Amine El Ouazzani (EA Guingamp).
Interview

Amine El Ouazzani : « Je peux faire beaucoup mieux »

Amine El Ouazzani : « Je peux faire beaucoup mieux »

Interview
Publié le 29/11 à 10:04 - NM

Partager

Après six premiers mois prometteurs la saison passée, Amine El Ouazzani confirme et enchaîne les bonnes performances avec l’EA Guingamp. Son adaptation express à la Ligue 2 BKT, ses axes de progression, ses siestes, Karim Benzema, ses objectifs… L’attaquant de 22 ans au discours posé et réfléchi se confie.

Il y a un peu plus d’un an, le 11 novembre 2022, vous disputiez votre dernier match avec Bourg-en-Bresse, en National. Quel regard portez-vous sur votre ascension depuis votre arrivée à l’EA Guingamp ?
Je dois avouer que tout a été assez rapide. Les six premiers mois, même s’il y a des facteurs qu’on ne contrôle pas comme l’adaptation à l’effectif ou au championnat, je suis arrivé avec l’intention de m’imposer assez rapidement. Finalement, j’ai directement été mis dans les meilleures conditions par mes coéquipiers et par le coach, qui m’a tout de suite fait confiance. Et j’ai su saisir ma chance ! Aujourd’hui, quand je regarde derrière moi, je me dis qu’un an après, je suis à 13 buts et 5 passes décisives en Ligue 2 BKT. C’est très positif et je suis très heureux.

Vous confirmez depuis le début de saison les qualités que vous aviez montrées lors de vos six premiers mois. Vous surprenez-vous ?
Sincèrement, non ! Je savais que j’étais capable de réaliser ce genre de performances. Maintenant, là où on peut l’être, c’est par la rapidité avec laquelle je me suis imposé. Dans le sens où tout est allé vraiment vite alors que j’aurais pu avoir besoin de temps. Après, quand je regarde mon début de saison, il y a de très bonnes choses sur l’aspect statistique mais dans le contenu, je sais que je peux faire beaucoup, beaucoup mieux. Je ne me surprends pas : je sais que je peux faire beaucoup mieux !

Dans quels domaines précisément ?
Dans le contenu de mes matchs de manière générale. Je veux devenir un peu plus un leader technique pour l’équipe. J’ai les qualités pour pouvoir assumer ce rôle. C’est-à-dire de savoir garder le ballon dans les 30 derniers mètres, d’être propre techniquement quand on me sert… Toutes les choses qui font que ton équipe peut s’appuyer sur toi. C’est pour cela que je dois continuer de travailler mon jeu dos au but et mon jeu de tête. J’aimerais devenir un joueur complet. Je ne veux pas me restreindre à rester devant le but, attendre la balle et tirer. Même si c’est déjà très dur à faire, je n’ai pas envie de me limiter à ça.

« J’ai toujours en tête la rigueur, le travail et l’humilité »

Vous êtes beaucoup plus prolifique en Ligue 2 BKT que lorsque vous évoluiez dans les échelons inférieurs. Comment l’expliquez-vous ?
Déjà, il y a eu du travail. J’ai beaucoup travaillé devant le but, que ce soit mes déplacements, mon orientation ou ma finition… Ensuite, en National, c’est un championnat un peu plus dur athlétiquement, donc c’est plus difficile de se procurer des occasions. Du moins, c’était le cas pour moi avec Bourg-en-Bresse. Après, à Guingamp, j’ai des coéquipiers qui me mettent dans de très bonnes conditions. C’est ce qui me permet de me procurer des occasions à chaque match. Donc, c’est surtout ce travail spécifique devant le but que j’ai amélioré pour pouvoir être décisif.

Qu’avez-vous mis en place ?
J’ai toujours en tête la rigueur, le travail et l’humilité. Vraiment, la rigueur et le travail, c’est ce que je m’impose chaque jour. Cette année, j’ai ancré dans ma routine du travail supplémentaire en salle ou en fin de séance devant le but. C’est ce qui me permet d’avoir encore plus de repères et d’être plus efficace. Il n’y a pas de secret, c’est le travail devant le but qui fait que le week-end tu arrives à être froid et à réussir à marquer. Il faut répéter ses gammes !

Vous vous êtes récemment illustré sur coup franc face à l’AJ Auxerre (lors de la 13e journée). Est-ce une phase de jeu que vous travaillez également ?
Sincèrement, non. Pour l’instant, j’ai beaucoup travaillé les pénaltys à l’entraînement à la suite de mon raté face à Bordeaux (lors de la 8e journée), mais les coups francs, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de le faire. Plus jeune, je les tirais, mais sur ce coup, c’était à l’instinct. Je le sentais bien et avec de la conviction et de la réussite, j’ai réussi à le mettre au fond. Mais c’est un exercice sur lequel je vais me pencher ! Ça m’a prouvé que ça pouvait nous faire gagner des matchs. En l’absence de Mehdi Merghem, notre tireur numéro 1, c’est une responsabilité que je peux assumer. C’est pour cela que je dois travailler en ce sens.

Vous avez évoqué la confiance de Stéphane Dumont à votre égard depuis votre arrivée. Que vous demande-t-il au quotidien ?
Il veut que je conserve ma spontanéité et ma fraîcheur. Il veut également que je sois dans la recherche de la profondeur, un aspect très important pour lui. C’est une qualité que j’ai et il veut que je m’appuie dessus. Après, pour rejoindre ce que je disais un peu plus tôt - car j’en parle régulièrement avec lui -, statistiquement, il partage le fait que c’est très bien mais dans le contenu, il sait que je peux faire encore mieux. Et il m’attend à ce niveau-là !

« Gaëtan Courtet me surprend »

Cette saison, il vous fait évoluer un peu plus comme deuxième attaquant. Comment vous sentez-vous dans ce rôle ?
C’est mon poste préférentiel ! Être ce deuxième attaquant un peu libre autour d’un numéro 9 qui est en point de fixation, c’est ce qui me convient le plus. Après, le coach apprécie aussi me faire jouer sur le côté face à certaines équipes car je peux apporter de la profondeur. Je peux jouer à deux-trois postes et c’est une force. Ça me permet d’élargir ma palette et je pense que c’est une bonne chose pour le futur.

Pour rester sur ce rôle de deuxième attaquant, pouvez-vous nous parler de votre relation avec Baptiste Guillaume et Gaëtan Courtet ?
On s’entend très bien en dehors et sur le terrain. Avec Baptiste, comme on est souvent alignés ensemble, on a une bonne complémentarité. Par son profil, il me facilite pas mal de choses. C’est un point d’appui très intéressant pour moi puisqu’il attire les joueurs autour de lui, avec son gabarit et sa puissance, et me permet d’être plus libre. Quand je suis amené à jouer avec Gaëtan, on s’entend aussi très bien. Ce que je tire de chez lui, c’est sa mentalité. Avec lui, le terme professionnel prend tout son sens. Il est exemplaire, il travaille chaque jour à l’entraînement et, devant le but, il est impressionnant. Il maîtrise toutes les surfaces de son corps. Il arrive à mettre des buts dans toutes les positions, dans toutes les situations, des deux pieds… Il me surprend ! J’essaie de m’inspirer des deux le plus possible. On échange beaucoup, ils ont une grosse expérience et ils m’apportent beaucoup sur ce point.

Pour en venir à votre parcours, comment s’est construit votre début de carrière ?
J’ai commencé le foot à 6 ans dans un petit club à côté de chez moi, l’AC Seyssinet. Ensuite, à mes 8 ans, j’ai signé au Grenoble Foot 38 qui était à l’époque en Ligue 1. J’ai fait toutes mes classes là-bas et arrivé en U19, j’ai eu une discussion avec les dirigeants sur mon avenir et je n’ai pas senti une grande confiance à mon égard. Dans le même temps, j’ai eu un coup de fil de Bourg-en-Bresse, qui était en National, et j’ai décidé d’y aller. J’ai commencé avec les U19 Nationaux, puis je suis monté en équipe réserve jusqu’à atteindre l’équipe première en National.

« Je voulais signer pro à Grenoble »

Après quasiment dix ans sous les couleurs du Grenoble Foot 38, vous deviez être un peu déçu de ne pas passer le cap là-bas…
Totalement… J’y ai toutes mes attaches et réussir dans la ville où j’ai grandi, c’était mon rêve. Je voulais signer pro là-bas mais il y a des moments dans la vie où il faut prendre des décisions… Quand tu sens que le club n’est plus fait pour toi, il faut aller voir ailleurs, et c’est ce que j’ai fait. Je ne regrette pas car c’est ce qui m’a permis d’être l’homme et le joueur que je suis aujourd’hui. Je pense que c’est la meilleure décision que j’ai pu prendre dans mon début de carrière.

Qu’est-ce qui vous avait motivé à rejoindre Bourg-en-Bresse ?
La confiance que j’ai en moi, en mes qualités et en mes capacités. Je savais qu’avec mes qualités, j’allais pouvoir m’imposer là-bas. J’avais la volonté de rejoindre un club qui allait me donner ma chance. Entre guillemets, je suis reparti de zéro en allant là-bas mais ma volonté, c’était d’intégrer rapidement l’équipe première. Je savais que j’allais avoir davantage l’opportunité de m’exprimer contrairement à Grenoble. Ma priorité a toujours été de jouer. J’ai toujours été prêt à descendre d’un cran pour jouer car ensuite, tu remontes si tu fais les choses bien. Derrière, l’histoire prouve que j’ai bien fait !

Durant votre passage là-bas, des blessures vous ont poussé à vous pencher sur la préparation invisible. Pouvez-vous nous en parler ?
Lors de la saison 2021/22, j’ai connu deux blessures qui m’ont écarté des terrains pendant six mois. Je me suis posé des questions et j’ai essayé de comprendre pourquoi. Parfois, il n’y a pas de raison, mais là, je pense que je n’avais pas tout mis en place pour les éviter. Et ça a été un déclic. Derrière, j’ai commencé à travailler avec une nutritionniste, j’ai fait de la préparation mentale… J’ai essayé de mettre en place ce travail invisible dont tout le monde parle mais dont personne ne se rend compte à quel point c’est important.

« Je m'impose des siestes tous les jours »

Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Ça m’a permis d’apprendre à connaître mon corps plus précisément, de savoir ce qui est bon à manger ou non… Ce sont des détails mais au haut niveau, ce sont les détails qui font la différence. Ça m’a beaucoup aidé. Par la suite, j’ai aussi commencé à davantage travailler en salle et à être encore plus assidu sur le sommeil. Par exemple, aujourd’hui, je m’impose des siestes tous les jours. Tout ça fait que tu mets toutes les chances de ton côté pour ne pas te blesser. Certes, tu n’es jamais à l’abri, mais, au moins, tu n’as pas de regrets si ça arrive.

Vous avez donc accentué ce travail invisible depuis votre arrivée en Ligue 2 BKT ?
Oui ! Dans la nutrition, je suis encore plus exigeant avec moi-même. Je sais ce que je vais manger à l’avance. Je fais aussi attention à ma consommation d’eau, j’en consomme beaucoup plus qu’avant. Concernant le sommeil, j’essaie de ne pas faire d’écart ou le moins possible. C’est-à-dire que je fais attention à dormir à la même heure. Au niveau du travail en salle, j’ai des routines avant les séances et après… C’est tout ça qui fait que tu arrives à t’exprimer de la meilleure des manières. D’autant plus qu’aujourd’hui, j’enchaîne les matchs en club et en sélection, donc je me dois de prendre soin de mon corps.

Est-ce qu’un joueur vous a inspiré dans ce domaine ?
Pas spécialement. Après, de manière plus générale, Karim Benzema est le joueur dont je m’inspire le plus. Sa façon de jouer, de se déplacer, c’est tout ce que j’aime chez un numéro 9. Et c’est ce que j’essaie de faire à mon échelle. Je m’inspire de ce qu’il apporte à son équipe, et si j’arrive à le faire, ça fera de moi un meilleur joueur.

« Je ne me fixe pas de limite »

Vous regardez des vidéos de lui ?
Je regarde beaucoup de ses matchs. Je regarde aussi Erling Haaland. Il a ce côté puissant et un pied gauche dont je peux m’inspirer. Les déplacements d’Harry Kane et son intelligence de jeu, Robert Lewandowski… Je regarde tous les attaquants. Même si ce ne sont pas les mêmes profils que moi, je pioche un peu partout. Je regarde beaucoup de matchs, je n’en loupe pas un (rires). Je sais que ce n’est pas le cas de tous les joueurs mais dès qu’il y a un match le soir, je suis devant !

Vous avez presque atteint votre total de buts de la saison dernière (7 contre 6 aujourd’hui). Quels sont vos objectifs pour la suite de la saison ?
Mon premier objectif, c’est justement d’atteindre mon total de buts de l’année dernière. J’y suis presque ! Après, j’avais mis 7 buts et 2 passes décisives et là je suis à 6 buts et 3 passes décisives, donc, comme j’ai déjà été décisif autant de fois, je pourrais dire que je l’ai atteint. Ensuite ? Sincèrement, je ne me fixe pas de limite. Chaque année, je me dis que je dois faire mieux que la saison précédente, et c’est ce que je suis en train de faire. Là où je m’attends vraiment, j’insiste, c’est dans le contenu. Je suis persuadé que si dans le contenu, je réponds présent, les buts et les stats viendront naturellement. Si j’ai l’occasion d’un peu plus porter mon équipe, c’est vraiment quelque chose que j’aimerais faire. Aujourd’hui, j’arrive, entre guillemets, à la porter par mes stats, mais si j’arrive à le faire par le jeu, je prendrais encore plus de plaisir, même si j’en prends déjà énormément.

Comment voyez-vous la suite de votre carrière ?
Le foot, c’est très aléatoire. Aujourd’hui, on parle de moi, mais il se peut que dans deux mois, ce ne soit plus le cas. Donc, à court terme, j'ai envie de continuer à enchaîner les matchs, d’engranger de l’expérience et de rester en bonne santé physique. Et à moyen terme, c’est de m’imposer, de prouver que j’ai les qualités, que je les ai montrées en Ligue 2 BKT, et d’aller voir l’étage du dessus le plus rapidement possible. Comme je l’ai dit, je ne me fixe vraiment pas de limite.

« Les A du Maroc ? C'est dans un coin de ma tête »

C’est votre parcours qui fait que vous ne vous enflammez pas ?
Je pense ! Ce sont aussi mes proches. Je sais d’où je viens et j’ai beaucoup d’exemples autour de moi qui prouvent que le foot va très vite dans les deux sens. Donc, j’essaie vraiment de garder l’humilité, la rigueur et le travail pour avancer. Je pense que c’est ce qui me permettra de faire de belles choses dans le foot.

Vous êtes international U23 avec le Maroc. Est-ce qu’être appelé avec les A fait aussi partie de vos prochains objectifs ?
Totalement, c’est dans un coin de ma tête ! A court terme, c’est de préparer les JO qui auront lieu l’été prochain et également de m’approcher de l’équipe première. Aujourd’hui, l’équipe A du Maroc, c’est la demi-finaliste de la dernière Coupe du monde, les places sont chères et je sais qu’il faut que je sois très performant dans mon club pour avoir une chance d’y accéder. Mais je sais que je ne suis pas forcément très loin. Il me manque des détails à peaufiner, ils sont importants, et c’est ce qui me permettra de passer cette étape-là.

Vous êtes plusieurs joueurs de Ligue 2 BKT à jouer dans ce groupe U23. Parlez-vous du championnat quand vous vous retrouvez ?
Oui ! Il y a Aïmen Moueffek, Benjamin Bouchouari, Mathys Tourraine… On échange beaucoup et on aime bien se taquiner par rapport au fait de jouer les uns contre les autres. Par exemple, avec Aïmen, lors du dernier rassemblement, on s’est donnés rendez-vous le 5 décembre (ASSE-Guingamp) en disant : « Ça va chauffer ! ». On se chambre, c’est toujours agréable. Puis, en championnat, on se voit avant le match et après, ça fait toujours plaisir de se voir entre deux rassemblements.

La fiche de Amine El Ouazzani