Interview

Grégory Coupet : « Je veux des gardiens qui avancent »

Grégory Coupet : « Je veux des gardiens qui avancent »

Interview
Publié le 11/10 à 09:25 - LFP

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Tout aussi passionné et investi que lorsqu’il était dans les cages, Grégory Coupet nous fait découvrir son poste d’entraîneur des gardiens au Dijon FCO.

Septuple champion de France avec l’Olympique Lyonnais entre 2002 et 2008, Grégory Coupet (48 ans) est désormais entraîneur des gardiens au Dijon FCO en Ligue 2 BKT, où son ex-coéquipier et ami Peguy Luyindula (directeur sportif du DFCO entre mai et novembre 2020) l’avait fait venir pour succéder à Laurent Weber. Toujours en poste depuis mai 2020, il y fait le bonheur de ses gardiens, parmi lesquels Baptiste Reynet qui confiait cet été à son retour au club combien c’était « un honneur d’être coaché par un gardien de cette classe ». L’ancien international (34 sélections) apporte ainsi toute son expérience au sein du staff de Patrice Garande, mais aussi sa bonne humeur.

Grégory, depuis 2016 vous occupez le poste d’entraîneur des gardiens. Une évolution de carrière des plus logiques pour un ancien gardien de l’Equipe de France…
Je pense modestement avoir la crédibilité. Tout ce dont je parle au quotidien, je l’ai testé comme joueur. J’ai une longue carrière et du vécu. On a tendance à croire que tout le monde peut entraîner des gardiens, mais pour aborder toute la psychologie du poste, partager le ressenti, c’est à mes yeux indispensable d’avoir occupé ce poste. J’ai moi-même été construit par plusieurs spécialistes (Jeannot Dees à l’ASSE et Joël Bats à l’OL), mais le plus important a été mon père, car c’est lui qui a construit les fondations. Et elles ont été solides.

Malgré votre grande carrière, vous avez eu besoin de passer des diplômes. Qu’est-ce que cela vous apporte de supplémentaire ?
Le CEGB (Certificat d’Entraîneur des Gardiens de but) apporte de la méthodologie. Cela aide à avoir un œil plus attentif et d’être très structuré : comme par exemple veiller à la sécurité avant l’entraînement, en vérifiant l’état du terrain, des filets…C’est très important. Et je sais de quoi je parle, car je me suis déjà blessé à cause des filets à l’entraînement (à l’OL en 2007 lors d’un travail de lob avec recul arrière, sa jambe s’est bloquée dans les filets). Il y a un certain nombre d’astuces à intégrer qui améliorent le quotidien et permettent d’être efficace. Et puis, concernant les entraînements, cela permet d’être plus concret avec des exercices bien adaptés.

Comment définiriez-vous votre rôle d’entraîneur des gardiens ?
C’est simple, je dois mettre à disposition des gardiens capables de jouer à tout moment. Et avec les risques de blessures et maintenant le covid, il faut parfois rapidement s’adapter. Du coup, mon objectif est de préparer au mieux mes quatre gardiens aussi bien mentalement, physiquement que techniquement. C’est un travail de longue haleine et surtout passionnant ! La communication y est prépondérante. Il m’arrive de me rendre compte dans l’analyse de certaines situations que mes gardiens ne sont pas sur la même longueur d’ondes que moi. J’ai d’ailleurs eu dernièrement cette discussion avec Patrice Garande, et il me disait de faire attention, car ce qui m’apparaît comme logique ne l’est pas forcément pour eux. Donc il y a beaucoup d’échanges.

Justement, Patrice Garande a succédé à David Linarès à la tête de l’équipe le 23 août dernier. Est-ce que cela a un impact sur votre travail ?
J’en suis à mon troisième coach à Dijon (Stéphane Jobard a été le premier). Il n’y a pas forcément de grands changements. La hiérarchie du poste est imposée par le coach, même si j’ai mon mot à dire. David, c’est mon ami. On se faisait confiance les yeux fermés. Avec Patrice Garande, c’est un vrai plaisir d’échanger. Il impose des choses plus précises sur l’attitude du gardien ou encore sur les relances. Désormais, avec l’évolution du jeu, tous les coachs sont très axés sur le travail de relance des gardiens. Patrice Garande a un œil particulièrement critique sur ce poste. En temps qu’ancien avant-centre, il est très avisé sur le sujet.

De votre côté, vous devez certainement aussi apporter votre œil d’ex-gardien pour conseiller les attaquants...
Absolument. Par exemple, Mickaël Le Bihan est un attaquant qui sollicite tout le staff. Avec moi, il est demandeur de petits conseils. Et si j’ai observé une particularité chez les gardiens adverses, il aime bien que je le lui rapporte. Mais je ne vous dirai pas lesquelles !

« Pour une bonne prise de balle, il faut des jambes »

Est-ce qu’il y a une méthode « Greg Coupet » ?
Par rapport à mon caractère, je veux de la communication, que mes gardiens soient heureux. Il faut qu’ils s’investissent à fond dans un métier exceptionnel. Je les aide à être le plus fort possible au poste qui se révèle être le plus complet. Je n’ai pas besoin de la data pour évaluer leurs progrès ou leur qualité. Psychologiquement, il faut être volontaire et avoir faim tout le temps. L’entraîneur des gardiens doit être psychologue car la remise en question doit être perpétuelle. Je suis là pour motiver et aussi rassurer. Je m’investis énormément pour eux. Ensuite, j’aime que mes gardiens courent. C’est important de faire tourner la machine, d’être fort physiquement. Alors ils bossent l’endurance. C’est aussi déterminant pour la concentration. Plus un gardien est fort physiquement, plus il est fort mentalement.

 

A quoi ressemblent vos entraînements ?
D’abord, je n’ai pas de programme type par semaine. Avec quatre gardiens, c’est un investissement de tous les instants. Par exemple, lorsqu'il y a une journée en semaine, je m’applique à garder mon numéro 1 « en cannes ». Je dose selon son profil. Baptiste Reynet est un gardien solide, fort sur les appuis. Il est plutôt complet. Je peux aussi être amené à effectuer des rotations entre les quatre gardiens pendant les séances. Lors des mises en place tactiques, je laisse mon numéro 1 rejoindre le reste de l’équipe pour la préparation défensive. Du coup, pendant ce temps, je fais travailler physiquement mon numéro 2 (Anthony Racioppi). Et mes jeunes, je les intègre pour qu’ils goûtent à ce niveau, sans oublier leur travail de construction, notamment athlétique. J’apporte toujours de la variété pour qu’ils restent frais. Ainsi, il peut m’arriver de faire une séance uniquement sur les prises de balles. A la fin, je peux vous dire que les gars sont fatigués (rires) !

Les prises de balle sont un bon exemple du travail spécifique effectué par les gardiens. Comment cela se travaille-t-il ?
Pour une bonne prise de balle, il faut des jambes. Joseph-Antoine Bell (côtoyé à Saint-Etienne entre 1991 et 1994) me disait : « Ce sont tes jambes qui t’amènent au ballon ». Donc la prise de balle c’est d’abord la vitesse de jambes et le déplacement. Si je varie beaucoup mes exercices à l’entraînement, le travail de jambes revient très régulièrement. Soit en vivacité sur des échelles de rythme, soit en puissance sur des haies ou des marches en canard. Je reviens finalement beaucoup à ce que faisait mon père. Même si le poste a beaucoup évolué depuis, il ne faut jamais négliger les bases. C’est bien d’inventer des exercices pour apporter de la nouveauté aux gardiens, mais le basique est tellement efficace.

Vous êtes-vous fixé des objectifs à atteindre avec vos gardiens à Dijon ?
Quand j’ai pris la succession de Joël Bats à l’OL auprès d’Anthony Lopes, j’avais mis en place un travail pour qu’il gagne 20-30 centimètres dans son placement mais le plus important était d’abord qu’il conserve cette agressivité naturelle, cette façon d’avancer. C’est la marque de fabrique de certains gardiens, notamment les Lyonnais. C’est ce que je souhaite imposer ici : avoir des gardiens qui avancent.

 

« Mon gardien doit être heureux pour être libéré »

Y a-t-il en revanche des attitudes que l’on ne verra jamais chez les gardiens dijonnais cette saison ?
Je vois de plus de plus de gardiens se mettre en croix un peu n’importe quand. Comme s’il n’y avait pas mieux à faire. C’est une très bonne technique face à un joueur à bout portant, mais pas tout le temps. Dans les attitudes, je veux voir une différence entre un gardien de football, de handball et de hockey. Ces deux derniers adoptent certains gestes en raison de la taille de leurs surfaces qui sont bien plus petites que la nôtre. Selon moi, le foot a une mauvaise tendance à copier des attitudes de ces sports.

Une autre facette de votre poste est l’accompagnement de vos gardiens le jour du match. Un moment délicat où votre expérience doit être particulièrement précieuse et appréciée...
J’aime bosser dans la bonne humeur, et encore plus les jours de match. Je m’applique à dédramatiser l’événement. Bien sûr, il y a beaucoup de pression, mais il faut que mon gardien soit heureux pour être libéré, sans être trop relâché non plus. Avec Baptiste, qui est expérimenté, on peut se permettre des clins d’œil, des petits sourires. Plus tôt dans la journée, avant la collation, il y a toujours une séance vidéo sur l’équipe adverse et ses attaquants. C’est l’occasion de revoir des détails, comme leur comportement face au but ou d’autres spécificités. Et puis, il y a aussi les coups de pieds arrêtés à revoir en fonction des tireurs, selon qu’ils sont droitiers ou gauchers. Et après, c’est l’heure de l’échauffement. Baptiste décide des joueurs qui iront dans le mur et organise les choses. Et cela, de manière à ce qu’il ait bien en tête les automatismes – les noms et les systèmes - pour ne pas tergiverser dans le feu de l’action. Cette préparation lui permet d’avoir un commandement précis et rapide pendant le match.

Vous venez d’évoquer la vidéo pour étudier l’adversaire. Est-ce que vous l’utilisez également pour conseiller vos gardiens ?
Absolument. Le travail vidéo permet à la fois de donner des conseils, de faire des reproches et de féliciter. Je fais part à Baptiste de ce que je relève pendant le match, par exemple une orientation de dégagement ou une vitesse d’exécution qui auraient pu être différentes. Mais la vidéo me sert aussi à mettre en avant la qualité d’une intervention et donc à lui expliquer avec les images pourquoi c’était top !