Interview

Moussa Sylla : « Il ne faut pas oublier que je suis encore jeune »

Moussa Sylla : « Il ne faut pas oublier que je suis encore jeune »

Interview
Publié le 08/11 à 09:26 -

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Après un début de carrière étincelant à l’AS Monaco en ayant goûté à la Ligue des Champions, Moussa Sylla (23 ans) est depuis peu de retour en France et brille à nouveau au Pau FC. Entretien dans lequel l’attaquant aborde aussi bien l’apport de Thierry Henry, ses choix de célébration, son adaptation aux Pays-Bas ou encore son entente avec Boutaïb.

Moussa, pouvez-vous revenir sur votre choix de rejoindre le Pau FC cet été, après vos six mois au SM Caen qui ont marqué votre retour en France ?
A partir du moment où nous sommes entrés en contact le club et moi, j’ai foncé ! Je regarde beaucoup de matchs, donc je connaissais déjà bien le Pau FC. Et puis j’ai un ami qui vient de la même ville que moi (Etampes, dans l’Essonne), Yanis Begraoui, qui y a évolué la saison dernière (janvier-juin 2023). Donc comme je suivais ses matchs, je connais par conséquent cette équipe. Je ne suis pas parti dans l’inconnu. Finalement, lui et Quentin Daubin (ancien du club) ont fait du bon travail pour me convaincre (rires). C’est aussi grâce à eux si je suis venu à Pau.

Et cette nouvelle aventure semble très bien se passer pour vous.
Quand tu es attaquant, réussir à enchaîner les bonnes prestations et marquer, ça fait du bien (3 buts lors de ses 4 premiers matchs de Ligue 2 BKT). Ensuite, comme je connaissais déjà quelques joueurs au sein de l’équipe, mon intégration a été facilité. A savoir Johann Obiang et Ilan Mohamed connus à Caen l’an passé, ou encore Khalid Boutaïb, avec qui je partage le même agent, et Bingourou Kamara. Je suis venu ici en quête de temps de jeu et pour reprendre du plaisir à jouer. C’est ce que je suis en train de faire. Les gens ont tendance à l’oublier, mais je suis encore jeune, je n’ai que 23 ans.

Quelle différente y a-t-il entre le Moussa Sylla de Pau et celui de Caen la saison passée ?
Au SM Caen, je suis arrivé dans une période un peu compliquée pour moi. Ça faisait longtemps que je n’avais pas enchaîné les matchs, donc je n’étais pas revenu au top de ma forme. Et je vivais des choses nouvelles, comme la venue de ma fille. Sans me chercher d’excuses, je dirais que la période a été un peu courte pour me permettre de montrer toutes mes qualités. Alors qu’avec le Pau FC, j’ai pu faire une préparation complète. Et maintenant, je suis bien physiquement.

Quel discours vous tient le coach Nicolas Usaï ?
Les premières discussions que j’ai eu avec le coach étaient de m’utiliser en pointe ou sur le côté, selon le système mis en place. Je peux jouer à ces postes sans problème. Le coach insiste pour que je joue sur mes qualités, à savoir la vitesse et la percussion. Depuis mon arrivée le discours est positif avec des principes de jeu offensifs et une volonté d’aller de l’avant pour pratiquer un football ambitieux. Et ce, même si l’équipe s’était maintenue à la dernière journée la saison passée. Malgré cela, j’ai senti de l’ambition dans le discours. Ça m’a vraiment parlé, car cela correspond bien à mon profil.

Au Pau FC, vous partagez avec deux autres joueurs (Henri Saivet et Tino Costa) la spécificité d’avoir joué la Ligue des Champions.
Quand on a atteint la Ligue des Champions, on a envie d’y regoûter, donc c’est motivant. Et je crois que cela nous a apportés l’exigence à nous dépasser et à aller de l’avant. Car la Ligue 2 BKT est d’un niveau toujours plus élevé. Après, je reste à ma place. Je laisse les anciens jouer leur rôle de leaders. Mais un Tino Costa, même s’il est arrivé il y a peu, est déjà bien présent dans le groupe.

Cinq ans après, comment vous servez-vous aujourd’hui de cette expérience européenne ?
Avoir vécu ça, ça me pousse aujourd’hui. J’étais vraiment jeune, mais c’est une source de motivation pour un jour retrouver ce niveau. Car je me dis que la qualité est là. J’ai été à ce niveau et pour le retrouver il faut enchaîner les matchs et les bonnes performances. Alors forcément, c’était un début de carrière extraordinaire que j’ai envie de revivre.

« Avec les célébrations, c’est une longue histoire ! »

Comment se passe votre association avec votre aîné Khalid Boutaïb en attaque ?
Khalid Boutaïd (36 ans) a beaucoup d’expérience. Il m’a pris sous son aile. Avec moi, il joue pleinement son rôle de grand frère. Je prends exemple sur lui. C’est un joueur qui a une grande carrière, donc je profite d’être à son contact ! Tous les jours à l’entraînement, il communique avec moi, il m’oblige à me surpasser. Et puis, on se challenge l’un l’autre dans les exercices de finition, ou encore de jeu de tête. C’est très stimulant. D’autant que j’aspire à devenir encore plus efficace face au but, mais aussi dans la dernière passe. C’est important d’entretenir cette entente. Il faut savoir aller vers les autres joueurs. C’est aussi enrichissant, car j’apprends de chacun.

Justement, vous êtes un buteur mais vous ne semblez pas fixé sur une célébration. A une époque vous faisiez celle de Didier Drogba…
Avec les célébrations, c’est une longue histoire ! Je peux me réveiller un matin et me dire que la prochaine fois j’en ferai encore une nouvelle ! Je peux aussi y penser au moment de marquer à l’entraînement. Ça se fait au feeling. En réalité, je n’en ai pas une spécifique. Mon petit frère m’aide aussi à les choisir. Contre Auxerre (2-2), j’ai fait comme si j’avais froid et vu qu’il y avait ma nièce au stade je lui ai aussi fait un coucou. Avant contre Rodez (doublé, 2-2), j’ai mimé la tétine pour ma fille, ou encore formé un cœur…

Mais vous n’avez pas toujours été buteur, ni attaquant. Pouvez-vous nous raconter comment s’est passé le changement pour vous l’ancien milieu ?
C’est vrai ! J’avais 12 ans à l’INF quand mon coach Philippe Bretaud a vu lors d’un test que j’avais une bonne vitesse. Il m’a alors fait passer de milieu à attaquant. Et avant, j’ai même aussi été gardien de but…A ce moment, il m’a dit que j’allais désormais bosser pour jouer plus haut sur le terrain. Et que si ça se passait mal, je pourrais toujours revenir en arrière grâce à mes bases de milieu de terrain. Dès que je suis arrivé à l’AS Monaco, j’ai évolué sur les côtés de l’attaque, donc je le remercie aujourd’hui d’avoir repéré mon potentiel pour jouer devant. Même si au début ce n’était pas simple de changer de poste…S’adapter à un nouveau positionnement et surtout le devoir de marquer des buts, car c’est ce que l’on attend d’un joueur offensif. Cela s’apprend à devenir « un tueur » devant le but. Mais l’exigence qu’il a eue avec moi j’en profite désormais.

A l’AS Monaco vous avez côtoyé plusieurs grands attaquants, dont un certain Kylian Mbappé…
Oui, Kylian je l’ai même croisé deux ans à l’INF Clairefontaine quand il était dans sa 2e année. Et donc ensuite à l’AS Monaco. J’ai joué avec lui, mais pas très longtemps avec la réserve, puis également en pro lors de sa dernière saison au club.

Alors, lequel de vous deux était le plus rapide ?
C’est difficile à dire… ce n’est pas la même vitesse ou tout du moins pas la même façon de l'exploiter…Disons qu’à Monaco, il était déjà très rapide ! (rires). Mais je trouve que depuis il a encore pris en puissance. Il est impressionnant.

« Thierry Henry me disait de regarder ce que faisait Falcao »

Débuter au sein d’un grand club comme l’AS Monaco vous a également permis d’être au contact avec des coachs prestigieux, comme Leonardo Jardim et Thierry Henry. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Sincèrement, on apprend beaucoup avec ce genre de coach. J’ai gagné beaucoup de temps à leur contact. Même si pour Thierry Henry c’était difficile, car il est arrivé dans une période compliquée avec beaucoup de blessés. Malgré cela, j’ai progressé à son contact. Il y avait beaucoup d’échanges avec lui. Il n’hésitait pas à me parler, à me dire les choses quand je n’étais pas performant ou quand il jugeait que je n’étais pas à 100% à l’entraînement. Il était très attentif avec moi, et il me conseillait beaucoup : comme par exemple pour me dire de regarder ce que faisait Falcao qui était juste à côté de moi ! Il insistait en disant de jouer sur mes qualités, sans pression et avec ma tête.

Cela devait être incroyable pour un jeune attaquant de pouvoir bénéficier de l’œil d’un ancien grand joueur.
Recevoir des conseils ou des critiques de la part de Thierry Henry, c’est plus facile à accepter. Car en effet, il a été un très grand joueur qui évoluait en plus à mon poste. Il a une légitimité totale. Donc tout ce qu’il me disait, je voulais l’appliquer dès le lendemain ! Avec lui, j’ai appris l’exigence, même si cela n’a été que sur une petite période (4 mois). Je me souviens que mon but en Ligue des Champions c’est avec lui que je l’ai marqué (1-1, contre Bruges, novembre 2018). Il m’avait titularisé en pointe. Il y avait pas mal de blessés, alors avec Sofiane (Diop), Loïc (Badiashile) et aussi Bennasser, on a pris ce qu’il y avait à prendre. C’était vraiment cool. Sur le moment, on ne se rend pas bien compte de ce qu’il se passe. Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé.

Enfin, vous présentez la particularité d’avoir choisi de rejoindre les Pays-Bas et le FC Utrecht après l’AS Monaco. Pourquoi ce choix peu commun pour un joueur français ?
La décision de partir aux Pays-Bas (2020/21) a été très réfléchie, car j’avais plusieurs clubs intéressés. C’est moi qui ai insisté pour y aller. J’avais besoin de vivre autre chose, de découvrir une nouvelle culture. Et je ne regrette rien, même si tout ne s’est pas passé comme j’aurais voulu. C’est là-bas que je suis devenu un homme. J’ai grandi, car avant mon départ j’étais encore un gamin…J’ai été forcé de m’adapter, d’aller vers des gens qui ont une mentalité différente. C’était un choc pour un gamin qui ne parle pas la langue et presque pas l’anglais.

Comment avez-vous passé le cap de la barrière de la langue ?
Je me souviens qu’au début, le coach, qui était Néerlandais, nous avait dit à tous que l’on communiquerait en anglais, et pas en Néerlandais. Là-bas, tout le monde parle anglais, mêmes les gamins de 10 ans. Ce qui était finalement une bonne nouvelle. Ça m’a fait bosser mon anglais, et maintenant je me débrouille bien. Toujours mieux qu’en Néerlandais, dont je ne connais que quelques mots… c’est vraiment compliqué comme langue. Ça fait mal à la tête (rires).