Interview

Jérémy Gélin : « Avec Daf, c’est un football énergivore ! »

Jérémy Gélin : « Avec Daf, c’est un football énergivore ! »

Interview
Publié le 05/09 à 09:03 -

Partager

Ancien espoir du Stade Rennais avec qui il a joué l’Europe et remporté une Coupe de France, Jérémy Gélin a il y a un an choisi la Ligue 2 BKT pour se relancer. Et c’est l’Amiens SC, 2e à égalité avec le leader après la J5, qui en profite. Entretien.

Jérémy, pouvez-vous revenir sur votre choix la saison passée de rejoindre l’Amiens SC et d’évoluer en Ligue 2 BKT ?
Après ma blessure à une heure du départ pour les JO avec la France (juillet 2021), j’ai connu une saison blanche lors de ma dernière année de contrat à Rennes. Quand tu n’as pas joué pendant une longue période, trouver un challenge en Ligue 1 Uber Eats n’est pas évident… Il y avait du flou autour de ma blessure. Les clubs avaient des doutes sur ma capacité à retrouver mon niveau. Du coup, quand la proposition d’Amiens est arrivée, j’ai pensé que c’était bon pour moi pour avoir du temps de jeu en Ligue 2 BKT, plutôt que d’aller sur un banc ailleurs.

Et depuis, vous avez atteint votre objectif en prenant une place de titulaire dans le onze amiénois…
Oui, je pense que c’était la bonne décision à prendre pour retrouver le haut niveau. Pourquoi pas avec l’Amiens SC d’ailleurs. C’est une satisfaction d’être ici. Au début, ce n’était pas forcément facile à accepter. Je venais d’un club comme le Stade Rennais où j’avais remporté la Coupe de France (2019), disputé près de 100 matchs de Ligue 1 Uber Eats (64) et disputé la Ligue Europa. Donc les attentes étaient autres qu’un club de Ligue 2 BKT. Mais au final, j’ai trouvé mal place.

« L’attente est forte quand tu viens de Ligue 1 Uber Eats »

En tous les cas votre blessure au ligament croisé du genou gauche semble désormais être loin derrière vous.
Il a fallu que je revienne au niveau. Quand je me souviens que les clubs émettaient des doutes sur mes capacités physiques il y a un peu plus d’un an et que j’ai finalement disputé une trentaine de rencontres en Ligue 2 BKT, je me dis qu’ils se sont un peu trompés. Attention, je ne dis pas que j’ai performé lors de tous ces matchs, car ce n’est pas le cas. Je reste lucide. Mais je le savais, car mon chirurgien m’avait prévenu qu’il faudrait encore un an à mon retour sur les terrains pour être à 100%. Et je le constate. Lors de la préparation cet été, j’ai senti la différence. Je répète plus facilement les efforts. Ça avait été plus difficile la saison passée, mais je me suis accroché…

Votre carrière au Stade Rennais en Ligue 1 Uber Eats et en Coupe d’Europe, ou encore vos titres européens avec les U19 et en Coupe de France (2019) vous ont-t-il mis une pression particulière en arrivant dans un club de Ligue 2 BKT ?
Lorsque tu arrives d’un club de l’élite, l’attente est forte et les gens se disent que tu vas tout de suite apporter ton leadership. Car on attend beaucoup d’un joueur qui vient de Ligue 1 Uber Eats. C’est un rang à tenir. Il faut montrer l’exemple tout le temps, être irréprochable. Quand on arrive en Ligue 2 BKT, il faut aussi pouvoir constater une différence avec un autre joueur qui n’a pas connu le haut niveau.

Les premiers matchs de la saison sont très encourageants, puisque l'Amiens SC pointe à la 2e place avec le même nombre de points que le leader Caen (12). Comment voyez-vous la suite de la saison pour l’Amiens SC ?
La Ligue 2 BKT est devenue très compétitive. Cette saison, les candidats à la montée sont très nombreux entre Bordeaux, Saint-Etienne, Caen, Auxerre, Troyes…Ça serait présomptueux pour nous de parler d’objectif de montée pour le moment. Mais on a un nouveau coach qui nous fait beaucoup travailler. Il est très ambitieux et sait ce qu’il attend de son équipe. Il a des attentes élevées. Omar Daf nous dit souvent qu’il faut s’entraîner comme on joue. Cette exigence est un point très positif pour progresser. On espère performer le plus longtemps possible. L’équipe tient bien la route avec le renfort d’un Séb (Corchia), avec Gaël Kakuta et moi qui retrouvons la forme physiquement, ou encore la prolongation d’Antoine (Leautey). Et avec Andy Carroll en plus, cela rajoute de l’expérience.

« Omar Daf nous rend plus compétiteurs »

Outre ce dernier renfort, l’Amiens SC cible pour son recrutement des joueurs de « haut niveau » - comme l’a dit David Guion (Bordeaux) avant de vous affronter il y a dix jours - entre Gaël Kakuta, Sébastien Corchia ou encore vous…
Oui, nous avons des joueurs de qualité. Et je m’entends bien avec Gaël. C’est un magicien ! C’est un régal de jouer avec lui. Sébastien Corchia a connu de très grands clubs, il est aussi international…Tu sais qu’avec lui le ballon va toujours lui coller aux pieds. Il y a un noyau soudé des anciens avec eux, Régis, Antoine, Louis, moi, mais aussi Alexis Sauvage ; le 2e gardien qui vient d’arriver et qui va apporter énormément au groupe. Nous sommes très proches et nous échangeons bien. Pour réussir à durer dans le temps, rester soudés sera déterminant.

A l’intersaison l’Amiens SC a changé de coach et Omar Daf a pris la tête de l’équipe. Comment cela se passe-t-il avec lui ?
Omar est arrivé très sereinement. Il analyse tout avec son staff. C’est un coach qui convient bien à ce groupe, car il y a malgré tout beaucoup de jeunes. Ils ont besoin de ce type d’entraîneur qui corrige et remet dans le rang immédiatement. Il ne laisse rien passer aussi bien à eux qu’aux plus anciens. C’est important, car nous les plus expérimentés sommes des moteurs pour le groupe. C’est un peu dans l’esprit d’un centre formation, comme un coach qui te fait passer des U19 à la CFA.

En quoi cela est-il différent de la saison passée ?
Je dirais que nous avons franchi un palier sur l’intensité mise à l’entraînement. Cela nous aide pendant les matchs. Omar Daf insiste sur le fait de ne pas lever le pied en s’entraînant seulement à 80% une ou deux fois dans la semaine. Il n’aime pas ça et il a raison. C’est la réalité du foot. En match, il faut être prêt à enchaîner les courses, à défendre, à attaquer…Pour cela, l’intensité de la semaine est capitale. C’est un football énergivore, mais qui est aussi très dangereux pour l’adversaire ! C’est un coach qui met vraiment l’accent sur le travail physique. Et nous en avions besoin, car lorsque l’on regarde la saison dernière, nous avons démarré sur les chapeaux de roue (2e à égalité avec le leader à la J11), les ambitions arrivaient…et puis il y a eu la coupure de la Coupe du Monde, nous avons fait une nouvelle préparation et à partir de là, on était tous KO à la 60e minute des matchs avec les mains sur les genoux. J’espère que ce travail nous permettra d’être plus endurants jusqu’à la fin de la saison.

« Une fois sur le terrain, Ousmane Dembélé se transformait »

On retrouve dans vos mots une des qualités que vous accordaient Christian Gourcuff lorsque vous étiez sous ses ordres à 20 ans au Stade Rennais, à savoir « la rigueur dans le travail ».
Ce vrai que je suis quelqu’un de rigoureux. Je passe beaucoup de temps à l’entraînement ou aux soins. Je n’aime pas l’inconnu. J’ai besoin d’avoir mon cadre de travail précis. Au Stade Rennais, tout était clair. Et j’ai appris à travailler chaque semaine davantage pour obtenir de meilleurs résultats. Le coach est bien dans cet esprit, pour nous faire devenir plus compétiteurs. Cela se ressent même dans le moindre petit jeu à l’entraînement, qui devient une compétition. S’il y avait déjà de l’intensité la saison passée, on a encore franchi un cap. Le coach nous y pousse quotidiennement. J’espère que ça va durer et que tout le monde va y adhérer.

Vos dix années rennaises au centre puis avec les équipes de jeunes et ensuite les pros vous ont forcément beaucoup marquées…
Je dois énormément au Stade Rennais ! C’était une chance d’avoir pu être formé dans un tel club. Même si je m’en suis rendu compte un peu tard… Rien n’était laissé au hasard. Quand tu arrives au Stade Rennais, tu es impressionné. C’est une grande famille dans laquelle il y a une personne pour chaque poste. Je me souviens lors de notre campagne européenne en Ligue Europa où le président Létang avait affrété un avion pour permettre aux salariés de venir nous soutenir. Ce sont des valeurs que je retrouve à l’Amiens SC.

Continuez-vous à suivre le Stade Rennais ?
Je reste un supporter du club. Je suis toujours en lien avec des joueurs, comme par exemple Benjamin Bourigeaud. Il y a tellement de joyaux dans ce club et de nouveaux joueurs vont encore se révéler. Cette saison, c’est incroyable d’avoir un Matic ! Même si je me dis que j’ai été formé avec Ousmane Dembélé, en étant en chambre avec lui et qu’aujourd’hui il est au PSG après avoir joué au Barça…qu’il y a aussi eu Raphinha…un autre joueur du Barça. Donc ce n’est pas nouveau pour le Stade Rennais d’avoir de supers joueurs. Mais ça va continuer, car il y a beaucoup d’ambition.

Comment était Ousmane Dembélé à votre époque au centre de formation ?
Ousmane c’est le même qu’à l’époque où on partageait la même chambre ! Il n’a pas changé. Je n’ai pas vu meilleur joueur que lui. C’est un joueur extraordinaire ! On voyait déjà à l’époque qu’il était au-dessus. Il était très timide et réservé. Mais une fois sur le terrain, c’était quelqu’un d’autres, il se transformait et se jouait de tout le monde ! Il a ajouté de la maturité, mais il pratique le même football. C’est un mec avec de la folie ! Il est hors-norme techniquement. Peu de joueurs reproduisent ce qu’il fait sur un terrain. Je n’ai aucun doute en sa capacité à réussir au PSG.

« Même moi j’ai du mal à savoir quel est mon meilleur poste »

Nous évoquions Christian Gourcuff, mais vous avez aussi été au contact de nombreux autres entraîneurs de référence du football français. Pouvez-vous évoquer leurs apports ?
J’ai en effet connu une époque où le Stade Rennais a changé plusieurs fois de coachs. J’ai par exemple fait un entraînement en milieu de saison avec Frédéric Antonetti…J’étais très jeune (16/17 ans). J’y étais car il devait manquer un joueur. Après il y a eu, Montanier, Courbis, Gourcuff, Stéphan et puis Genesio. Et au centre de formation, j’ai eu Stéphan, Haise et Le Bris… Avoir de tels noms qui ont des qualités de management incroyables ne peut que te pousser à devenir performant. J’ai appris dans le 4-4-2 de Christian Gourcuff, qui était très pointilleux sur la tactique ou encore avec Julien Stéphan dans une approche plus moderne du foot et très humaine. Sabri Lamouchi attendait lui beaucoup des jeunes. Il ne craignait pas de les lancer. Il disait : « bon courage et montre-nous ! Et si tu es bon, tu joueras. »

Au SRFC, parmi tous les joueurs fréquentés, quels sont ceux qui vous ont influencé ?
Les coachs m’ont construit, mais les joueurs côtoyés m’ont presque davantage construit. Benjamin André m’a marqué. Quand vous le voyez comme ça, il ne paye pas de mine, il n’a pas un physique impressionnant, en revanche il gagne tous ses duels, il est toujours bien placé, ne perd pas un ballon ! C’est le vrai n°6. J’admirais ce qu’il faisait, car c’était toujours le geste juste. Il m’a beaucoup guidé. Il m’encourageait par exemple à casser les lignes avec des passes claquées.

Avec l’Amiens SC, vous êtes justement depuis un an fixé au milieu. Ce poste a-t-il votre préférence ?
Au départ, Amiens cherchait un n°6, donc je répondais à un besoin du club, comme je peux aussi bien évoluer aux deux postes. Même moi j’ai du mal à savoir quel est mon meilleur poste. Je peux jouer axe dans une défense à trois comme un six reculé, et j’aime aussi évoluer au milieu avec une équipe qui a la possession et défend en avançant, comme nous le faisons cette saison. Pour le moment je suis à ce poste de six, mais je peux très bien redescendre en défense centrale comme je l’ai fait au Royal Antwerp.

Est-ce un avantage ou un défaut d’avoir cette polyvalence ?
Un peu les deux. C’est un avantage qui peut parfois se retourner contre toi. Pendant le mercato c’est plutôt bien, car on peut correspondre à la fois à des clubs cherchant un défenseur ou un milieu. Pour le coach aussi c’est tout bénéfice. Mais passer de l’un à l’autre peut se révéler compliqué, car si par exemple tu es amené à passer de défenseur à milieu pour pallier une absence et que pendant ce temps ton remplaçant derrière est performant à ta place…comment ça se passe après ? Et tu ne joues pas de la même façon derrière qu’au milieu. Je ne suis pas rapide, donc quand je suis derrière je suis dans l’anticipation, la lecture du jeu ou encore la relance ou les couvertures…Tout ce qui ne demande pas de la vitesse. Je connais mes lacunes, alors je travaille mon explosivité sur les premiers mètres. Pour la vitesse, les fibres musculaires sont déterminantes, mais en travaillant il est toujours possible de grappiller quelques pourcentages… Au milieu, il faut par contre plus d’endurance. Heureusement, ça j’ai la chance d’en avoir !