Interview

A la découverte du kinésithérapeute des Crocos

A la découverte du kinésithérapeute des Crocos

Interview
Publié le 27/06 à 10:30 - LFP

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Originaire de la ville d’Occitanie, Anthony Lombardo (35 ans) occupe le poste de kinésithérapeute au Nîmes Olympique depuis 13 ans. Unique membre à plein temps du staff médical, il fait partie des rouages importants dans la vie quotidienne des Crocos en Ligue 2 BKT.

Anthony, comment vous êtes-vous retrouvé dans le staff du Nîmes Olympique ?
Lors de ma dernière année d’études, j’ai pu faire un stage de trois mois au Nîmes Olympique. C’est grâce à Johan Cavalli et Cédric Horjak, capitaine à l’époque, qui étaient en rééducation à Capbreton au moment où j’y étais moi-même pour un autre stage. Nous avons sympathisé et ils m’ont mis en contact avec le club. C’est comme ça que tout a commencé. C’était à l’époque de Jean-Michel Cavalli, l’année où il a réussi à maintenir le club (17e de Ligue 2 en 2008/09).

Et ce stage a donc été validé puisque vous êtes resté au club...
Exactement. Après ce stage, j’ai pu intégrer le staff du Nîmes Olympique en juillet 2009 car Jean-Michel Cavalli avait demandé à avoir un autre kiné à plein temps. Au début, j’ai pu travailler en parallèle en cabinet et en clinique. Ensuite avec les années et l’investissement au club, je suis resté à 100% au Nîmes Olympique.

Comment votre rôle a-t-il évoluer au cours de vos 13 années chez les Crocos ?
Jeune et sans expérience, je restais dans mon rôle de kiné. A l’époque, cela revenait au travail de rééducation sur la table. Aujourd’hui, je suis davantage en lien avec le staff technique. Je suis tout le temps à leur contact. Mon travail s’est sensiblement développé. La table reste un élément, mais il y a aussi désormais une prise en charge plus globale et variée des joueurs. Car depuis mes premiers pas au club, j’ai passé un diplôme d’ostéopathie avec cinq ans de formation en parallèle de mon activité à Nîmes. Cette année, je termine une autre formation, celle de préparation physique, récupération et nutrition. Ce qui me permet d’étendre mon champ de compétence autour de la réathlétisation.

Pourquoi avoir effectué ces formations supplémentaires ?
Je ressentais le besoin de mieux structurer certaines connaissances pour améliorer mon accompagnement des joueurs vers la reprise : le renforcement, la force musculaire, la pliométrie… Cela me permet de mieux aborder mon travail. Ma dernière formation m’apporte des connaissances dans le domaine hydrique et l’alimentation, alors que l’ostéopathie est très complémentaire de mon travail de kiné avec de la manipulation un peu plus précise. Désormais, je suis donc aussi tourné vers la préparation et la récupération physique. Ce qui m’apporte plus de bagages pour une meilleure prise en charge.

« C’est important de bien connaître le joueur avant d’établir un diagnostic »

Quelles sont vos principales missions auprès des joueurs ?
Pendant la semaine, tous les entraînements sont le matin avec un journée à double-entraînements, et la veille de match il est souvent l’après-midi. Avec le staff, nous y arrivons toujours beaucoup plus tôt que les joueurs, de façon à s’organiser avant les séances, mais aussi à échanger. Par exemple, je peux alerter sur la fatigue de certains joueurs. Ensuite, il y a les petits soins à faire avant l’entraînement. Pendant que les joueurs s’entraînent, j’en profite pour m’occuper des blessés. Et à la fin de l’entraînement, je reviens sur les joueurs pour traiter les éventuels petits bobos et plus généralement faire de la récupération. Mon rôle est aussi de remonter au staff l’état de forme des joueurs, aussi bien physique que mental.

Comment évaluez-vous l’état de forme général des joueurs ?
D’abord, il y a les retours objectifs. Chaque semaine nous passons un questionnaire aux joueurs sur leur état de forme, les éventuelles blessures ou douleur à signaler, l’état de stress, de fatigue... Cela permet de savoir comment chaque joueur va attaquer la semaine. Ensuite, nous avons aussi la possibilité d’utiliser après les séances le questionnaire RPE (évaluations de l’effort perçu) permettant aux joueurs d’évoluer la difficulté. La clé pour moi reste l’échange. Mieux je connais les joueurs, mieux je vais savoir quand ça ne va pas bien. Et lorsqu’un climat de confiance est installé, le joueur va forcément se confier plus facilement sur son état physique et mental. 

Et quel est votre rôle sur les matchs ?
J’accompagne l’équipe sur tous les matchs, à domicile comme l’extérieur. Je suis le seul kiné à le faire. Les deux autres kinés se relayent pour nous permettre de toujours être deux à disposition. A l’arrivée au stade, je prépare les boissons d’effort, et puis arrivent les massages d’activation, la mobilité sur table ou encore les straps à poser. Après la rencontre, je gère les retours de matchs (douleurs, récupération).

Pouvez-vous nous parler de votre travail spécifique lors des blessures de joueurs ?
Du début à la fin de la blessure, il y a un travail en commun avec Aurélien Boche qui est en charge de la réathlétisation. En fonction de l’avancée de la pathologie, le degré d’implication d’Aurélien et moi varie. Je m’occupe surtout du joueur au début de la blessure avec beaucoup de la rééducation et de la mobilité. Ensuite, j’effectue un travail plus spécifique, comme du renforcement en salle, du début d’appui…Nous nous entendons vraiment très bien avec Aurélien. Ensemble, nous nous occupons aussi de la prévention. En début de saison, nous effectuons des tests avec une grille d’évaluation pour faire un bilan articulaire, musculaire et fonctionnel. En fonction des résultats, nous mettons en place la prévention individuelle.

« Tout est réglé et calculé chez Paul Bernardoni »

Quelles sont vos relations avec les joueurs ?
Il faut être à la disposition des joueurs, mais avec les années j’ai appris à affirmer une certaine autorité. Mais on ne gère aucun joueur de la même façon. Je m’adapte à eux. Ne serait-ce déjà pour la notion de douleur. Pour que certains s’arrêtent il leur faudrait presque une jambe cassée, alors que d’autres vont avoir une courbature et avoir l’impression d’être blessé. Donc c’est important de bien connaître le joueur avant d’établir un diagnostic. Avec les années, je suis devenu ami avec certains, comme Benoît Poulain, Renaud Ripart et Anthony Briançon, qui m’a invité à son mariage. Ce qui rapproche, c’est de vivre des belles aventures, comme la montée en Ligue 1, un maintien un peu miraculeux en Ligue 2, une 1ère saison en Ligue 1 incroyable. Tout cela a permis de nous souder. Actuellement, avec Nicolas Usaï c’est génial ! Il est très humain et bichonne son staff. Il s’appuie sur moi, car je suis le seul membre du staff médical présent quotidiennement. Je fais le lien avec le docteur qui reste le patron du médical et prend les décisions.

Quels sont les joueurs les plus durs au mal que vous avez connu ?
Renaud Ripart. Pour qu’il s’arrête il fallait qu’il soit au bout du rouleau. Parmi les actuels, il y a Gaëtan Paquiez.

Lors de ces années passées au Nîmes Olympique, avez-vous été surpris par certaines demandes ou attitudes de joueurs ?
Le jour du match, tous les joueurs ont leurs petites habitudes. Il y a ceux qui veulent que l’on commence par la jambe droite, comme par exemple Yacine Benrahou. Ça les aide à entrer dans leur match. Autrement, il y avait Birger Meling (2020/21) qui mangeait 6 ou 7 fois par jour. Avant et après les entraînements, il arrivait sur la table avec sa boîte pour prendre ses graines ou ses fruits.

Quel joueur vous a le plus impressionné ?
Paul Bernardoni a été le joueur le plus rigoureux aussi bien dans son travail que dans sa vie. Tout est réglé et calculé chez lui. C’est un grand professionnel avec énormément d’implication. Il avait toujours le souci du détail pour prendre soin de son corps. C’est le genre de joueur qui m’a fait progresser, en me poussant à être plus précis au travers de ses demandes.

Et enfin, cela qui a le plus évolué au Nîmes Olympique ?
Téji Savanier a eu une grande évolution lors de son passage au club. Même si tout ce qui lui arrive n’est pas uniquement grâce à nous, ça lui a fait du bien. Nous l’avons vu progresser à Nîmes. Entre son arrivée (2015) et son départ (2019), ce n’était plus le même joueur. On peut dire qu’il est arrivé d’Arles-Avignon avec du surpoids. Il était encore jeune et pas très stable. Au Nîmes Olympique, il s’est vraiment stabilisé. Avec l’âge, il est devenu plus professionnel, en devenant plus rigoureux et en affichant beaucoup d’implication et de motivation aux entraînements. Et on peut voir ce qu’il est devenu maintenant : un super joueur qui sait exploiter tout son talent. Il a évolué à tous les niveaux, pas seulement physiquement. Il a même changé de poste.


(Crédit photo : Nîmes Olympique)