Tristan Muyumba (EA Guingamp).
Interview

Tristan Muyumba : « Je peux enfin dire que je suis un vrai joueur de foot »

Tristan Muyumba : « Je peux enfin dire que je suis un vrai joueur de foot »

Interview
Publié le 14/09 à 19:34 - N. Maître

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Recruté pour encadrer la réserve de l’EA Guingamp il y a deux ans, Tristan Muyumba est aujourd’hui titulaire indiscutable dans le onze de Stéphane Dumont. A 25 ans, le milieu de terrain, formé à l’AS Monaco avant de connaître un parcours semé d'embûches, revient sur les moments marquants de son début de carrière.

Le moment où il commence le foot : « C’était en bas de mon quartier, à Meudon-la-Forêt, avec mes frères et mes amis. Ensuite, à l’âge de 7 ans, j’ai rejoint l’AS Meudon, où je suis resté jusqu’à mes 14 ans, puis j’ai rejoint Montrouge. Je ne suis pas passé par un pôle Espoirs. À l’époque, j’évoluais souvent au poste d’attaquant ou d’ailier et, au fil du temps, j’ai reculé petit à petit. C’est en arrivant à Montrouge, en U15, que je me suis pleinement installé au poste de milieu de terrain. J’ai fait une saison là-bas et je jouais aux côtés de Ludovic Blas. »

Le moment où il signe à l’AS Monaco : « Quand j’évoluais encore à l’AS Meudon, il y avait beaucoup de recruteurs qui venaient voir les matchs. A l’âge de 13 ans, j’ai eu la chance de taper dans l’œil de celui de l’AS Monaco et il m’a invité à passer plusieurs jours au club. Ça s’est bien passé et j’ai décidé d’y signer, mais j’ai dû patienter jusqu’à mes 15 ans avant de pouvoir intégrer le centre de formation. C’est pour cela que j’ai continué à jouer une saison et demie à l’AS Meudon puis une saison à Montrouge. En parallèle, l’AS Monaco suivait mes performances. J’étais régulièrement en contact avec le recruteur de la région parisienne. Il travaillait justement à Montrouge et m’avait poussé à rejoindre le club. L’ASM organisait également des matchs amicaux avec les autres joueurs recrutés en Île-de-France pour nous réunir et nous observer. »

Le moment où il devient un joueur important du centre de formation : « Dès ma première saison, ça s’est très bien passé. Je jouais régulièrement avec les U17 nationaux puis tout s’est enchaîné. J’ai eu la chance d’être régulièrement surclassé, de jouer avec des joueurs de qualité et de porter le brassard. Je suis tombé sur de très bons formateurs : Manu Dos Santos, Bruno Irles, Frédéric Barilaro. Les trois m’ont énormément apporté et je suis encore très proche d’eux. Au centre de formation, ça s’est toujours bien passé, bien goupillé. Je suis content d’avoir fait mes classes à l’AS Monaco. »

« Je faisais partie des joueurs sur lesquels l’AS Monaco fondait beaucoup d’espoirs »

Le moment où il dispute la Youth League : « J’ai eu la chance de participer à deux éditions (2014/15 et 2016/17). J’en garde de très bons souvenirs. Je me souviens avoir affronté de très belles équipes, Benfica, Tottenham ou le Bayer Leverkusen, et de très bons joueurs. Je pense notamment à Kai Havertz, qui compte aujourd’hui une Ligue des champions à son palmarès, ou à Renato Sanches. C’est une compétition très enrichissante et formatrice. Elle m’a vraiment marqué et plu. Elle permet également d’emmagasiner de l’expérience et d’apprendre à jouer tous les trois jours. Cela permet de s’habituer à l’enchaînement des matchs avant d’y être confronté dans le monde professionnel. »

Le moment où il remporte la Coupe Gambardella : « Aujourd’hui, ça reste mon plus beau souvenir ! Gagner un trophée avec une bande de potes avec laquelle tu vis tous les jours pendant plusieurs années, c’est inoubliable. J’en suis très fier. Le coach Frédéric Barilaro, avec lequel j’avais une très bonne relation, m’avait désigné capitaine. J’avais comme rôle de motiver le groupe et de hausser le ton quand il le fallait. C’était naturel pour moi. J’avais l’habitude de porter le brassard, que ce soit en U17, en U19 ou en Youth League. C’est ce qui m’a amené à être l’un des premiers capitaines de Kylian Mbappé. On me le répète assez souvent, mais c’est aussi une jolie fierté. »

Le moment où il devient un cadre de la réserve : « Après la victoire en Coupe Gambardella (2016), j’ai signé mon premier contrat pro d’une durée de trois ans au cours de l’été. Par la suite, j’ai fait une très belle saison (2016/2017) avec l’équipe réserve, j’ai joué très régulièrement. Cela m’a permis de gagner en maturité et en expérience. Alors que je n’avais connu que les catégories de jeunes, je me suis très bien adapté au football « senior ». J’avais également un bon coach qui m’a bien encadré et appris beaucoup de choses : Souleymane Cissé. A ce moment-là, je faisais partie des joueurs sur lesquels le club fondait beaucoup d’espoirs. Tout se passait très bien. Les dirigeants comptaient sur moi et me le faisaient ressentir. Jusqu’à là tout était parfait à l’AS Monaco. »

« Mon passage en Belgique ? C’était ma première grosse difficulté dans le foot »

Le moment où il joue contre le PSG : « Je m’entraînais régulièrement avec l’effectif de Leonardo Jardim et le club était en lice dans toutes les compétitions. De ce fait, le coach avait décidé de faire souffler les cadres et de lancer plusieurs jeunes. J’ai eu la chance d’être titularisé pour cette demi-finale de Coupe de France (le 26 avril 2017, 5-0). Pour mon premier match en pro, c’était quelque chose d’être dans la zone de Blaise Matuidi, Thiago Motta et Marco Verratti. C’était une très belle confrontation et, forcément, un bon souvenir à seulement 20 ans. Le score avait été sévère mais on savait que ça allait être compliqué. On avait joué notre chance à fond et je pense que j’avais malgré tout montré de belles choses. » 

Le moment où il est prêté au Cercle Bruges : « Honnêtement, ce n’était pas ma volonté. J’avais comme objectif de rester à l’AS Monaco et d’intégrer pleinement la rotation. Mais on avait discuté avec le club et on avait finalement convenu que c’était mieux pour moi que j’aille m’aguerrir en disputant une saison pleine, en Belgique, au Cercle Bruges. La préparation se passe très bien, j’ai beaucoup de temps de jeu, puis arrive le dernier match amical… Au bout de quelques minutes, je me fais une grosse blessure (une rupture des ligaments d’une cheville), la première depuis mes débuts dans le foot. Alors que je n’avais jamais connu le fait d’être éloigné des terrains, c’est une période que j’ai mal vécue. J’avais dû rester en Belgique et c’était très difficile. Heureusement, j’ai eu la chance d’être bien entouré, ma copine était souvent présente et je pouvais compter sur Guévin Tormin et Jordy Gaspar, qui sont encore aujourd’hui bien plus que des amis. »

Le moment où il ronge son frein en Belgique : « A la suite de ma blessure, je suis resté éloigné des terrains quasiment trois mois puis, peu de temps après avoir repris, je me suis blessé à l'ischio-jambier. J’ai dû encore patienter et un changement de coach est intervenu car le club ne réalisait pas un bon début de saison (Franky Vercauteren a remplacé José Riga le 16 octobre 2017). Par la suite, le coach a eu de très bons résultats et je n’ai pas réussi à entrer dans l’équipe, puis décembre est vite arrivé. A ce moment-là, je ne savais pas du tout si j’allais rester. J’étais dans l’attente et j’ai finalement repris plus tard que le groupe, donc je me suis retrouvé avec une trêve hivernale tronquée. Résultat : je n’ai une nouvelle fois pas pu me faire une place dans une équipe qui tournait. Je n’avais rien à dire car l’équipe a fini par remporter le titre en D2. Même si je n’ai joué qu’une poignée de minutes (5'), ça reste un titre à mon palmarès. C’était une saison très difficile mais j’en suis sorti grandi. C’était ma première grosse difficulté dans le foot. »

« Je gardais confiance en moi et je me disais qu’une porte allait finir par s’ouvrir »

Le moment où il revient à l’AS Monaco : « Un nouveau moment compliqué... Juste avant la reprise, j’ai eu un décès dans ma famille. En plus, après avoir connu une saison blanche, le club n’avait forcément plus les mêmes attentes à mon égard. J’étais moi-même déçu de la tournure de mon début de carrière. Je me suis retrouvé à jouer toute la saison avec la réserve. Et même là, je jouais moins que lors de la saison 2016/17. Le coach avait changé pendant mon passage en Belgique (David Bechkoura avait été nommé à la tête de la réserve) et c’était assez compliqué entre nous. J’ai quand même eu la chance de m’entraîner par moments avec l’équipe première et de toucher un petit peu le monde professionnel après le départ de Thierry Henry et le retour de Leonardo Jardim. Mais c’était très peu, ce n’était pas suffisant. Franchement, il n’y avait pas grand-chose qui allait lors de cette saison : j’avais perdu de la motivation, j’arrivais en fin de contrat… »

Le moment où il se retrouve au chômage : « J’attendais que quelque chose se présente mais rien n’arrivait après la fin de mon contrat avec l’AS Monaco. Quand j’avais des sollicitations, notamment en Espagne, rien ne se concrétisait. J’ai passé six mois encore plus difficiles à ne pas jouer et à m’entraîner uniquement avec un préparateur physique personnel. Heureusement, j’ai encore eu la chance d’être bien entouré. Mon entourage ne m’a jamais lâché et a toujours cru en moi. Cela me permettait de rester constamment positif. Je gardais confiance en moi et je me disais qu’une porte allait finir par s’ouvrir. Je ne vais pas dire que je n’ai jamais douté, il y avait des journées moins drôles que d’autres, mais je gardais le sourire et la motivation. Mais passer six mois sans jouer au foot, à seulement s’entraîner avec un prépa et à faire quelques futsals par-ci par-là, c’est vraiment très compliqué. Mais je m’étais imposé le même rythme que si je devais aller à l’entraînement tous les jours. »

Le moment où il rebondit au SC Toulon : « Une bouffée d’oxygène ! Le fait de retrouver les terrains, le goût de la compétition, c’est quelque chose que j’attendais avec impatience. Tout s’est fait rapidement. Le club était en difficulté en championnat et il cherchait des joueurs. J’ai fait un match amical et, quelques jours après, j’ai été aligné en championnat. Florian Andreani, avec qui j’ai été formé à l’AS Monaco, jouait là-bas et m’avait aidé à m’intégrer. Ça ne m’avait pas dérangé de signer en National. Le plus important pour moi, c’était d’avoir du temps de jeu. Je ne me voyais pas rester sans jouer plus longtemps, sinon j’allais complétement tomber aux oubliettes. Au final, je suis content d’avoir fait ce petit passage à Toulon car il m’a permis de me remettre en lumière et de reprendre du plaisir. » 

« Mécha Baždarević voulait pouvoir m’utiliser »

Le moment où il rejoint la réserve de l’EA Guingamp : « Au cours de l’été 2020, le club me sollicite pour encadrer la réserve et je décide d’y aller. Dès que je suis arrivé, j’ai senti que le changement d’environnement me faisait du bien. J’ai tout de suite réussi à m’imposer avec l’équipe qui évoluait en National 2. Tout se passait tellement bien que j’ai rapidement pu m’entraîner avec le groupe pro et même participer à un match amical. En réalité, c’était l’idée que j’avais derrière la tête en signant à Guingamp. Je savais que si je mettais toutes les chances de mon côté, je pouvais avoir ma chance dans l’équipe première. C’est ce qui s’est passé et, au fil des semaines, j’ai commencé à pleinement intégrer les entraînements du groupe pro. »

Le moment où il repasse pro : « Quand je suis arrivé pour jouer avec la réserve, j’avais signé un contrat amateur et il ne me permettait pas de jouer avec l’équipe première. En parallèle, c’était un peu compliqué pour le club en championnat et plusieurs joueurs se sont blessés, donc le coach Mécha Baždarević voulait pouvoir m’utiliser. Je ne vais pas dire que j’ai eu de la chance, mais j’ai pu bénéficier d’un concours de circonstances pour signer un contrat en octobre et redevenir professionnel. Par la suite, j’ai pleinement intégré le groupe, j’ai arrêté de m’entraîner avec la réserve, mais je n’ai pas joué tout de suite en championnat. Le coach m’avait fait signer mais il ne m’utilisait pas. C’était assez complexe, je n'en revenais pas. Mais j’étais déjà très heureux d’avoir pu repasser pro, donc je ne me prenais pas trop la tête. D’ailleurs, je suis toujours très reconnaissant envers le coach car c’est lui qui m’a relancé. »

Le moment où il découvre la Ligue 2 BKT : « A la suite des mauvais résultats de l’équipe, Frédéric Bompard est passé entraîneur principal en février. J’ai tout de suite vu sa nomination comme une bonne nouvelle car il avait toujours des mots pour moi et m’encourageait énormément pendant la période où il était adjoint. Donc, quand il a repris l’équipe, il m’a rapidement donné du temps de jeu. Il m’avait fait rentrer vingt minutes un soir de défaite 5-0 face à Clermont. A la suite de cette apparition, il m'avait clairement dit qu’il comptait sur moi, que j’avais fait une bonne entrée malgré le score et que j’allais être titulaire le week-end suivant à Ajaccio. J’étais très content et, là, malchance, j’attrape le Covid. A mon retour, l’équipe va un peu mieux, et c’est une nouvelle fois difficile de retrouver une place. J’ai la chance de rejouer un peu sur la fin, puis arrive mon but à Niort qui est une véritable délivrance. Je ne pouvais pas rêver mieux pour le dernier match de championnat après tous les moments difficiles que j’ai connus. »

« Je me sens capable de rattraper le statut que j’ai pu avoir »

Le moment où Stéphane Dumont décide de le conserver : « Mon contrat d’un an arrivait à sa fin et Guingamp attendait de trouver un coach pour activer ma prolongation de deux saisons. Je me suis encore retrouvé dans le flou et dans l’attente mais, heureusement, j’ai eu la chance de tomber sur Stéphane Dumont, un coach qui connaissait mon parcours. Comme il avait été entraîneur dans les catégories de jeunes à Lille, il avait déjà entendu parler de moi par le passé et avait eu des échos du football que je pouvais produire. Donc, quand il a signé à Guingamp, quelques jours après, il m’a appelé et m’a dit qu’il souhaitait m’avoir dans son groupe. Il ne m’avait pas garanti que j’allais avoir du temps de jeu, mais il m'avait affirmé qu’il voulait m’avoir et que j’aurai toutes mes chances. »

Le moment où il s’impose pleinement à l’EA Guingamp : « Quand je suis revenu pour la reprise, j’ai fait, à mes yeux, une très bonne préparation. Je me suis vite intégré au groupe et j’ai pu commencer la saison en tant que titulaire. Finalement, j’ai disputé l’intégralité de la saison et j’ai réalisé, à 24 ans, ma première saison pleine en pro (31 matchs de Ligue 2 BKT). Ce fut long mais mieux vaut tard que jamais. Je n’ai jamais abdiqué et ça a payé. J’en suis fier. Je peux enfin dire que je suis un vrai joueur de football. Mon parcours m’a énormément servi et forgé. Je sais que sur certains points, je peux encore mieux faire et m’améliorer, mais ça va venir au fil des matchs et du travail. Aujourd'hui, je suis content du début de saison que je réalise et j’espère continuer sur cette voie. Je sais que je peux faire des choses encore plus grandes. Je me sens capable de rattraper le statut que j’ai pu avoir plus tôt dans ma carrière. J’y crois dur comme fer. »