Yann Kitaka (Havre AC).
Interview

Yann Kitala : « Le discours de Luka Elsner se vérifie toujours sur le terrain »

Yann Kitala : « Le discours de Luka Elsner se vérifie toujours sur le terrain »

Interview
Publié le 05/10 à 10:52 - N. Maître

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Titulaire à la pointe de l’attaque du Havre AC depuis la 4e journée, Yann Kitala revient sur sa longue convalescence pour retrouver la pleine possession de ses moyens après une fracture tibia-péroné et évoque son épanouissement sous les ordres de Luka Elsner depuis son arrivée chez les Ciel et Marine. Entretien.

Vous enchaînez les titularisations pour la première fois depuis plus de deux ans. Comment vous sentez-vous ?
Je me sens bien ! Ça fait du bien de pouvoir enchaîner les rencontres. C’est vrai que ma blessure lors de mon arrivée à Sochaux (fracture tibia-péroné lors d’un choc avec Donovan Léon face à l’AJA, le 22 août 2020) a ralenti ma progression. Mais, maintenant que je suis bien remis sur pattes, je suis en train de progressivement monter en puissance. Petit à petit, je retrouve toutes mes sensations et tous mes repères grâce au temps de jeu que le coach m’accorde. C’est vraiment le projet que je recherchais en quittant Sochaux. Je peux dire que je suis tombé sur le projet idéal.

Pouvez-vous nous raconter comment vous avez vécu vos deux dernières saisons ?
La première a été très compliquée. J’ai mis plus de temps que prévu à retrouver les terrains. J’étais censé être blessé entre sept et huit mois, et, finalement, je l’ai été toute la saison. Je n’ai même pas pu rejouer. La deuxième, je n’étais toujours pas prêt à la reprise et j’ai loupé la préparation. Je suis seulement revenu en cours de saison (en septembre 2021). A ce moment-là, ça a été difficile de pouvoir suivre le rythme du groupe, qui avait fait une prépa et enchaînait les matchs. Je me suis accroché puis j’ai senti que je montais en puissance à partir de janvier-février. Le fait de pouvoir enchaîner les entrées en jeu et quelques titularisations m’a aidé. C’était ce qu’il me fallait pour retrouver des automatismes. Mais la saison dernière a été mitigée, je n’ai pas réussi à pleinement retrouver mon niveau. C’était une saison de transition.

Vous n’étiez pas en mesure de pouvoir enchaîner les titularisations ?
Oui. En plus, en revenant, après plus d’un an sans jouer, c’était compliqué pour le coach, qui avait des ambitions de monter, de me titulariser ou de me faire jouer à tous les matchs. L’équipe tournait bien et je n’étais pas à 100% de mes capacités. Au début, c’était quand même difficile de ne pas beaucoup jouer. Mais il fallait aussi savoir comprendre le coach : il cherchait à aligner les joueurs à 100%, et, moi, ce n’était pas le cas. Je savais qu’il fallait être patient et que j’allais revenir petit à petit, mais, en même temps, j’avais aussi besoin de jouer. Et le coach Omar Daf a très bien su gérer cela en m’accordant progressivement du temps de jeu. Cela m’a aidé à retrouver du rythme.

Avez-vous craint de ne jamais retrouver votre niveau ?
Non ! Je n’ai pas douté par rapport à cela. Je savais que cela allait prendre du temps. Parfois, dans ma tête, je sortais d’un entraînement et je me disais : « C’est bon, j’ai retrouvé mon niveau ». Puis, à l’entraînement suivant, je me rendais compte que ce n’était encore le cas. Mais je me suis toujours dit qu’avec le travail ça allait revenir. J’essayais toujours de faire des séances supplémentaires pour récupérer du mieux possible et j’allais souvent en salle après les entraînements. Le préparateur physique (Antoine Helterlin) et l’entraîneur adjoint (Stéphane Mangione) m’ont aussi beaucoup aidé et fait travailler.

« J’ai arrêté de mettre des protège-tibias un peu courts »

Quel discours avaient-ils ?
Ils me mettaient en confiance : ils me disaient que mon niveau ne pouvait pas disparaître et que j’allais le retrouver. J’ai parfois été impatient, car je trouvais que c’était le moment de me relancer, et ils étaient toujours là pour me soutenir, m’encourager et me rassurer. Sur le plan mental, leur soutien a été précieux. La première année, j’étais arrivé avec beaucoup d’ambition, donc savoir que je n’allais pas rejouer de la saison, après m’être blessé sur mon premier match, m’avait mis un sacré coup.

Avez-vous fait appel à un préparateur mental pour vous accompagner ?
J’en ai eu un lorsque j’ai débuté ma rééducation à Clairefontaine mais pas par la suite. Même si la blessure m’avait beaucoup impacté, j’étais déjà un peu forgé à cela car j’avais eu une rupture du tendon rotulien lors de ma formation à l’OL. Le fait que ce ne soit pas ma première grosse blessure m’a aidé. C’est aussi ce qui m’a permis de garder une certaine confiance en moi. Je me disais toujours : « Je vais revenir et je ne vais rien lâcher ».

Depuis, avez-vous dû faire évoluer votre façon de préparer les rencontres ?
Pas du tout. Comme c’était une blessure due à un contact, et non à ma préparation ou à un exercice, je n’ai rien changé sur ce point. Je peux tout faire à l’entraînement, je n’ai plus aucun problème. En revanche, j’ai changé mes protège-tibias (rires). J’ai arrêté de mettre des protège-tibias un peu courts, j’ai opté pour des plus volumineux. Après, je n’ai pas d’appréhension sur les contacts, mais je ne vais plus aller comme un fou sur le gardien (rires).

Et dans le jeu, avez-vous dû faire des ajustements ?
Honnêtement, non. Je sens vraiment que je retrouve toutes mes capacités et que je peux aller chercher encore plus loin. Mais, au début, j’ai rencontré des difficultés à retrouver ma puissance et ma vitesse, qui sont mes qualités premières. Quand j’avais repris les entraînements à Sochaux, j’avais perdu ma vitesse au démarrage et ballon au pied, mais ce sont des choses que j’ai beaucoup travaillées. Et c’est revenu !

« Avec Luka Elsner ? On marche dans la même direction »

Pour revenir au Havre, tout semble bien se passer depuis votre arrivée. Quelle est votre relation avec Luka Elsner ?
J’ai une très bonne relation avec le coach. Il est beaucoup dans l’échange et je lui parle beaucoup. Je n’hésite pas à lui communiquer mes sensations et à lui dire ma manière de voir les choses. Si j’ai des questions par rapport au jeu ou au système, il est très ouvert. En plus, le discours qu’il a pu avoir avant de me recruter correspond exactement à ce qui se passe. Il m’avait présenté un style de jeu et une tactique, et c’est ce qu’il applique aujourd’hui. Je suis vraiment content depuis mon arrivée, car c’est en effet un style de jeu qui convient à mon profil. De toute façon, le coach m’avait dit que le club avait fait de longues recherches par rapport au profil qu’il souhaitait avoir en attaque et que j’étais celui qui cochait toutes les cases.

Vous dites beaucoup échanger avec le coach. Quelles questions lui avez-vous déjà posées ?
J’aime bien lui demander ce qu’il aimerait particulièrement que j’apporte. Quand on est en phase défensive, où est-ce qu’il aimerait que je me positionne ? Quand on est en phase offensive, par rapport à ce que je fais naturellement, est-ce qu’il aimerait que je fasse autre chose ? On est vraiment sur ce type de questions pour que le week-end, je sache ce qu’il attend de ma part.

Du coup, quel rôle vous demande-t-il d’occuper ?
Quand on est en bloc défensif, lorsque l’équipe adverse arrive au milieu de terrain, il veut que les attaquants entament un pressing fort. De cette manière, on peut récupérer le ballon haut et partir en contre-attaque directement. Ensuite, en phase offensive, il veut que je fasse beaucoup d’appels dans le dos des défenseurs et que je propose des solutions à droite et à gauche pour étirer la défense. Ce sont des points qui entrent vraiment dans mon profil de jeu, car je suis un joueur qui adore demander le ballon dans le dos des défenseurs. Après, quand le bloc est bas, j’aime aussi demander des ballons dans les pieds, pour permettre à l’équipe de remonter. Donc, tout ce que le coach me demande, ce sont des choses que j’aime faire naturellement. On marche dans la même direction.

Malgré beaucoup de changements cet été, vous enchaînez les bons résultats. Quel est le secret de ce début de saison ?
On travaille beaucoup la semaine à l’entraînement. Au départ, on savait qu’avec beaucoup de nouveaux, on allait devoir apprendre à se connaître. Pendant la préparation estivale, on n’a pas eu de bons résultats (1 victoire en 5 matchs), mais le coach nous a toujours mis en confiance et n’a jamais douté. Il disait sans cesse : « Lorsque vous irez tous dans la même direction et que vous vous entendrez tous bien, on va faire de belles choses ». Il était vraiment confiant, alors que, nous, après les matchs amicaux, on était vraiment dans le doute. On se demandait comment allait se passer le début de championnat, mais, finalement, le discours du coach s’est vérifié. Maintenant qu’on se connaît tous, les résultats suivent !

« On fera les comptes à la fin »

L’adhésion du groupe au style de jeu du coach est totale…
Exactement. Tous les joueurs du groupe adhérent au jeu proposé et cochent les cases pour pouvoir être utilisés dans le système du coach. Après, pour revenir à nos résultats, on étudie aussi beaucoup les équipes adverses avant de les jouer et le coach à cette qualité de vraiment cerner les points clés des adversaires. Il sait exactement les failles qu’il faut exploiter pour pouvoir gagner tel ou tel match. Franchement, à chaque fois qu’il dit quelque chose, cela se vérifie sur le terrain. J’arrive à voir les situations dont il a exactement parlé, donc je les exploite et, pour le moment, ça paye.

Que reste-t-il de votre formation à l’OL dans le joueur que vous êtes aujourd’hui ?
Déjà, je garde un souvenir incroyable de ma formation à l’OL. Quand je suis arrivé, j’avais 15 ans et, quand je suis parti, j’en avais 21. J’ai tout appris là-bas : j’ai grandi au club, j’ai signé mon premier contrat pro, j’ai joué mes premiers matchs en CFA… Le joueur que je suis aujourd’hui, c’est grâce à ma formation à l’OL. Les formateurs m’ont tout appris, et c’est grâce à eux que j’en suis là.

Vous auriez aimé vous y imposer ?
Forcément. Quand tu es formé dans un club, tu rêves toujours de t’y imposer. Après, le plus important pour moi, c’était de suivre une très bonne formation et d’en sortir heureux. Mais j’ai quand même réussi à devenir pro et à goûter au monde professionnel avec l’OL. Ensuite, forcément, j’ai dû faire un choix par rapport à mon envie d’avoir du temps de jeu tous les week-ends à haut niveau. Et, à l’OL, ce n’était pas possible à cette période-là, donc c’est pour cela que je suis parti taper à d’autres portes.

L’idée d’un jour performer en Ligue 1 Uber Eats est toujours dans un coin de votre tête ?
Oui. Ça fait partie de mes objectifs. Je travaille dur pour atteindre le très, très haut niveau et aller chercher le maximum possible.

Sentez-vous le HAC capable de se mêler à la course pour la montée ?
On ne se prend pas la tête. On ne pose pas de question. On travaille dur la semaine pour essayer de gagner un maximum de matchs. A l’entraînement ou dans le vestiaire, on ne se fixe pas d’objectif précis. La seule chose qu’on veut : c’est gagner le plus de matchs. Le club ne nous met aucune pression. On fera les comptes à la fin.