.
Quand on vous parle du centre de formation du Paris FC, quels sont les noms qui reviennent ?
OC : Axel Bamba déjà. C’est un peu la référence, il a fait toutes ses gammes au Paris FC même si ce n’était pas encore le centre de formation tel qu’on le connaît aujourd’hui.
JH : Oui, on est les premiers à sortir du centre de formation avec Mathieu Lacan (le directeur adjoint du centre). Ousmane, Check-Oumar Diakité, Obed Nkambadio, Yoan Koré, moi… Ces derniers mois, ça émerge vraiment.
Auparavant, beaucoup de bons jeunes passaient par le Paris FC avant d’aller s’imposer ailleurs. Comment le club est-il devenu plus qu’une étape ?
OC : Le Paris FC a toujours misé sur les jeunes. Comme il n’y avait pas de centre de formation, c’était dur de les garder alors que, maintenant, c’est possible. Mais la politique du club a toujours été de développer ses jeunes, d’essayer de les faire jouer en équipe première. C’était plus difficile avant mais on voit désormais que le PFC met encore plus l’accent sur les jeunes.
JH : Quand j’ai signé, on ne m’a pas parlé de l’équipe première. A l’époque, si on m’avait dit que je jouerais en équipe première deux ans plus tard, je n’y aurais pas cru. On me parlait surtout des infrastructures qui se développaient, de l’école…
Justement, Jaouen, tu as obtenu ton bac avec mention l’année dernière…
Oui, un bac général. Mon emploi du temps se partageait entre les entraînements et les cours, c’était un peu compliqué. Mais à la fin de la saison, on a fait un stage intensif juste avant le bac et je l’ai eu !
« Trop grand pour continuer à être ramasseur de balles ! »
Pour remonter un peu dans le temps, quels sont vos premiers souvenirs du Paris FC ?
JH : J’ai fait plusieurs clubs dans ma jeunesse : Rungis, Champagne-sur-Oise, Alfortville, Créteil… Je viens du 94 et, pendant toutes ces années, quand j’entendais parler du Paris FC, je me disais : « Non, pas eux ». De l’extérieur, j’avais l’impression que leurs joueurs ne voulaient pas se mélanger. Lorsqu’il y avait des détections à Clairefontaine, chaque club avait le droit de ramener une équipe mais le Paris FC avait le droit d’en ramener deux, grâce à sa bonne réputation. Ça pouvait créer de la jalousie. Comme c’est un des meilleurs clubs de la région, ils faisaient un peu peur à tout le monde.
OC : Moi, mon premier souvenir du Paris FC, c’est un tournoi de futsal avec le club de mon quartier. On avait battu le PFC en finale 1 à 0 et j’avais marqué sur coup franc. Tous mes frères étaient déjà au PFC et un coach m’avait proposé de signer. Au début, je voulais rester avec mes potes mais, finalement, j’y suis allé.
Ousmane, tes frères jouent encore ?
J’ai un frère, Moussa, né en 1998, qui joue avec la réserve du Red Star. Il est gardien. Pareil pour mon frère Bouba, qui est né en 2000 et qui joue à Aubervilliers, en N3. Mes deux autres frères ont arrêté. J’ai aussi ma petite sœur Fatou au Paris FC. Elle joue en attaque, elle.
Vous vous souvenez du premier match auquel vous avez assisté à Charléty ?
OC : C’était sûrement pour un match où j’étais ramasseur de balles. Quand j’étais petit, j’aimais trop ça. Dès que je le pouvais, je le faisais. Mais il y avait de la concurrence ! C’était super de voir les matchs au bord du terrain. J’ai fait ça jusqu’à 13 ans. Après, j’étais trop grand en taille pour continuer, j’étais plus grand que les joueurs (rires) ! Vincent Demarconnay était déjà dans l’équipe même si c’était Thomas Aupic le gardien titulaire. Il y avait aussi Baboye Traoré, Karl Toko Ekambi…
JH : Moi, je suis allé voir les matchs à partir du moment où je suis entré au centre de formation. Avant ça, je n’avais vu des matchs qu’au Parc des Princes ou au Stade de France. Mon premier match, c’était un France-Brésil. Je jouais chez ma grand-mère et mon père m’a emmené par surprise ! On avait gagné 1-0, but de Benzema (match amical de septembre 2011). Neymar était tout jeune, il avait sa crête. C’est peut-être là que je suis tombé amoureux de lui (rires). Mais, comme Ousmane, j’ai déjà été ramasseur de balles quand j’étais à Créteil, à l’époque de Cheikh N’Doye.
OC : Quand Jaouen était à Créteil, on jouait l’un contre l’autre !
Ah bon ?
OC : J’avais une mauvaise image de Jaouen parce qu’il était fin techniquement. Et nous, quand on était jeunes, dès qu’un joueur montrait qu’il était à l’aise techniquement, on disait qu’il se prenait pour quelqu’un d’autre. On avait une sale image de lui. Mais quand on s’est retrouvés au centre de formation, j’ai vu que je m’étais trompé sur lui !
JH : Ah ça, je me faisais casser parfois… Je me souviens d’Ousmane lors d’un match de coupe en U14 où on avait fait 1-1 contre le PFC. C’était un match chaud, ça se rentrait dedans. Ça avait même failli finir en bagarre. Hannibal Mejbri (international tunisien aujourd’hui à Manchester United) et Aladji Doucouré (aujourd’hui à Metz) étaient les stars de leur équipe.
« Axel Bamba nous a beaucoup aidés »
Quels joueurs du Paris FC vous apportent le plus ?
OC : Ousmane Kanté, à côté de qui je joue. Il m’aide à travers ses consignes. Il me parle beaucoup sur le terrain, il me met en confiance. Axel Bamba et Gaëtan Laura me donnent également beaucoup de conseils…
JH : Pour moi, c’est Axel Bamba. L’avantage avec lui, c’est qu’il a vécu ce qu’on vit en ce moment. Il est issu du Paris FC, il est monté en pro, il a réussi à s’imposer… Il a connu toutes les étapes. On peut se reconnaître dans son parcours.
OC : Il nous a beaucoup aidés, surtout l’année dernière.
Qu’est-ce qu’il vous disait par exemple ?
JH : Axel nous disait de respecter les anciens mais que, même si on doit les respecter, il ne faut pas se laisser marcher dessus. Il nous expliquait où mettre les limites.
Depuis que vous avez intégré le groupe pro, qui vous a le plus impressionné ?
JH : Jonathan Pitroipa et Marvin Gakpa. Ce sont des joueurs fins techniquement, capables de changer de direction à tout moment.
OC : Je n’avais jamais vu ça !
JH : Tu ne peux pas les cerner. Leur corps est orienté d’une telle façon que tu t’attends à ce qu’ils fassent la passe à un endroit, c’est sûr et certain, mais non, d’un coup, ils partent de l’autre côté. Le temps que tu changes tes appuis, c’est trop tard ! Les passes qu’ils trouvent, les dribbles en un contre un, surtout ceux de Jonathan Pitroipa…
OC : Il y a aussi Lamine Diaby Fadiga… Il n’a que deux ans de plus que nous et pourtant…
JH : Il a de telles qualités… C’est un numéro 9 qui a tout.
Êtes-vous parfois en contact avec des anciens du Paris FC ?
OC : J’ai rencontré Karl Toko Ekambi il y a quelques années. Baboye Traoré, qui vient du même quartier que moi, avait ramené Karl une fois. Je lui avais dit que j’avais été ramasseur de balles quand il jouait mais il ne m’a pas reconnu ! J’ai aussi parlé avec Hamari Traoré, un autre ami de Baboye.
« Mais pourquoi Mickaël Le Bihan n’est pas appelé en équipe de France ? »
Qui sont vos modèles ?
OC : Sergio Ramos ! Il a une mentalité irréprochable. Sur le terrain, il ne se cache jamais. Techniquement, il est bon. En un contre un aussi. Il se place bien. Il est capable de marquer des buts importants… Il a tout. Au Real, c’était une légende. C’était trop. Actuellement, j’aime beaucoup William Saliba aussi.
JH : Comme l’a dit Ousmane tout à l’heure, mon modèle, c’est Marcelo en 2014. Mais c’est vrai que maintenant, il est souvent remplaçant. Du coup, je regarde beaucoup Alphonso Davies et Andy Robertson. Des joueurs qui font beaucoup d’allers-retours, qui sont décisifs offensivement, en place derrière. Alphonso Davies est né en 2000 mais c’est un athlète ! Et je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un exemple mais j’aime bien Nuno Mendes. Il n’a qu’un an de plus que nous mais il a beaucoup de potentiel. Il a encore quelques lacunes au niveau du positionnement mais il a de grosses qualités techniques et athlétiques. J’aime beaucoup ce profil.
Depuis que vous jouez en pro, quels adversaires vous ont posé le plus de problèmes ?
OC : Mickaël Le Bihan de Dijon ! Quand tu le regardes, tu te dis que ça va, qu’il n’a pas l’air rapide, pas si costaud mais en fait, c’est choquant !
JH : Carrément ! J’ai joué contre lui lors d’un amical avec l’équipe de France. Quand certains me disaient de faire attention à lui, je trouvais qu’ils abusaient. Il ne paie pas de mine. Il est grand donc je me disais qu’il ne devait pas aller très vite… Techniquement, ça va… Mais il est monstrueux ! A la fin du match, je me suis carrément dit : « Mais pourquoi il n’est pas appelé en équipe de France ? ». Sur ses remises, son positionnement, techniquement, il est trop à l’aise ! Cette saison, c’est un peu plus compliqué avec Dijon mais la saison dernière avec Auxerre…
OC : Même cette saison, quand il y a eu Dijon-PFC, c’était quelque chose… C’est difficile de lui prendre la balle. Il est solide.
Vous avez tous les deux joué en équipe de France U19 récemment avec des garçons comme Elye Wahi, Edouard Michut, Lucas Gourna-Douath… Qu’est-ce que vous en retenez ?
OC : C’est beaucoup de fierté. On se dit qu’on ne bosse pas pour rien. L’équipe de France, c’est une récompense.
JH : C’est beau. Se dire qu’on est dans les 23 meilleurs joueurs nés en 2003 de toute la France, c’est une grosse satisfaction. Ça fait plaisir que le sélectionneur Landry Chauvin pense à nous, ça veut dire que le Paris FC fait du bon boulot. Ces convocations en équipe de France nous montrent qu’il y a un autre football, que chaque coach a sa philosophie. La Ligue 2 est un championnat où ça rentre dedans, où il ne faut pas prendre de but, être efficace. Avec la France U19, on nous demande de nous écarter, de garder le ballon plutôt que de dégager…
OC : C’est le plaisir avant tout. Attention, au Paris FC, je prends aussi du plaisir mais, en équipe de France, c’est moins physique, plus technique. Il n’y a qu’à voir les joueurs qui sont appelés. Il y en a déjà plein qui jouent en Ligue 1. Ce sont des joueurs à l’aise techniquement.
JH : J’ai aussi fait une sélection avec Bernard Diomède et la génération 2002 et c’était la même chose. Dans les équipes de France, la philosophie est de jouer au ballon. Personne ne panique, ça joue avec le gardien…
Une dernière chose messieurs ?
OC : Jaouen, tu ne veux pas raconter ton face à face contre Caen ? (Rires)
JH : Ah… J’étais entré ailier gauche pour préserver le score parce qu’on menait 1-0. Mais à la dernière seconde, on part en contre. Le ballon arrive de la droite et je savais qu’il allait atterrir dans mes pieds, face au gardien. Le ballon vient et j’essaie de la mettre plat du pied au premier poteau.
OC : J’étais déjà parti célébrer moi…
JH : Je me dis : « C’est bon, c’est but ça ». Mais non, je la mets trop sur le gardien... L’arbitre siffle la fin du match et je me dis : « Non, ce n’est pas possible. Je n’ai pas raté ça. Je n’ai pas manqué mon premier but en pro ». Je suis allé voir Morgan Guilavogui, qui m’avait fait la passe, pour m’excuser de lui avoir « volé » une passe décisive… Dans le car, le coach m’a remontré l’action. Il m’a dit : « Tu prends des risques partout sur le terrain, tu tentes souvent des choses, et là où tu as le droit de faire ce que tu veux, tu me fais ça ?! »