Interview

Dans les coulisses du métier de team manager avec Kévin Lejeune (FC Metz)

Dans les coulisses du métier de team manager avec Kévin Lejeune (FC Metz)

Interview
Publié le 12/04 à 09:41 - Arnaud Di Stasio

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Team manager du FC Metz depuis 2020, l’ancien milieu grenat Kévin Lejeune évoque les nombreuses facettes de sa nouvelle fonction. Entretien.

Tu as joué au FC Metz entre 2012 et 2017 avant de terminer ta carrière à l’AC Ajaccio. Avais-tu déjà convenu d’un retour au moment de partir en Corse ?
Rien n’était acté à ce moment-là mais on avait évoqué cette possibilité de retour. Bien sûr, quand on part, on ne sait jamais si l’on reviendra mais c’était dans un coin de ma tête. Si je devais continuer dans le monde du foot après avoir raccroché les crampons, c’était logique pour moi que ce soit à Metz.

A quel moment as-tu commencé à penser à ton après-carrière ?
Assez tôt mais les choses se sont accélérées vers l’âge de 32-33 ans. Là, il a vraiment fallu y penser ! Ce que je savais, c’est que je n’avais pas envie d’aller sur le domaine technique et notamment le poste d’entraîneur. Durant ma carrière, j’avais parfois des envies, et pas que dans le foot. J’avais par exemple envisagé d’ouvrir des chambres d’hôtes ou un lieu de réception pour les mariages et les séminaires. Il y a un moment où le projet a failli se faire mais j’ai finalement eu l’opportunité de retourner à Metz !

Pourquoi est-ce que le côté technique ne t’attirait pas ?
J’avais envie de m’ouvrir l’esprit à des choses différentes. Dans le domaine technique, tout tourne autour des matchs, de l’entraînement… Je voulais voir d’autres choses et ce poste de team manager correspondait parfaitement à cela. Au moment où j’étais en train de terminer avec Ajaccio, le FC Metz a voulu créer ce poste car il n’y en avait pas encore au club. Les dirigeants ont pensé qu’un ancien joueur pouvait convenir pour ce rôle et la vision élargie qu’ils imaginaient. Je suis revenu à Metz en juillet 2020, pour la reprise, et j’ai commencé à me former sur le tas.

« Le team manager agit comme l’huile d’un moteur »

Quelle est ta définition du métier de team manager ?
C’est un peu compliqué à expliquer au commun des mortels car c’est vaste et on peut avoir l’impression que ça va un peu dans tous les sens (rires). Je suis autant au bureau qu’en rendez-vous à l’extérieur… Mais je dirais que le team manager agit comme l’huile du moteur qu’est le club. Il fait en sorte que tous les rouages soient bien huilés, qu’ils s’enclenchent bien ensemble, pour que le moteur fonctionne au mieux.

Quelles sont tes différentes missions ?
Je m’occupe de l’organisation de tout ce qui peut toucher à l’équipe pro à l’exception du terrain. Je m’occupe de tout ce qu’il se passe jusqu’à ce que les joueurs et le staff arrivent sur la pelouse. Je m’occupe du suivi de l’entretien des terrains, des repas pris au centre… C’est peut-être bête comme exemple mais si une ampoule grille, c’est moi qui vais contacter la personne qu’il faut. Je gère toute la logistique au centre d’entraînement, toute la logistique de déplacement, les équipements…

Peux-tu nous en dire davantage sur les repas pris au club ?
J’étais en relation étroite avec un nutritionniste pendant un temps. Il ne travaille plus directement avec nous mais on a gardé la base qu’on avait construite ensemble. C’est moi qui suis en lien avec le traiteur pour commander les repas, en ajouter un, en retirer un, dire qu’on veut un peu plus ou un peu moins de tel aliment… Même chose pour la gestion des repas après les matchs à l’extérieur.

« Aider les joueurs à grandir en tant qu’hommes »

On dit souvent que les joueurs sont très assistés durant leur carrière. Désormais, c’est à toi de penser à tout pour eux. Ce n’est pas trop compliqué ?
J’essaie de penser à tout, pour que les joueurs ou le staff n’aient pas à régler de problèmes autres que ceux qui concernent le terrain. Vu que j’ai été joueur, je sais ce qu’ils vivent. Je n’incite pas à ce qu’ils soient trop accompagnés, je préfère qu’ils se prennent en main sur beaucoup de choses pour les aider à grandir en tant qu’hommes. Quand on est joueur, c’est important de bien manger, bien s’entraîner, bien se reposer, mais, du temps, on en a. S’il faut aller à la banque, on a le temps d’y aller. C’est important que les joueurs se prennent en charge pour ces choses-là car ça fait partie de la vie de tout homme.

Parmi les différents domaines auxquels tu touches, quel est celui que tu préfères ?
Peut-être l’immobilier. Ça me plaît d’aider les joueurs à trouver un logement. Je contacte des agents immobiliers de confiance. Pour eux, je suis un peu un garant moral. Je ne suis pas chez les joueurs tous les jours mais je m’assure qu’ils paient bien leur loyer – ce qui est la base – et qu’ils rendent leur logement dans un état convenable. Je leur parle des différents quartiers, des biens qui pourraient le mieux convenir à leurs besoins. J’aime bien aussi la logistique et ce qui touche aux équipements, les commandes, la gestion des stocks…

C’est-à-dire ?
J’aime le côté varié du métier, il y a aussi de l’humain. Par exemple, sur les équipements, je travaille avec les deux intendants du club, que je supervise. Ça va de leur planning à certaines directives, comme par exemple le passage des bouteilles en plastique aux gourdes. Ça me plaît également d’être en relation avec les hôtels pour organiser les déplacements et les stages. C’est un peu stressant mais intéressant !

Justement, en décembre, le FC Metz est parti en stage en Espagne. Comment t’es-tu organisé ?
Je fais tous les déplacements avec l’équipe. Pour les stages, je vais toujours sur place en amont pour faire du repérage. J’essaie de trouver ce qui correspond le mieux aux demandes du coach en fonction du budget que la direction me donne à gérer.

« En Ligue 1 Uber Eats, on a des joueurs avec des revendications différentes »

Le FC Metz est aujourd’hui en Ligue 2 BKT après avoir été en Ligue 1 Uber Eats lors de tes deux premières saisons comme team manager. Quelles sont les principales différences d’une division à l’autre ?
Les impératifs sont les mêmes. Il faut que les joueurs s’entraînent, qu’ils aient de bons terrains… Maintenant, le budget est différent et la population de joueurs aussi. En Ligue 1, on a des joueurs peut-être un peu plus exigeants, avec des revendications différentes d’un groupe jeune comme le nôtre actuellement. Pour beaucoup de nos joueurs actuels, tout est nouveau. Ils n’en sont pas encore à pousser l’exigence parfois un peu trop loin, avec une autre pression. Par exemple, un joueur qui arrive de Premier League aura connu un fonctionnement sans doute un peu différent du nôtre et peut nous demander des choses auxquelles il a été habitué. Il faut savoir dire non mais aussi parfois dire oui. Il faut trouver le juste milieu pour faire grandir le club sans faire n'importe quoi non plus, ce qui n’est pas toujours facile !

Tu sais si d’autres anciens joueurs sont devenus team managers ?
Kader Mangane n’a pas exactement le titre de team manager à Strasbourg, il est coordinateur sportif je crois, mais on a certaines missions en commun. Lui va un peu plus sur le recrutement et le côté contractuel, ce qui n’est pas encore mon cas. A Montpellier, il y a Philippe Delaye qui fait ça aussi (coordinateur sportif). Il n’y a pas beaucoup d’anciens joueurs devenus team managers car c’est un métier assez jeune en France. Mais quand je croise d’anciens coéquipiers ou d’anciens adversaires, ils me posent des questions. C’était le cas de Yann Boé-Kane de Quevilly-Rouen ou de Johan Cavalli. Lui est désormais directeur sportif de l’ACA et il me disait qu’il aimerait bien avoir les moyens de prendre un team manager, que, pour lui, c’était un rôle clé dans l’organisation d’un club. Ils me demandent souvent en quoi consiste mon poste donc je leur explique. C’est une fonction intéressante, ouverte sur beaucoup d’aspects. Il y en a que ça attire, d’autres moins. Moi, ça me plaît, c’est ce qui compte (sourire).