Kevin Van Den Kerkhof (SC Bastia).
Interview

Van Den Kerkhof : « Avec Bastia, j’ai enfin de la chance »

Van Den Kerkhof : « Avec Bastia, j’ai enfin de la chance »

Interview
Publié le 15/03 à 11:46 - NM

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Arrivé en Ligue 2 BKT l’été dernier, Kevin Van Den Kerkhof épate depuis dans le couloir droit du SC Bastia (4 buts et 5 passes décisives). Passé par Valenciennes puis reparti en National 3 il y a six ans avant de se frotter aux divisions inférieures belges et au championnat luxembourgeois, le piston de 27 ans se raconte.

Vous découvrez la Ligue 2 BKT à 27 ans après un parcours sinueux. Comment vivez-vous le fait d’être l’une des révélations de la saison ?
Je le vis bien. Ça me fait plaisir de l’entendre. Maintenant, je sais que rien n’est acquis, je continue de travailler et de faire mes matchs sérieusement. Quand je suis arrivé à Bastia, je ne doutais pas de moi, je savais que j’avais les capacités pour faire une bonne saison en Ligue 2 BKT, et c’est ce que je suis en train de faire, donc c’est top. J'attendais depuis très longtemps de pouvoir m’exprimer au plus haut niveau, car je passais à chaque fois tout près sans que ça ne se concrétise. Là, l'occasion s'est présentée, je ne pouvais pas la laisser passer. C'est pour ça que je me donne à fond. Pour l'instant, ça me sourit, il faut que je continue comme ça.

Vous avez failli rejoindre le contingent des joueurs prometteurs qui ne deviennent pas professionnels. Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
J'ai commencé dans un petit club à côté de chez moi, l’US Maubeuge, puis j'ai passé trois ans à Valenciennes. Ensuite, je suis repassé par un club amateur, Aulnoye-Aymeries, et, de là, je suis parti à Lorient quand j'avais 19 ans. J’ai signé un contrat stagiaire professionnel d’un an, puis j’ai connu une blessure qui a freiné ma progression. Je me suis retrouvé sans rien, puis j’ai décidé de retourner à Aulnoye-Aymeries, avant de tenter ma chance en Belgique et au Luxembourg. Grâce à tout cela, j'en suis là où j'en suis.

Pourquoi n’avez-vous pas été conservé par Valenciennes ?
A cette époque-là, il n'y avait pas encore de centre de formation à VA, je devais intégrer le sport étude et aller en internat. Mais à la fin de ma troisième saison, les dirigeants ne m’ont pas retenu parce que, pour eux, j'avais un déficit physique. Je devais avoir 15 ans mais je ne me suis pas arrêté sur cet échec : j’ai vite rebondi !

Vous avez donc fait le choix de rejoindre Aulnoye-Aymeries. Qu’est-ce qui vous avait motivé à prendre cette décision ?
C’était une bonne opportunité pour moi car c’est un club qui a toujours été très réputé au niveau des jeunes, bien structuré, avec un bon suivi et beaucoup de qualités. Il n’a simplement pas le statut professionnel. J’ai bien progressé là-bas et je me suis fait repérer par Lorient grâce à notre épopée en Coupe Gambardella en 2015. On était allés jusqu’en 16e de finale, où on avait perdu aux tirs au but face à l’AC Ajaccio, et, dans la foulée, j’avais eu plusieurs demandes de clubs pros pour les rejoindre : Caen, Ajaccio, Lorient et même Valenciennes qui voulait me récupérer. J’ai fait des essais et j’ai choisi d’aller à Lorient.

« Dans le foot, il faut être fort mentalement, pas que sur le terrain »

Vous avez disputé une saison au sein de la réserve des Merlus. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Au début, tout se passait très bien. Je jouais quasiment tous les matchs et il m’arrivait même de m’entraîner avec le groupe professionnel. Puis, j’ai eu une grosse déchirure au quadriceps, qui m'a éloigné des terrains pendant quatre-cinq mois. Et quand je suis revenu, c’était devenu plus compliqué car il y avait toujours un pro qui descendait en équipe réserve à mon poste, donc il était prioritaire. Résultat : je n’ai presque plus joué jusqu’à la fin de saison. Mais je garde un bon souvenir de cette expérience. J'ai pris en maturité et ça m’a servi par la suite pour ne pas reproduire certaines erreurs.

A la suite de cette expérience, vous retournez à Aulnoye-Aymeries, comme un retour à la case départ. Vous vous dites que c’est terminé pour devenir pro ?
Non, j’y croyais toujours. Il faut savoir que juste après mon départ de Lorient, je devais signer à Evian-Thonon-Gaillard mais le club a été dissous à quelques jours de la reprise (août 2016). J’ai dû rapidement trouver une solution et j’ai décidé de retourner à Aulnoye-Aymeries en National 3. Ça a été une période très difficile, la plus difficile, parce que je suis sorti du monde professionnel pour revenir dans le monde amateur. J’ai un peu perdu le plaisir de jouer au foot mais je suis quand même resté sérieux. Je savais que je pouvais y arriver, et j’ai eu raison de ne pas lâcher. Dans le foot, il faut être fort mentalement, pas que sur le terrain, et je l’ai été. De toute façon, si je n’avais pas été fort mentalement, je n’en serais pas là aujourd’hui.

Vous poursuiviez aussi vos études en parallèle. Vous vouliez assurer vos arrières ?
Quand j’ai signé à Lorient, je venais d'avoir mon bac et le club m’a demandé si je voulais continuer mes études car il mettait à disposition des cours pour les joueurs qui le souhaitaient. Et j'ai décidé de continuer parce que je connaissais l’importance des études. J’ai fait une année de BTS à Lorient, puis quand je suis revenu à Aulnoye, j'ai fini ma deuxième année. Ça me permettait d’avoir au moins un diplôme si le foot venait à s’arrêter.

Pour revenir à votre parcours, vous finissez par rejoindre la Belgique. Comment s’est présentée l’opportunité de signer à La Louvière, en quatrième division belge ?
Comme j'ai quasiment toujours vécu à la frontière franco-belge, je savais que certains clubs me connaissaient. A ce moment-là, j’ai entendu parler d’un intérêt de leur part et je n’avais pas vraiment d’autre choix, donc j’ai accepté d’aller là-bas et ça s’est très bien passé. À partir de là, j’ai commencé à reprendre le plaisir de jouer au foot. La première saison, j’ai été élu meilleur joueur de la région, puis la deuxième, on a été champion. Et grâce à ces deux saisons, j’ai commencé à me faire un petit nom en Belgique.

« Je me suis vraiment éclaté au F91 Dudelange »

Vous tapez dans l’œil de l’Olympic Charleroi, en troisième division belge, puis vous partez ensuite en première division luxembourgeoise, au F91 Dudelange…
Quand je suis arrivé à Charleroi, tout s’est bien passé, j’étais sur la lancée de ma saison avec La Louvière, puis le championnat a été arrêté prématurément à cause du covid. C’était encore une étape compliquée à franchir… A la reprise, un club de deuxième division belge m’avait fait part de son intérêt, j’avais signé un contrat mais les dirigeants ne me l’ont jamais renvoyé. Ils m’ont annoncé un mois et demi plus tard qu’ils avaient changé d’avis. Donc, je me suis encore une fois retrouvé dans une situation délicate, à vite devoir retrouver un club, et l’opportunité de Dudelange, au Luxembourg, s’est présentée.

Comment viviez-vous le fait de changer de club aussi régulièrement ?
Ça ne me posait pas de problème. Je suis quelqu’un qui s’adapte et qui s’habitue vite à un nouvel environnement. Quand je suis parti de La Louvière à l’Olympic Charleroi, j’ai franchi une division, donc je voyais ça comme une étape. Idem quand je suis parti de l’Olympic Charleroi au F91 Dudelange puisque j’allais découvrir la Coupe d’Europe. Je prenais ça à chaque fois comme un nouveau défi. J’essayais de voir le bon côté des choses plutôt que le mauvais. Dans les moments compliqués, je finissais toujours par prendre le dessus, je me disais que c’était pour vivre un rêve.

Parmi toutes ces étapes, à quel moment avez-vous senti que votre carrière basculait du bon côté ?
Je pense que c’est lors de mon arrivée au Luxembourg. Au départ, je ne savais pas réellement où je mettais les pieds, puis j’ai été agréablement surpris par le niveau. J’ai rencontré des bonnes personnes, des personnes qui voulaient mon bien. Cela m’a permis de me dire que ce n’était pas fini, que je pouvais toujours y arriver. Je voyais que grâce à mes prestations beaucoup de personnes commençaient à parler de moi au Luxembourg. C’est vraiment là-bas, pour le moment, que j’ai connu mon apogée au niveau du foot. Je me suis vraiment éclaté au F91 Dudelange. Ça s’est ressenti sur mes prestations et sur mon bien-être. Ça a été vraiment une bonne chose pour moi d’aller là-bas.

Lors de ce passage au Luxembourg, vous avez tapé dans l’œil de Régis Brouard, qui entraînait à l’époque le Racing FC Union Luxembourg. Est-ce lui qui vous a convaincu de venir à Bastia ?
Quand il est parti à l’issue de ma première saison au Luxembourg, on est restés en contact car il aimait bien mon profil. Donc, quand il a repris Bastia en cours de saison (en octobre 2021), il m’a rapidement dit qu’il aimerait que je le rejoigne la saison suivante et j’ai directement accepté. Bastia, c’est une histoire, un bon club, un bon public. Pour moi, c’était une grosse progression, je n’ai pas hésité une seule seconde.

« J’aime avoir de l’espace et tout le côté pour moi »

Vous en rêviez de pouvoir montrer vos qualités en France ?
Oui, j’attendais énormément ce moment ! Quand j’ai signé à Bastia, j’étais le plus heureux. Je me suis dit : « La roue a tourné ! ». J’ai eu le sentiment de retrouver un peu de chance dans ma vie. Des choses positives finissaient enfin par arriver. Je me suis dit que je pouvais être fier de ne pas avoir lâché et d’avoir toujours cru en moi. Dans le cas inverse, je serais peut-être encore en troisième division belge.

Ce poste de piston droit, est-ce celui auquel vous aviez toujours eu l’habitude de jouer ?
Pas vraiment. Ça fait seulement trois ans que je joue à ce poste. Auparavant, je jouais plus souvent en tant que latéral droit dans une défense à quatre. Maintenant, je sais gérer les deux postes, mais j’ai une préférence pour le rôle de piston. J’aime avoir de l’espace et tout le côté pour moi. C’est vraiment un poste qui me convient très bien.

Vous avez toujours été très prolifique offensivement. Y a-t-il une explication derrière cette efficacité ?
C’est vrai, partout où je suis passé, j’ai eu de belles stats en termes de buts et de passes décisives. Pour l’instant, je suis à quatre buts et cinq passes décisives, je suis content d’avoir ces stats en Ligue 2 BKT. Je me dis que ce n’est pas seulement car le niveau était moins relevé que j’avais de bonnes stats par le passé. Là, dans le monde professionnel, ça me fait plaisir ! Après, je n’ai pas de secret, j’ai toujours été un joueur assez offensif. J’ai quand même une bonne patte (sourire).

Le SC Bastia évolue la plupart du temps en 3-4-3. Quelles sont les particularités de ce système pour un piston ?
On a une double tâche : bien défendre et apporter le danger offensivement. Tout est une histoire de placement. On ne peut pas être en même temps devant et derrière. Il faut savoir bien se placer en fonction des situations. Il faut savoir jouer les coups quand il le faut et gérer les temps faibles et les temps forts. Si une fois, on ne doit pas monter pour récupérer, il faut vraiment en profiter pour souffler pour pouvoir ensuite à nouveau enchaîner les efforts. C’est un poste qui demande beaucoup de condition physique mais ça me convient très bien.

« Je regarde beaucoup le RC Lens »

Qu’est-ce qui fait un bon piston selon vous ?
C’est un joueur qui sait enchaîner les efforts et qui est à l’aise techniquement. On peut se retrouver tout seul sur le côté, donc il faut savoir se débrouiller et faire des différences en un contre un ou en un contre deux. Il faut aussi être rapide pour pouvoir facilement se replacer. C’est un poste avec beaucoup de responsabilités.

Justement, qu’est-ce que Régis Brouard vous demande d’apporter ?
Tout dépend des matchs et de la tactique souhaitée. Généralement, il ne me restreint pas dans mon jeu. Tant que j’assure mon rôle défensif, ce qui est primordial, je suis libre offensivement. C’est ce qui me permet d’exprimer au mieux mes qualités.

Vous inspirez-vous de la façon de jouer de certains ?
Au vu de mes caractéristiques, j’aime me référer à Achraf Hakimi ou à Andrew Robertson, qui joue à gauche. Je regarde aussi beaucoup le RC Lens qui joue la plupart du temps dans le même dispositif que nous. J’essaie de m’inspirer de ce que font leurs pistons et d’observer certains détails. C’est comme ça aussi qu’on apprend.

Vous êtes aussi un spécialiste des coups de pied arrêtés. Est-ce quelque chose que vous travaillez beaucoup ?
Oui ! J’ai une façon de tirer les coups de pied arrêtés que je travaille depuis des années. Dans tous mes clubs précédents, je tirais les corners et les coups francs. A Bastia, je ne tire pas les corners, car on a déjà un très bon tireur (Salles-Lamonge) mais quand il y a des coups francs, je n’hésite pas à prendre ma chance. Je fais aussi partie des tireurs de pénalty et, quand il le faut, je prends mes responsabilités. Ce sont des exercices que j’aime bien.

« Avoir un parcours à la Jonathan Clauss, ça serait le top »

Pouvez-vous nous expliquer votre technique de frappe ?
Je frappe toujours de l’intérieur du pied. J’ai la faculté de réussir à tirer fort de cette manière, que ce soit pour les frappes ou les centres. J’arrive à bien claquer le ballon et à mettre de la force de l’intérieur du pied. Je n’ai pas besoin d’utiliser le cou-de-pied.

Quelles sont les prochaines étapes de votre progression ?
Tout d’abord, je veux bien finir la saison avec le Sporting. Pour l’instant, on réalise une bonne saison, on est bien classés et les trois prochains matchs (Paris FC, Sochaux et Bordeaux) vont être déterminants pour la suite. On est vraiment concentrés sur cela. Après, concernant ma progression, je veux continuer d’enchaîner les matchs et d’être performant. Je ne me fixe pas de limite. Si un jour j’ai la chance d’évoluer plus haut, ça sera tant mieux. Des rêves, on en a tous, si je peux les accomplir, je ne me gênerais pas.

Votre parcours est souvent comparé à celui de Jonathan Clauss…
Oui, j’entends pas mal cette comparaison (sourire). C’est clair que si je suis le même parcours, forcément, ça serait le top pour moi. Le niveau qu’il affiche actuellement, c’est beau au vu de son histoire. D’une certaine manière, on a cette force mentale en commun.

Pour finir, le SC Bastia compte dans son effectif plusieurs joueurs avec un parcours semblable au vôtre. Cela fait-il votre force ?
On est un groupe qui ne se prend pas la tête. On a tous un peu un mental de guerrier. C’est vrai que c’est peut-être ce qui fait notre force cette saison. On ne lâche jamais et on sait qu’on peut faire de grosses performances. On ne se fixe pas de limite. On espère finir avec le plus de victoires possible et on fera les comptes à la fin.