Jean-Marc Furlan (SM Caen).
Interview

Jean-Marc Furlan : « Ça me fait vibrer quand une ville s’identifie à l’équipe »

Jean-Marc Furlan : « Ça me fait vibrer quand une ville s’identifie à l’équipe »

Interview
Publié le 26/07 à 09:15 - NM

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Nommé à la tête du SM Caen mi-juin, Jean-Marc Furlan se livre sur ses premières semaines en Normandie et la mise en place de ses incontournables « protocoles de jeu ». Entretien avec l’entraîneur recordman des montées en Ligue 1 Uber Eats.

Jean-Marc, comment se déroulent vos premières semaines à la tête du SM Caen ?
Je les vis de façon très, très agréable. Les Normands sont très gentils et j’ai un staff qui travaille de manière très positive depuis mon arrivée. Pierre-Antoine Capton (co-propriétaire du SM Caen) et Olivier Pickeu (président) m’ont également très bien accueilli. Je sens que je peux compter sur le soutien de l’ensemble du club.

Quel sentiment vous anime à l’idée de retrouver la Ligue 2 BKT ?
(rires) Vous me posez cette question parce que j’ai une étiquette d’entraîneur de Ligue 2 BKT. C’est un peu difficile à comprendre d’ailleurs car il y a des entraîneurs de Ligue 1 Uber Eats qui n’ont pas forcément fait mieux en termes de résultats… Mais, nous, les Français, on met des étiquettes aux gens. J’ai celle de celui qui est monté cinq fois en Ligue 1 Uber Eats (trois fois à la tête de l’ESTAC et deux autres avec le Stade Brestois et l’AJ Auxerre) mais qui ne s’est maintenu qu’une seule fois (en 2005/06 avec l'ESTAC).

La Ligue 2 BKT est tout de même le championnat qui vous permet de davantage exprimer vos idées…
Oui. Quand tu es en Ligue 1 Uber Eats et que tu entraînes une équipe qui fait partie des huit ou neuf meilleures équipes françaises, tu te régales, sinon tu souffres beaucoup, tu es toujours dans le dur et il est difficile d’exprimer tes idées. Aujourd’hui, contrairement à l’époque où j’étais joueur, quasiment toutes les équipes de deuxième partie de tableau jouent le maintien. Mais pour revenir à la Ligue 2 BKT, la saison va être singulière.

C’est-à-dire ?
Avec le retour des Play-offs et les quatre descentes en National, tous les clubs vont être concernés par la course pour la montée ou la lutte pour le maintien. C’est une configuration du championnat que je n’ai jamais connue, tout comme la présence de clubs comme l’AS Saint-Etienne et les Girondins de Bordeaux. Ça va être un championnat de très haut niveau. Un championnat de folie.

« Énormément de joueurs m’appellent pour rejouer sous mes ordres »

Vous êtes arrivé au SM Caen sans vos habituels adjoints. Qu’est-ce que cela change au quotidien ?
Depuis mon arrivée, mes adjoints (Patrice Sauvaget et Denis Moutier) sont très réceptifs. Ils comprennent très vite et ont un haut niveau de compétence. Je suis très satisfait de mes premières semaines à leurs côtés. Après, il est évident que j’ai dû leur transmettre ma méthode, sachant que j’ai toujours moi-même constitué mes entraînements. Je mets en place toutes mes séances, ce qui n’est pas le cas de tous les coachs, mais j’estime que c’est mon rôle afin de transmettre au mieux ma vision du football.

Vous avez une nouvelle fois recruté plusieurs de vos anciens joueurs (Valentin Henry, Mathias Autret, Alexandre Coeff) et avez retrouvé Yoann Court. Sont-ils de bons transmetteurs de vos protocoles de jeu ?
Oui. Quand tu es entraîneur et que tu as connu certains joueurs, tu peux t'appuyer sur eux. Par rapport à ce que je vois à l’entraînement, comme je les ai eus pendant longtemps, ils transmettent très bien les informations auprès du groupe. Quand j’étais à Brest ou à Auxerre, j’en ai pris entre cinq et sept et ça te permet de plus vite pouvoir appliquer ton football, tes protocoles et facilite grandement le passage de messages. C’est pour cela qu’il m’en faut plusieurs.

Cela doit être une fierté pour vous de voir autant de joueurs prêts à vous suivre à peu près partout…
Oui. Sincèrement, je suis même un peu gêné. Il y a énormément de joueurs qui m’appellent pour venir rejouer sous mes ordres, mais je ne peux pas dire aux dirigeants et au directeur sportif de tous les prendre. Si j’écoute mes anciens joueurs, j’en fais facilement venir sept-huit… (rires).

Vous accordez beaucoup d’importance au fait de pouvoir vous appuyer sur un effectif d’expérience. Pourquoi ?
Les équipes qui tournent en Ligue des champions, à l’image de Manchester City la saison dernière, elles ont toutes des joueurs entre 28 et 33 ans et qui jouent depuis plusieurs saisons ensemble. Ils connaissent tous les principes de leur entraîneur et savent élever leur niveau. Ça prouve l’importance de l’expérience. A l’inverse, lorsque tu as des jeunes de 18 et 19 ans, c’est beaucoup plus compliqué. Comme disaient Michel Platini et Alain Giresse : « Tu arrives à maturité entre tes 28 et 29 ans. » C’est qu’à partir de ce moment-là que tu as tout appris du football et que tu sais facilement t’adapter. Benjamin Nivet ou Mounir Obbadi, par exemple, je les ai vus prendre une dimension extraordinaire à partir de cet âge-là.

« J’insiste lourdement sur le travail défensif »

Où en sont les joueurs par rapport à l’intégration de vos principes ?
Tout ne se met pas en place en seulement deux ou trois semaines. Le problème aujourd’hui dans le foot, c’est que beaucoup de joueurs se concentrent sur leur individualité et la manière dont ils s’expriment individuellement. Donc, dans ce cas-là, une question se pose : comment tu mets en place un système de jeu ? Les joueurs vont vouloir en faire leur propre pratique. C’est pour cela qu’il faut amener les joueurs qui, naturellement conjuguent à la première personne du singulier, à conjuguer à la première personne du pluriel, qu’il passe du « je » au « nous ». Donc, pour installer un système de jeu, ça peut prendre un mois, deux mois ou trois mois…

La Ligue 2 BKT est de plus en plus compétitive chaque saison. Avez-vous dû faire évoluer certains de vos principes au fil du temps ?
Pas vraiment. Par rapport à ce que j’ai vécu il y a deux saisons avec l’AJ Auxerre, on était très fort défensivement et on arrivait aussi à l’être offensivement. C’est grâce à cette cohérence dans les deux secteurs qu’on a réussi à monter. Il faut travailler ces deux aspects pour réussir à proposer quelque chose de cohérent. Ici, à Caen, on a un très, très gros potentiel offensif, mais on va devoir travailler pour encaisser moins de buts. Sur le plan du jeu défensif, je ne le cache pas, je me chie dessus (rires). J’ai une peur bleue.

Justement, insistez-vous particulièrement sur le travail défensif lors de vos séances ?
Beaucoup, beaucoup, beaucoup. Je peux même dire que j’insiste lourdement sur le travail défensif. Je fais des réunions avec les joueurs pour leur faire assimiler le plus rapidement possible ce que j’attends sur ce plan. Cela ne concerne pas que les défenseurs mais l’ensemble du groupe. Beaucoup de joueurs ont des spécificités offensives intéressantes mais aussi des lacunes dans les phases de replis défensifs. Et c’est ce qu’on travaille. Même si j’aime dire que ma philosophie est de marquer un but de plus que l'adversaire, c’est très important de bien défendre.

Vos séances sont-elles également axées sur la création de paires ?
Oui. J’ai toujours cette phrase de Mario Zagallo (ancien sélectionneur du Brésil, vainqueur de la Coupe du Monde 1970) en tête : « Tu trouves une bonne paire, tu ne perds pas de match. Tu en trouves deux, tu gagnes tous les matchs. » Après, ce n’est pas le coach ou les dirigeants qui fabriquent les pairs, ce sont les joueurs eux-mêmes. Avec Troyes, quand j'ai associé Sébastien Grax et Benjamin Nivet, ils n’étaient pas forcément ensemble au quotidien mais sur le terrain po-po-po-po… Une complémentarité phénoménale. Ils se trouvaient comme s’ils avaient toujours joué ensemble. C’est vrai que cette constitution de paires est quelque chose sur lequel j’essaie de m’appuyer pour élever le niveau des équipes où je passe.

Des exercices permettent-ils de favoriser ces connexions ?
Oui et non. Ce n’est pas parce que je vais toujours associer deux joueurs ensemble qu’ils vont finir par bien s’entendre. Comme je l’ai dit, ce n’est pas lié à l’entraîneur, c’est quelque chose que tu vas découvrir au fur et à mesure des séances. J’aimerais bien que ce soit le cas cette saison. Bilal Brahimi et Alexandre Mendy ? Ils s’entendent bien, c’est vrai (sourire).

« Pas de casquette à l'envers ? Ça va être dur de m’y tenir »

Est-ce que votre plus grande force n’est pas de replacer l’amour du jeu au centre d’un projet ?
Oui. Je suis devenu l’opposé du joueur que j’étais. Comme Rolland Courbis aime dire : « Tu étais un tueur à gages et maintenant tu développes un football offensif. » C’est vrai et c’est simplement parce que j’aime beaucoup le football offensif. Donc, dès que j’arrive dans un club, je ne parle que de jeu et je le place effectivement au centre du projet. Si on gagne 38 matchs 5-4, on a la plus mauvaise défense mais on est champion. Mais il ne faut pas que je le répète trop souvent car on a du travail défensivement (rires).

Un autre aspect semble primordial chez vous : l’adhésion des supporters. Pourquoi est-ce aussi important à vos yeux ?
Ce qui m’intéresse, c’est comment on crée une identité forte et comment on séduit les gens pour qu’ils aient envie de suivre leur équipe. J’adore ça. J’ai réussi à le faire à Brest puis à Auxerre, c’était fantastique. Ça me fait vibrer quand une ville s’identifie à l’équipe.

Sachant que vous avez eu besoin de trois saisons pour monter avec le Stade Brestois 29 puis l’AJ Auxerre, quel va être l’objectif du SM Caen cette saison ?
Je ne sais pas encore comment évaluer notre équipe par rapport aux autres formations du championnat. Même si le club a terminé à la 5e place la saison passée, je ne peux pas vous dire ce qu’il va se produire. Mais bien évidemment que le top 5 est l’objectif à court terme. C’est ce que je veux.

Pour terminer, est-ce vrai qu’on ne vous verra pas avec votre casquette à l’envers cette saison ?
(rires) Avant ma présentation, Pierre-Antoine Capton m’a dit : « Je ne veux pas de casquette à l’envers ni de doigt d’honneur. » Par rapport à la casquette à l’envers, je crois qu’il y a déjà eu des photos à l’entraînement… Le problème, c’est que je la porte toujours à l’envers à part quand il y a beaucoup de soleil. C’est un hommage à mon papa qui la portait toujours de cette manière. Monsieur Capton m’a dit « non », mais ça va être dur de m’y tenir sur le banc (rires).