Interview

Abdoulaye Ndiaye : « Pas besoin d’être capitaine pour être un leader »

Abdoulaye Ndiaye : « Pas besoin d’être capitaine pour être un leader »

Interview
Publié le 10/01 à 17:50 - Arnaud Di Stasio

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Néo-international sénégalais, Abdoulaye Ndiaye s’apprête à disputer sa première CAN. Le jeune défenseur de l’ESTAC Troyes (21 ans) revient sur ses débuts, l’OL, le brassard ou encore sa relation avec Sadio Mané et Kalidou Koulibaly. Entretien tout en fraîcheur.

Peux-tu nous raconter tes premiers pas dans le foot ?
J’ai commencé par la base, je jouais dans la rue, au quartier. Avec mes potes, on faisait des tournois inter-quartiers pendant les vacances. C’était magnifique. Les grands ont commencé à me dire que j’étais fort, qu’il fallait que j’entre dans un cadre et, du coup, j’ai intégré une école de football. C’est là-bas que j’ai commencé à pratiquer sérieusement ma passion.

Tu jouais déjà défenseur central ?
Oui, j’ai commencé à ce poste mais je jouais également au milieu ou même gardien avec mes amis d’enfance parfois (sourire). Je n’avais pas de poste fixe mais quand ça a commencé à devenir sérieux, j’ai choisi de jouer défenseur central même si on me faisait parfois jouer arrière gauche.

C’est à l’AS Dakar Sacré-Cœur que tu t’es révélé. Comment est-ce que tu t’es retrouvé là-bas ?
Des superviseurs venaient souvent voir ces matchs de quartiers. Petit, avec mes amis, on n’avait pas de club mais je me suis fait repérer lors d’un de ces matchs. Je suis parti faire des tests à Dakar Sacré-Cœur et ça m’a réussi ! Un peu plus tard, j’ai fini par faire mes débuts en Ligue 1 sénégalaise à l’âge de 16 ans. C’était un peu compliqué car je découvrais ce niveau mais les anciens et le staff m’ont aidé à m’intégrer. L’entraîneur Bruno Rohart n’a pas eu peur de me mettre sur le terrain et il m’a transmis beaucoup de confiance.

A quoi ressemble le championnat sénégalais ?
Ça va d’un but à l’autre et il y a beaucoup de duels. C’est un championnat dur, d’un bon niveau. La preuve, c’est que beaucoup de joueurs qui débutent là-bas partent ensuite en Europe et s’y imposent. C’est un championnat qui progresse, avec de bonnes équipes et de bons joueurs. Il faut continuer à le valoriser, à lui donner davantage de visibilité. Une autre chose qui montre le niveau du championnat, c’est la victoire du Sénégal lors du CHAN début 2023 (le Championnat d’Afrique des nations oppose des sélections composées uniquement de joueurs évoluant dans leur pays).

« Bradley Barcola est trop fort »

Après quelques années là-bas, tu rejoins l’Olympique Lyonnais en octobre 2020, passant de titulaire en D1 sénégalaise à la réserve de l’OL en N2. Comment l’as-tu vécu ?
Ce n’était pas facile au début car je suis arrivé à Lyon en période de covid et j’étais en retard par rapport aux autres parce qu’ils avaient démarré la préparation en juillet. L’équipe N2 avait déjà joué 9 matchs de championnat quand je suis arrivé donc il fallait que je m’adapte vite et que je me mette à niveau. Il y avait notamment des différences sur le plan tactique avec ce que j’avais connu au Sénégal. Mais j’ai réussi à me débrouiller, grâce aux bons coachs qu’il y avait à l’OL, notamment Gueida Fofana, qui a été précieux pour moi. Il m’a beaucoup aidé sur mon placement et sur la tactique. Il fallait que je sois plus agressif et que je sache quand coulisser. C’était mon principal problème au début. Mais la N2 m’a permis de compléter ma formation. J’étais en formation à Dakar Sacré-Cœur puis j’étais en formation à l’OL et c’est ce qui a fait l’homme que je suis aujourd’hui.

Et comment s’est déroulée ton adaptation à Lyon ?
Au début, je vivais au centre de formation. Comme je suis arrivé en octobre, j’ai découvert le froid alors qu’au Sénégal, il fait tout le temps chaud. A Lyon, j’ai découvert la neige. J’étais un peu fatigué mais tout est une question de mentalité et ça s’est bien passé. J’ai aussi pris beaucoup de cours de français car, quand je suis arrivé, je comprenais mais je n’étais pas capable de bien m’exprimer. Ces cours étaient très importants pour moi car je voulais pouvoir communiquer avec les autres au plus vite. Je discutais aussi beaucoup avec Philippe Boueye et Habib Keïta (aujourd’hui à Clermont).

A l’OL, tu as joué avec Castello Lukeba, Bradley Barcola, Malo Gusto, Rayan Cherki…
Castello est un bon joueur, qui peut aller beaucoup plus loin et je lui souhaite. C’est un défenseur avec beaucoup de qualités : il est à l’aise techniquement, il est costaud défensivement, il gagne presque tous ses duels… Bradley Barcola, j’aime beaucoup son calme. Il ne parle pas beaucoup, il est respectueux… Il est très bon techniquement. Il sera bientôt connu de l’ensemble du monde du foot car il est trop fort. Lui aussi, il est costaud. C’est un mec bien, comme les autres que tu as cités, et j’ai partagé de bons moments avec eux. Malo Gusto ? Sur son couloir, il va vite, laisse tomber ! C’est mérité de le voir là où il est aujourd’hui. Je n’ai pas beaucoup joué avec Rayan en réserve mais c’est très fort techniquement. Il faut qu’il continue comme ça et qu’il fasse une belle carrière.

« J’ai beaucoup appris avec Marcelo »

Avec la réserve de l’OL, tu as aussi disputé quelques matchs avec quelqu’un de plus expérimenté, le Brésilien Marcelo…
J’ai une anecdote à son sujet ! En 2019, j’avais été invité à venir faire un stage de deux semaines à Lyon. Je m’entraînais avec la réserve et le week-end, l’équipe première avait joué contre Monaco. Le lendemain du match, j’ai participé à une opposition avec les pros qui n’avaient pas joué la veille. J’étais en défense centrale avec Mapou Yanga-Mbiwa et, à la fin du match, Marcelo est venu me parler. Il ne savait pas que j’étais en train de faire un essai, il croyait que j’étais un joueur de la réserve. Et il m’a dit : « Continue comme ça, je suis sûr que tu vas bientôt nous rejoindre en équipe pro ». Ces paroles m’ont beaucoup marqué car ça voulait dire qu’il voyait quelque chose en moi. Et deux ans plus tard, on jouait ensemble en réserve ! J’ai beaucoup appris avec lui. A la fin des entraînements, il restait avec moi pour me faire travailler le jeu long, le placement… C’est une personne formidable et je le remercie pour tout ce qu’il a fait pour moi.

La saison dernière, tu étais prêté au SC Bastia. Passer des matchs avec la N2 de l’OL à l’ambiance de Furiani, ça a dû te faire un choc !
Ah, c’est sûr que ce n’est pas pareil ! Bastia et la Corse, c’est quelque chose. J’ai beaucoup aimé la ville et je n’ai que des bons souvenirs de ma saison là-bas. C’était une expérience formidable, de laquelle je ne retiens que du positif. J’ai acquis beaucoup d’expérience à Bastia.

A la fin de cette saison, tu es rentré à l’OL avant d’être transféré à l’ESTAC. Ça te laisse quelques regrets d’être parti de l’OL sans avoir pu jouer l’équipe première ?
Un peu… Notamment parce qu’aucun joueur de l’AS Dakar Sacré-Cœur n’a réussi à évoluer avec l’équipe première de l’Olympique Lyonnais depuis qu’il y a un partenariat entre les deux clubs et je voulais être le premier. Il ne m’a pas manqué grand-chose pour jouer avec l’OL parce qu’à la fin de ma première saison, Rudi Garcia m’a dit que j’avais des qualités et du potentiel. Il m’a pris dans le groupe plusieurs fois et avant la demi-finale de Coupe de France contre Monaco, il m’a dit qu’il me ferait sûrement entrer en jeu mais je me suis malheureusement blessé au genou avant le match… Avec le coach suivant, tout était différent.

« Je suis capitaine de moi-même »

Comment as-tu choisi l’ESTAC ?
Beaucoup de clubs étaient sur moi mais l’ESTAC a fait preuve d’une grande détermination. Le club m’a présenté un projet sportif et un projet financier, ce qui a aussi son importance. Après ma saison avec Bastia, je me suis dit que c’était une bonne idée de refaire une saison en Ligue 2 BKT pour continuer à prendre de l’expérience et progresser en vue de la suite.

A Troyes, tu joues avec d’autres jeunes joueurs en défense, comme Thierno Baldé (gravement blessé depuis fin octobre), Ismaël Boura ou Tanguy Zoukrou. Est-ce un défi supplémentaire ?
Oui, quand tu alignes une défense très jeune, il y a un manque d’expérience automatiquement. Mais j’essaie d’apporter l’expérience que j’ai acquise lors de ma saison avec Bastia. Ce n’est pas toujours suffisant car on reste jeunes mais on se respecte et quand je leur parle, ils m’écoutent. Mais je n’aime pas trop commander, toujours leur dire ce qu’ils doivent faire, car ça peut vite devenir vite chiant pour eux. Mais s’il y a un conseil à donner, un reproche à faire sur le moment, je parle. Il faut juste faire attention car si on te parle tout le temps, même si tu es jeune, ça devient frustrant.

En octobre et en novembre, tu as porté le brassard de capitaine lors de cinq matchs quand Xavier Chavalerin était blessé. Une surprise pour toi alors que tu n’as que 21 ans et qu’il s’agit de ta première saison à l’ESTAC ?
Franchement, je ne m’y attendais pas. Après, je n’ai pas besoin d’être capitaine pour être un leader. Capitaine et leader, ce sont deux choses différentes. Xavier est notre capitaine et moi, je peux être un leader. Je ne pense pas au brassard, je ne fais pas attention à ça. Je suis capitaine de moi-même. Je joue en défense centrale, un poste auquel je pense que je dégage de la sérénité, où il y a des responsabilités et où il faut avoir du caractère.

« Kalidou Koulibaly me voit comme un futur patron »

Depuis l’été dernier, tu as été appelé par le sélectionneur sénégalais Aliou Cissé lors des trois trêves internationales et tu t’apprêtes à disputer la CAN…
C’est un rêve de gamin ! Petit, je regardais l’équipe nationale jouer, avec mon maillot devant la TV. Je regardais jouer les Sadio Mané, Kalidou Koulibaly… Et aujourd’hui, je suis avec eux sur le terrain… Quand ça t’arrive, tu peux être fier de toi !

C’est comment de défendre sur Sadio Mané ?
Pas facile (rires) ! Il va vite et techniquement, il est trop à l’aise ! Sadio, comme Iliman Ndiaye, ils te fixent et tu ne sais pas s’ils vont aller à gauche ou à droite car ils ont les deux pieds. Il y a aussi Ismaïla Sarr qui va vite, Habib Diallo qui est costaud et technique… Ce n’est pas facile de défendre sur eux !

Comment sont les cadres du vestiaire de l’équipe du Sénégal avec toi ?
Trop gentils ! A commencer par Kalidou Koulibaly, « Kouly », le capitaine. Dans une interview, il a dit qu’il me voyait comme un futur patron de l’équipe nationale. Ça m’a fait beaucoup de bien d’entendre ça. En sélection, il me donne beaucoup de conseils. Il me dit qu’il faut que je continuer à travailler, à progresser et qu’il ne faut pas baisser les bras car je fais partie de la relève.