Interview

Pierre-Alain Frau : « Je n’étais pas un capitaine dans l’âme »

Pierre-Alain Frau : « Je n’étais pas un capitaine dans l’âme »

Interview
Publié le 22/05 à 09:57

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Entraîneur des jeunes devenu en cette fin de saison coach intérimaire du FC Sochaux-Montbéliard, Pierre-Alain Frau évoque sa relation particulière avec un club dont il a fait les beaux jours. Entretien.

Si Pierre-Alain Frau a été champion de France avec l’Olympique Lyonnais et le LOSC, le nom de l’ancien attaquant de Lens ou du PSG restera associé en premier lieu au FC Sochaux-Montbéliard. Aujourd’hui entraîneur intérimaire de l'équipe première avec Sylvain Monsoreau, celui qui était jusqu'ici entraîneur des jeunes de son club formateur, a fait les beaux jours des Lionceaux pendant huit saisons, entre Ligue 1 Uber Eats et Ligue 2 BKT. De Santos à Jean Fernandez en passant par Skelly Alvero et Benoît Pedretti, PAF s’est livré sur le FCSM dans l’émission Ligue 1 Legends sur la chaîne Twitch de la Ligue 1 Uber Eats. Un entretien réalisé avant sa nomination à la tête de l'équipe première sochalienne.

Pierre-Alain Frau, devenir entraîneur a été une évidence pour vous ?
Je n’avais pas forcément ça en moi très tôt car je n’étais pas spécialement un leader sur le terrain. Je ne parlais pas beaucoup, je n’étais pas un capitaine dans l’âme. Je ne savais pas trop quoi faire après ma carrière de joueur mais je suis revenu à Sochaux pour boucler la boucle et quand la saison s’est terminée, on m’a proposé de m’impliquer côté formation. J’ai tenté le coup sans savoir si ça allait me plaire et ça m’a botté tout de suite. Je me suis vite investi pleinement. Mais ce n’était donc pas une évidence pendant ma carrière de joueur.

Vous seriez-vous laissé tenter si ça avait été ailleurs qu’à Sochaux ?
Je ne saurai jamais ! Mais ça s’est présenté comme ça. A Sochaux, j’avais une légitimité car j’ai été moi-même formé là-bas donc je sais de quoi je parle. Ça a sûrement facilité les choses que ce soit à Sochaux mais ça aurait peut-être pu être ailleurs… On ne saura jamais !

« Depuis que Skelly Alvero s’y est mis, les progrès sont fulgurants »

Qu’est-ce qui définit l’identité de la formation sochalienne selon vous ?
Le club a une grande histoire avec la formation. C’est Sochaux qui a ouvert le premier centre de formation de France, avec le patron des usines Peugeot qui a eu un jour la volonté de miser sur les jeunes. Ça a plutôt bien fonctionné puisque le centre fournit des joueurs à l’équipe première depuis des générations… On fait tout pour faire perdurer cette grande culture de la formation au FC Sochaux même si le football a changé, qu’il s’est modernisé et qu’il y a une grande concurrence désormais, là où peu de clubs investissaient dans la formation auparavant. On essaie de faire perdurer le savoir-faire sochalien et de continuer à former des joueurs pour notre équipe première ou d’autres clubs pour ceux qui ne trouvent pas leur place dans notre équipe professionnelle.

Pouvez-vous nous parler de Skelly Alvero, que vous avez eu sous vos ordres et qui fait partie des révélations de cette saison de Ligue 2 BKT ?
Skelly est un joueur atypique puisqu’il est arrivé chez nous comme attaquant avant de reculer numéro 10 puis relayeur puis sentinelle. C’est un joueur à part puisqu’il mesure plus de deux mètres et que, malgré sa grande taille, il a la capacité technique pour jouer dans les petits espaces. Il a aussi les qualités qui vont avec sa taille. Il interpelle pas mal de monde. On n’a pas encore vu le meilleur de Skelly Alvero car je le trouve encore un peu trop appliqué. Quand il va se lâcher, ce sera encore autre chose.

Il a le potentiel pour aller très haut ?
Il peut faire une belle carrière. C’est un garçon qui a de la personnalité, qui sait ce qu’il veut. Il a de l’ambition et il est bien dans son projet. Il avait peut-être un peu de mal à se mettre au travail au début mais depuis qu’il s’y est mis, les progrès sont fulgurants. On lui souhaite beaucoup de réussite car il a un gros potentiel.

« Ramener ton club formateur dans l’élite, c’est spécial »

Parlons de votre passé de joueur et de cette équipe du début des années 2000 avec Santos, Pedretti, Isabey, Oruma, Pagis…
J’ai pu vivre de super moments avec tous ces garçons. A l’époque, on ne se rendait pas compte de ce qui nous arrivait. On montait de Ligue 2 et on s’attendait à être les petits poucets de la Ligue 1, à jouer le maintien et à galérer un peu. Mais, finalement, on a été plutôt bons et on a pu jouer le haut de tableau. On s’est aperçus que plusieurs de nos joueurs n’avaient pas grand-chose à envier aux joueurs qui étaient dans les équipes les mieux classées. Il y avait une bonne alchimie entre nous et on a surfé sur cette vague. On a eu la chance de gagner beaucoup de matchs, de remporter une Coupe de la Ligue ensemble… Et on prend encore plaisir à se retrouver de temps en temps.

A côté de vos titres de champion de France avec l’OL puis le LOSC, où placez-vous les grands moments de votre carrière sochalienne ?
J’ai beaucoup de bons souvenirs dans ma carrière puisque j’ai en effet eu la chance de remporter plusieurs titres de champion de France ainsi qu’une Coupe de la Ligue avec Sochaux. Mais ce que j’ai vécu de plus beau avec Sochaux, c’était la montée en Ligue 1. Pouvoir ramener ton club formateur dans l’élite, c’est spécial. On était fiers d’avoir réussi ça et, derrière, ça a entraîné plein de belles choses.

« Quand Santos arrive, tout petit, tout maigre… »

Pouvez-vous nous parler de votre relation sur le terrain avec Francileudo Santos ?
C’était quelqu’un de très facile techniquement. Il arrivait à enchaîner très rapidement dans la surface tout en restant lucide dans le dernier geste. C’était un garçon généreux, qui se déplaçait beaucoup et qui faisait la passe quand il fallait la faire. C’est Jean Fernandez qui l’avait fait venir car il l’avait eu en Tunisie. On a commencé à jouer ensemble en Ligue 2 et on se trouvait plutôt facilement… Il m’inspirait car je le voyais faire des choses que je n’étais pas capable de faire, ce qui me motivait pour progresser. On avait un jeu assez similaire et on jouait l’un pour l’autre, c’est ce qui faisait que ça marchait. On jouait ensemble sans se sentir en concurrence.

Quand on voit des duos mythiques comme ça, on se demande si vous vous entendiez bien ensemble en dehors des terrains…
Pas plus que ça. On s’entendait bien mais on ne se fréquentait pas spécialement après les entraînements. C’était quelqu’un d’agréable, qui s’entendait avec tout le monde. Ça peut arriver d’être super potes en dehors et de bien s’entendre sur le terrain mais ce n’est pas la règle. Celui avec qui j’étais très ami, c’était Benoît Pedretti. On a été formés ensemble et on se voyait souvent en dehors. Avec Santos, ce n’était pas comme ça mais lui avait déjà des enfants, on n’était pas exactement au même stade de la vie (sourire). Mais ce n’est pas parce qu’on ne se fréquentait pas en dehors des terrains qu’on ne se régalait pas quand on jouait ensemble, ce qui est le principal ! J’ai une anecdote sur Santos d’ailleurs…

Allez-y…
C’est donc Jean Fernandez qui avait fait venir Santos de l’Etoile du Sahel. Et avant qu’il arrive, le coach avait dit à tout l’effectif : « Vous allez voir, je vais vous ramener un Brésilien, il va nous faire monter ! » Et quand Santos arrive, tout petit, tout maigre, on se disait que ce n’était pas possible, que le coach nous avait raconté des conneries. Mais au bout de deux ou trois entraînements, on a vu qu’il avait quelque chose. Finalement, il a terminé meilleur buteur de Ligue 2 et c’est bien grâce à lui qu’on est montés ! Le coach ne s’était pas trompé !

Quelle place occupe Jean Fernandez dans votre carrière ?
C’est Faruk Hadžibegić qui m’a fait débuter mais je ne l’ai pas eu très longtemps malheureusement. Jean Fernandez, c’est peut-être celui qui m’a le plus marqué en effet. C’est le premier qui a vraiment cru en moi, qui m’a appris mon métier. Il m’a montré le sérieux, notamment en dehors, les déplacements sur le terrain… C’était un meneur d’hommes. Et quand je pense à lui, je pense aux belles années du début de ma carrière donc j’ai énormément de respect pour lui. Je lui dois beaucoup.