Interview

Salles-Lamonge : « Je veux régaler tous mes attaquants »

Salles-Lamonge : « Je veux régaler tous mes attaquants »

Interview
Publié le 10/03 à 09:49 - LFP

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Avant le derby de samedi à Ajaccio, Sébastien Salles-Lamonge, belle surprise du SC Bastia à 26 ans, évoque son rôle dans l’équipe, son goût pour le collectif et forcément sa formation rennaise.

Samedi à 15h, vous allez disputer votre deuxième derby corse en Ligue 2 BKT. Le premier doit être un bon souvenir pour vous (victoire 2-0 du SC Bastia).
Oui, le contexte était particulier à l’aller. Le coach (Mathieu Chabert) venait d’être écarté et nous avions des intérimaires (le duo Zago-Jeunechamp). Du coup, on se devait de se mobiliser avec les plus de 10.000 spectateurs présents au stade. A cela s’était ajouté le fait qu’en raison du covid Ajaccio venait de jouer quatre matchs en une quinzaine de jours. Le contexte était donc très spécial et on avait su en tirer profit. Samedi, le match sera différent. L’ACA réalise une belle saison, ils devraient être jusqu’au bout dans le coup pour la montée. Leur jeu est bien huilé et l’équipe est mature. De notre côté, il faudra être prêt, car ils auront cet esprit de revanche.

Si vous découvrez cette saison l’atmosphère des derbys face à l’ACA, c’est votre 3e saison au Sporting. Un club qui semble bien vous correspondre.
C’est un club entouré d’une grande passion. Même en National 2, on arrivait à avoir 5.000 personnes pour certains matchs. Cela n’arrive pas partout. A présent, j’ai la confiance de tout le monde, de mes coéquipiers et du staff. Mais en 2019, venir à Bastia était un pari osé. D’abord, ce n’était pas évident que je puisse y faire ma place. Il y avait des joueurs qui sortaient d’une belle saison avec la montée du National 3. Et il n’y avait pas non plus de certitude dans le fait que l’équipe puisse remonter tout de suite en National, puis en Ligue 2. C’était le projet, mais cela n’a pas été simple. Pour la montée en National, nous étions deuxièmes derrière Sedan à quinze jours de l’arrêt du championnat pour cause de covid, donc cela s’est joué à peu de choses.

Et du coup, vous avez connu deux montées consécutives avec le club, en 2020 et 2021.
On a vécu quelque chose d’incroyable ! Certains joueurs en ont même vécu trois (montée du National 3 en 2019). Le noyau dur de l’équipe a cette histoire commune qui fait que c’est très fort entre nous. Et maintenant que nous savons combien il est difficile de quitter le National, les efforts que cela réclame, nous voulons faire en sorte de ne plus y retourner.

Quelles sont les différences les plus notables entre le National et la Ligue 2 BKT, que vous aviez déjà fréquentée avec Le Havre (14 matchs en 2016/17) ?
La Ligue 2 est d’abord supérieure au niveau de la justesse technique et de la compréhension tactique. C’est la grosse différence avec le National. Les équipes sont également mieux préparées et sont donc plus difficiles à bouger. C’est aussi plus compliqué offensivement sur les coups de pieds arrêtés, qui étaient une de nos forces. Et évidemment l’intensité physique est montée d’un cran.

Vous qui êtes justement un joueur technique, comment vous y retrouvez-vous physiquement ?
C’est un domaine dans lequel j’ai progressé. Même quand on n’est pas trop puissant et pas très grand, il faut faire en sorte d’être dans la meilleure condition physique possible ; être toujours en mouvement, rester disponible pour les coéquipiers. Pouvoir enchaîner les matchs me donne du rythme et je parviens à avoir une certaine constance dans les efforts. Plus on est bien physiquement, mieux on est dans la tête. Ça permet d’avoir le temps d’avance sur des passes ou des orientations de jeu.

« Je suis dans de meilleures conditions pour être décisif »

A votre arrivée au club, évoluer dans une équipe où vos qualités techniques pourraient s’exprimer était-il un critère important ?
Quand je suis arrivé, ma situation était telle (il évoluait avec la réserve du Deportivo La Corogne) que je n’ai pas prêté attention à la philosophie de jeu de l’équipe. J’avais d’abord besoin de retrouver du temps de jeu. En repartant de National 2, je me disais que ça serait plus simple. Ensuite, au fur et à mesure des saisons, avec l’arrivée d’autres joueurs, on a vu que l’on était à l’aise en pratiquant un jeu basé sur la possession. Cette saison, même si la Ligue 2 est physique, ça joue au ballon. Et c’est ce que recherche notre équipe. On essaye de produire du jeu et cela me permet de m’exprimer.

En effet, et cette saison vous vous révélez particulièrement décisif avec 6 passes décisives (6e du classement des passeurs) en plus de vos trois buts en Ligue 2 BKT.
Je suis un peu plus décisif que par le passé ; chose qui me manquait. J’étais décisif chez les jeunes et avant de passer chez les pros, mais ensuite je l’ai moins été. Et si j’ai quand même marqué quelques buts l’an passé (5 buts en National), ça revient surtout cette saison. C’est aussi plus facile pour moi, car j’évolue plus haut sur le terrain.

Quel changement est intervenu dans votre positionnement avec la prise de fonction de Régis Brouard en octobre dernier ?
Notre système de jeu a changé. Auparavant avec Mathieu Chabert, nous étions dans un 4-3-3. Si j’évoluais comme relayeur, il restait tout de même de grosses tâches défensives à accomplir. Il me fallait aller chercher le ballon plus bas. Maintenant, il y a trois centraux et deux récupérateurs derrière moi, je suis ainsi plus haut et donc dans de meilleures conditions pour être décisif. Je n’ai plus à descendre autant que par le passé. Cela me permet de gagner en lucidité. C’est dans ce rôle de n°10 que je me sens le mieux. Je peux dépanner sur le côté, mais c’est dans l’axe que je peux le mieux aider l’équipe.

Quels sont les domaines dans lesquels vous souhaitez encore vous améliorer ?
Il y en a pas mal, mais ça fait un moment que je n’ai pas mis de coups francs. Le dernier a fini sur le poteau, contre Caen (J26). Plus largement, je voudrais être encore plus décisif, car c’est vraiment intéressant d’évoluer dans cette zone du terrain pour être à la dernière passe. Même dans la frappe, je prends davantage ma chance. Donc cela donne envie de progresser aussi dans le dernier geste.

Pour en revenir aux passes décisives, êtes-vous du coup attentif à cette stat ?
Je n’en fais pas une fixette, mais je trouve ça très bien de les valoriser. Je pense qu’il y a une quinzaine d’années certains joueurs auraient bien aimé que l’on en parle autant qu’aujourd’hui.

D’où vous vient ce goût de la passe ?
Jouer personnel ne m’a jamais intéressé. J’ai toujours été dégoûté de voir certains se la jouer perso. J’ai été bercé par le Barça, et il n’y avait rien d’individuel ou de forcé dans cette équipe. Cela a influencé ma façon de jouer. La passe, c’est donc quelque chose de naturel chez moi. Même si lorsque l’on débute petit ce que l’on veut c’est d’abord dribbler. Mais en grandissant, on voit que l’on ne va pas assez vite pour toujours dribbler (rires) et on travaille pour s’appliquer sur les passes. Ensuite avec la formation rennaise, j’ai été dans ce qui se fait de mieux pour le collectif et le contrôle-passe. C’est à ce moment que j’ai beaucoup appris.

Comment travaillez-vous votre entente avec les autres joueurs offensifs bastiais ?
Avec eux, je discute tout le temps de la façon de leur donner les ballons. Par exemple je leur dis, « si je la reçois là, tu peux faire cet appel…venir décrocher ». Cela dépend des qualités de chacun. Je ne fais pas la même chose avec Santelli, qu’avec Saadi, Robic ou Magri. Lui a par exemple cette capacité à aller très vite en profondeur. Ces discussions leur permettent de savoir où ils doivent se placer et les appels à faire en fonction de l’endroit où je me trouve. Et quand ça ne marche pas, on se le dit aussi. C’est comme cela que l’on avance pour réussir à se trouver le plus possible. J’adore travailler sur ça.

Et ce travail porte ses fruits, notamment avec Benjamin Santelli à qui vous avez délivré 4 passes décisives cette saison en Ligue 2 BKT. L’entente est-elle meilleure avec lui ?
Benjamin est très en forme. On s’entend très bien, mais avec les autres aussi. Il a été très bon devant le but sur les premiers mois de la saison. Et il a beaucoup de volume de jeu, il est généreux dans ses efforts, va dans la profondeur, décroche…Il a cette lucidité devant le but. Moi, j’essaye de distribuer les ballons de la même façon à tous mes attaquants. Je cherche tous à les régaler.

A quel moment au cours de votre formation avez-vous pris conscience que cette qualité de passe pourrait être un atout ?
Entre 13 et 16 ans j’ai compris qu’il y avait un apprentissage à faire et que l’on ne pouvait pas toujours faire des différences tout seul, à moins d’être Mbappé ! (rires). J’ai eu la chance d’être sensibilisé très jeune au sens du collectif au sein du pôle Espoir à Castelmaurou, avec Joël Bonnal et Yannick Stopyra. Ils ont vu mes capacités et ils ont capitalisé dessus. Ils m’ont martelé jour après jour de répéter mes gammes : les contrôles, les passes, faire tourner le ballon... Ensuite, j’ai passé d’autres caps au Stade Rennais aux côtés de Franck Haise (U17), Julien Stéphan (U19 et réserve) et Laurent Huard (réserve). J’ai eu la chance de fréquenter le gratin des tacticiens.

Lequel vous a le plus marqué ?
Comme je l’ai eu pendant quatre ans, je dirais forcément Julien Stéphan. J’ai vraiment apprécié son approche tactico-technique. On progressait énormément à ses côtés, aussi bien collectivement, individuellement qu’humainement. Il aimait bien nous mettre en difficulté sur certains schémas tactiques. La plupart du temps nous jouions en 4-3-3, mais il demandait parfois à évoluer en 4-4-2 losange. Il nous a façonné. En sortant de là, on savait que l’on était prêts à évoluer dans n’importe quel système.

« Yoann Gourcuff était incroyable ! »

A l’époque, Julien Stéphan louait notamment votre capacité à jouer avec les deux pieds. Est-ce quelque chose d’inné chez vous ?
Cela me vient de mon père. Quand j’étais jeune et que l’on s’amusait dans le jardin, il me demandait de jongler et de tirer aussi du gauche. Ça ne me plaisait pas du tout au début et après c’est devenu naturel. Et je me suis ensuite rendu compte que ça pouvait m’être utile.

Un peu comme Ousmane Dembélé, un autre joueur issu du Stade Rennais…
Ousmane est à un niveau au-dessus ! Lui, dans ses feintes, sa conduite de balle ou encore ses frappes, où il enroule à droite et à gauche, c’est encore autre chose. Ses dribbles, qu’ils soient à droite ou à gauche ce sont les mêmes. Moi, je reste meilleur à droite. C’est dans les passes que j’arrive à faire plus ou moins la même chose.

Au Stade Rennais, vous avez aussi côtoyé un certain Yoann Gourcuff qui évoluait au même poste que vous. Que vous a-t-il appris ?
Il ne parlait pas trop, mais j’avais compris que ce serait en le regardant que j’apprendrais beaucoup. Il était exemplaire. Et du côté de la qualité technique, c’était incroyable ! Quand il est revenu au Stade Rennais (2015/16), je venais d’intégrer le groupe pro, on voyait qu’il était affûté. Il s’était préparé comme un fou pour reprendre avec nous. C’était une fusée ! Il était léger lorsqu’il accélérait sur le terrain. Techniquement, il faisait des différences en une ou deux touches, c’était impressionnant.

Et il a également été lié à votre première en Ligue 1 Uber Eats, face au Angers SCO en février 2016 (1-0).
Ce match a été exceptionnel pour moi. Cela faisait cinq ans que j’étais au club et tous les week-ends lorsque je venais au stade, je rêvais de jouer sur ce terrain, donc c’était un accomplissement. En plus, j’avais fait monter ma famille et ma copine. C’était un grand moment. J’ai évolué avec des joueurs comme André, Ntep, Gelson Fernandes, Sio, Armand…ça n’arrive pas tous les jours de jouer avec de tels joueurs. Jusqu’à la causerie d’avant-match, on ne savait pas qui allait débuter entre Yoann et moi, même si on savait déjà que l’on jouerait une mi-temps chacun. J’ai découvert ma titularisation à une heure du match.

Votre passage au Stade Rennais reste visiblement un grand moment pour vous.
Avoir joué en Ligue 1 (3 matchs en 2015/16) c’est quelque chose d’important. Beaucoup de joueurs y ont joué quelques matchs et ensuite plus aucun, mais il y en a aussi beaucoup qui n’en ont jamais disputé un seul…Je ne le banalise pas, d’autant que je n’ai aucune certitude d’en jouer d’autres. Même si je n’ai pas beaucoup joué, je me suis entraîné tous les jours avec notamment Yoann (Gourcuff) et Benjamin (André). J’ai aussi adoré Julien Féret que je n’ai connu que sur certaines séances, car j’étais plus jeune. J’étais comme une éponge, j’ai absorbé tout ce que j’ai pu.