Interview

Yoann Barbet : « Une fois capitaine des Girondins, on a envie de le rester »

Yoann Barbet : « Une fois capitaine des Girondins, on a envie de le rester »

Interview
Publié le 23/02 à 13:27 - Arnaud Di Stasio

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Capitaine depuis son retour aux Girondins, son club formateur, Yoann Barbet évoque les différentes facettes du rôle. Entretien 100% brassard.

Depuis ton retour aux Girondins lors de l’été 2022, c’est toi le capitaine de l’équipe. Tu saurais encore jouer sans le brassard au bras ?
Je pense que oui (rires) ! J’ai quand même davantage joué sans le brassard qu’avec durant ma carrière ! Mais c’est sûr qu’une fois qu’on a le brassard de capitaine des Girondins, on a envie de le garder car ça représente quelque chose d’important.

Avant de revenir à Bordeaux, tu as joué 7 ans en D2 anglaise, à Brentford puis aux Queens Park Rangers. Quelles sont les principales différences entre le skipper à l’anglaise et le capitaine à la française ?
Ce qui est sûr, c’est que ça a été plus facile pour moi d’être capitaine à Bordeaux dans le sens où j’étais capitaine d’une équipe très jeune. Il n’y avait pas beaucoup de joueurs d’expérience même s’il y en avait forcément quelques-uns comme Vital Nsimba, Danylo Ignatenko ou Fransérgio. C’était une équipe avec beaucoup de jeunes qui venaient de se lancer. J’ai l’avantage d’être quelqu’un du cru donc c’était assez facile pour moi d’essayer de tirer tout le monde vers le haut. En Angleterre, c’était différent car je n’ai jamais été dans un groupe spécialement jeune. Le seul groupe « jeune » dans lequel j’ai été, c’était quand je suis arrivé là-bas, et j’étais moi-même jeune donc je n’avais pas du tout l’aura ou les épaules pour être capitaine. Entre l’expérience des joueurs et la langue qui n’était pas la même, c’était vraiment différent. Mais c’était une très bonne période dont je me suis servie plus tard quand je suis devenu capitaine.

Dans l’effectif des Girondins, personne ne connaît mieux le club que toi, si ce n’est peut-être Vital Nsimba. En quoi est-ce un avantage dans ta fonction de capitaine ?
Comme tout le monde le sait, avec Vital, on est d’ici, on est de Bordeaux. On est passés par le centre de formation tous les deux. Moi, j’ai fait sept ans au club avant de partir puis revenir. J’ai déjà eu une expérience au club donc je sais comment ça fonctionne ici même si l’organigramme a changé entre mon premier passage et aujourd’hui. Quand on repart sur un nouveau projet avec beaucoup de jeunes comme la saison dernière, c’est quand même plus facile de connaître le club pour s’intégrer et emmener tout le monde avec nous. On a peut-être ces 10% supplémentaires naturellement car c’est notre club alors que dans un endroit où tu n’as pas d’attaches, tu vas devoir aller chercher ces 10% supplémentaires ailleurs. Ça nous facilite les choses à Vital et moi.

Tu évoquais la jeunesse de l’effectif bordelais. Est-ce que le brassard t’oblige à certaines choses vis-à-vis des jeunes du groupe ?
Oui, je dois être derrière eux, je dois les pousser. Ils ont une chance incroyable de pouvoir jouer dans ce club. A l’époque où j’étais au centre de formation, il y avait des joueurs surclassés mais quasiment personne ne sortait chez les pros car l’équipe première jouait la Ligue des champions et il y avait beaucoup de concurrence. Là, le club est dans une situation plus compliquée, ce qui offre une chance aux jeunes. Je ne vais pas dire qu’on leur sert les choses sur un plateau parce que, s’ils sont là, c’est qu’ils ont du talent, mais ils ont quand même une chance inouïe. Ils peuvent être les héros de demain, ceux qui vont faire remonter le club. Comme je leur expliquais, tout le monde se rappelle de l’équipe qui est remontée en 1992. On a tous à y gagner. J’insiste vraiment là-dessus, je pense que les jeunes doivent se rendre compte de l’exploit qu’ils peuvent créer en faisant remonter le club en Ligue 1 Uber Eats.

Est-ce que le brassard de capitaine fait que certains coéquipiers viennent vers toi pour te parler de problèmes personnels ou de leur vie en dehors des terrains ?
C’est arrivé la saison dernière, cette saison un peu moins. Comme je l’ai expliqué à quelques jeunes, je suis le capitaine mais je suis aussi un coéquipier, un père de famille, donc j’ai plusieurs casquettes… C’est pareil pour Vital Nsimba. C’est peut-être même lui qui joue davantage ce rôle que moi. Pour moi, c’est le meilleur des vice-capitaines car on se complète. Ça peut être lourd d’avoir beaucoup de responsabilités donc c’est bien de savoir qu’il y a quelqu’un sur qui je peux compter.

Pour remonter un peu dans le temps, te souviens-tu de la première fois où tu as été nommé capitaine ?
Quand je l’ai été à Brentford (son club entre 2015 et 2019), c’était Dean Smith le coach. Il demandait aux joueurs d’élire eux-mêmes le capitaine et on tournait à tous les matchs ou tous les deux matchs. Et aux Queens Park Rangers (son club entre 2019 et 2022), j’étais vice-capitaine et, quand on a repris juste après le covid, j’ai récupéré le brassard car le capitaine était en fin de contrat et il n’avait pas voulu prendre le risque de rejouer. Lors de ma dernière saison là-bas, j’étais également vice-capitaine et je portais le brassard régulièrement car le capitaine, Stefan Johansen, était un peu plus âgé et il soufflait à certains matchs.

Pour toi, qu’est-ce qu’un bon capitaine ?
Déjà, c’est un capitaine qui montre l’exemple, sur et en dehors du terrain. Moi, je suis un capitaine toujours dans l’encouragement. Mes coéquipiers le savent : quand je crie, ce n’est jamais pour rabaisser quelqu’un, c’est pour aller chercher le meilleur chez eux, les encourager et les pousser à faire mieux. Quand quelqu’un rate quelque chose, je vais toujours l’encourager, lui dire que ce n’est pas grave et qu’il fera mieux la prochaine fois. A l’inverse, quand un joueur fait quelque chose de bien, je vais être derrière lui pour lui dire de continuer. Je fonctionne comme ça aussi. Quand on me fait des éloges, j’ai envie de faire plus. C’est la meilleure solution selon moi, vu mon expérience et la jeunesse de certains de mes coéquipiers. J’ai toujours procédé ainsi et je n’ai pas prévu de changer.

Est-ce qu’on se concentre plus facilement sur son jeu lorsqu’on n’a pas le brassard et qu’on ne doit penser qu’à sa performance ?
Oui. J’ai longtemps joué sans le brassard et c’est sûr qu’en tant que capitaine, je me concentre sur ma prestation principalement mais ça englobe d’autres choses. Pendant le match, j’analyse souvent la performance de mes coéquipiers, qui est bien, qui est moins bien, pour avoir les mots justes. Ce n’est pas que je me sens obligé de le faire mais ça fait partie de mon rôle alors que, quand on n’a pas le brassard, on sait que le capitaine est là pour ça et on se préoccupe seulement de soi-même. Avec l’expérience, on est capables de ne pas tout mélanger parce que si on met son rôle de capitaine trop en avant, en oubliant un peu sa propre performance, ça ne réussit pas toujours… Il faut faire attention.

Qu’est-ce qui te plaît le plus et le moins dans la fonction de capitaine ?
Ce qui me plaît le plus, c’est de représenter les Girondins de Bordeaux. Je n’aurais jamais cru avoir cette opportunité, encore moins quand je suis parti des Girondins. Pour moi, c’est une chance incroyable et je me dois de donner l’exemple. Je sais la chance que j’ai d’être capitaine. C’est pour ça qu’une fois qu’on est capitaine des Girondins, on a envie de le rester le plus longtemps possible. Je n’ai pas vraiment de côté négatif à ressortir… Après une défaite, c’est souvent le capitaine qu’on envoie au front pour parler aux médias mais ça fait partie des responsabilités du rôle et quand on est nommé capitaine, on ne prend pas que le positif, il faut tout prendre. Mais pour moi, sur 100%, il y a 98% de positif.

Parmi les différents capitaines que tu as pu avoir ou que tu as pu voir à la TV, as-tu des modèles ?
Ça va peut-être étonner du monde – et je ne vais pas aller jusqu’à dire que c’est mon modèle en tant que joueur – mais j’aime beaucoup l’attitude de Jordan Henderson. J’aime beaucoup sa façon de faire en tant que capitaine. A QPR, j’ai adoré Lee Wallace, qui a été mon capitaine après avoir fait une grande carrière, en Écosse notamment, avec les Glasgow Rangers. C’était quelqu’un de très positif, qui avait des connaissances sans fin sur le football. J’ai énormément appris de lui.

Qu’est-ce que tu as pioché à droite à gauche ?
Plus que de piocher, j’ai essayé de ne pas piocher des choses que j’ai vues chez certains, notamment chez les capitaines un peu plus durs, qui te criaient dessus pour une passe ratée. Personnellement, je ne vois pas l’intérêt, ça va tétaniser le joueur plus qu’autre chose, lui mettre plus de pression sur le ballon d’après. Ce sont donc des analyses négatives que je n’ai pas voulues retenir. J’essaie de ne pas faire ce que certains faisaient et que je n’ai pas aimé.

Il y a quelques années, en équipe de France de jeunes, tu as eu pour capitaine un certain Paul Pogba…
Il était comme on le voit aujourd’hui à la TV même si, forcément, c’est un peu compliqué pour lui en ce moment. Il est comme tout le monde le connaît : déconneur, toujours avec le sourire, toujours en train de sortir des blagues… Je ne l’ai revu qu’une fois mais je ne l’ai pas trouvé changé par rapport à celui que j’avais connu à 18 ans, qui avait la joie de vivre et qui tirait tout le monde vers le haut. Chapeau à lui de ne pas avoir changé.

Pour terminer, en 2014, quand les Girondins ne t’ont pas proposé de contrat pro et que tu es parti du club, est-ce que tu aurais imaginé être le capitaine du club 10 ans plus tard ?
Impossible (rires) ! Impossible car déjà, on ne pouvait pas prédire la chute du club, qui est passé de la Ligue des champions à la descente en Ligue 2 BKT. Et quand je n’ai pas été gardé, j’ai mis plusieurs semaines à avoir un coup de fil de Niort, où je suis finalement allé. C’était un moment où le foot, c’était vraiment un gros point d’interrogation pour moi, où je me demandais comment j’allais réussir à faire carrière alors que je n’étais plus à Bordeaux. A aucun moment, j’aurais pu dire que ça allait se terminer comme ça, impossible !