Sambou Soumano (QRM).
Interview

Sambou Soumano : « Je préfère jouer que de rester sur le banc en Ligue 1 Uber Eats »

Sambou Soumano : « Je préfère jouer que de rester sur le banc en Ligue 1 Uber Eats »

Interview
Publié le 28/02 à 15:55 - NM

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Prêté par le FC Lorient jusqu’à la fin de la saison, Sambou Soumano s’éclate avec QRM. Deuxième meilleur buteur de Ligue 2 BKT (11 buts), l’attaquant de 23 ans retrace son parcours, de ses débuts au Sénégal à ses prêts successifs.

Tu as déjà inscrit 11 buts en 25 matchs depuis le début de saison. As-tu déjà été aussi prolifique depuis que tu as débuté le football ?
C’est la première fois avec les pros ! Mais avec la réserve de Lorient, j’avais fait encore mieux en marquant 13 buts en 11 matchs en National 2.

Peux-tu nous retracer ton parcours, à commencer par ton enfance au Sénégal ?
J'ai débuté par l'école de football Maillot Sport à Tambacounda, là où j’ai grandi, puis celle de Joe Stars avant d’intégrer le centre de formation Youth Élite Foot à Dakar. Je ne suis resté qu’un an car le Pau FC est directement venu me recruter. Là-bas, j’ai fait une saison avec la réserve puis je suis parti à Châteaubriand en National 2 avant d’être recruté par le FC Lorient.

Comment s’est déroulée ton enfance à Tambacounda ?
Très bien ! Mes parents étaient toujours là pour moi. Comme mon père adore le foot, il m’accompagnait tout le temps, tous les jours. Que je joue ou que je ne joue pas, il était présent, il regardait tous les matchs. C’était mon deuxième coach. Dès que je faisais des mauvais gestes, il me tirait les oreilles en rentrant à la maison (rires). Il me disait : « Tu ne dois pas faire ceci, tu ne dois pas faire cela. » Les coachs donnaient aussi corps et âme pour qu’on puisse devenir quelqu’un un jour. Tout s’est vraiment bien passé pendant mes années en école de foot.

Le soutien de tes parents t’a beaucoup aidé ?
Beaucoup ! Même si on n’avait pas beaucoup de moyens, ils faisaient tout pour que je sois heureux et que je prenne du plaisir. Quand mon père me ramenait à la maison après les matchs, ma mère préparait de l’eau chaude et du beurre de karité pour me masser. Ça me faisait tellement plaisir. J’étais un peu chouchouté car je suis le seul garçon, je n’ai que des grandes sœurs et une petite sœur. Mon père me lançait aussi des défis.

« J’avais la chance d’être logé chez le président »

C’est-à-dire ?
Je me souviens d’un match où on affrontait une équipe qui n’avait pas encore encaissé de but et il n’arrêtait pas de me le répéter. J’avais fini par lui répondre : « Aujourd’hui, elle va en encaisser ! » Ma mère s’était mêlée à la conversation et avait dit à mon père que j’allais le faire. Résultat : j’ai mis un doublé ! Quand je suis rentré à la maison, mon père m’a dit : « Je suis fier de toi ! » J’aimais bien quand il me challengeait de cette manière.

Comment as-tu ensuite intégré la Youth Elite Foot Academy de Dakar ?
Le président de l’Academy est venu à Tambacounda et a vu plusieurs de mes matchs. Je lui ai tapé dans l’œil et il m’a proposé de rejoindre son centre de formation. J’y suis allé car j’avais déjà 17 ans, je ne pouvais pas rater cette opportunité. Dakar étant plus développé que Tamba, je savais que ça me permettrait de davantage exposer mon talent. Je me suis retrouvé à 6-7 heures de route de mes proches mais je ne l’ai pas mal vécu. Je me disais : « Je suis le seul garçon, je dois réussir pour mettre mes parents à l’abri. »

Mais tu ne pouvais plus profiter des debriefs de ton père…
Non, il ne me voyait plus jouer. Je n’avais plus les durs retours de mon père. Ah là là, il était vraiment exigeant (rires). Au moins, si je prenais un carton jaune, je n’avais plus besoin de chercher des arguments pour me justifier (rires).

Quel était ton quotidien au sein de l’Academy ?
Je ne faisais que du foot ! J’avais aussi la chance d’être logé chez le président du club, Abdoulaye Niang. J’étais le seul joueur dans ce cas car je n’avais nulle part où dormir, alors que tous les autres habitaient à Dakar et pouvaient rentrer chez eux. L’Academy venait simplement d’ouvrir et il n’y avait pas encore beaucoup de joueurs.

« Je pensais mériter mieux »

Tu étais une nouvelle fois surveillé de près !
Oui, il ne rigolait pas non plus. S’il avait quelque chose à me dire, il ne se privait pas de le faire. Comme mon père, il était exigeant, et il l’est encore aujourd’hui car c’est devenu mon agent. Il me fait des debriefs après chacun de mes matchs. Il ne m’a jamais lâché. La saison où j’ai vécu chez lui m’a vraiment aidé à progresser. Il m’a permis d’être bien encadré dès le début.

Pour ta première expérience en dehors de ton pays, tu as rejoint la France et plus précisément le Pau FC en 2019. Comment as-tu eu cette opportunité ?
Le Pau FC venait souvent au Sénégal pour organiser des détections en collaboration avec Abdoulaye Niang. J’ai participé à plusieurs d’entre-elles et ils ont fini par me prendre pour jouer avec la réserve en National 3. Je me suis très vite adapté et j’ai été le meilleur buteur de l’équipe. Il m’arrivait même de basculer avec l’équipe première aux entraînements et j’ai eu la chance de connaître une entrée en National.

Tu ne disputes finalement qu’une saison au club. Qu’est-ce qu’il t’avait manqué pour rester ?
Le club souhaitait me garder mais voulait que j’alterne entre l’équipe réserve et l’équipe première. J’étais défavorable à cette idée, elle ne m’intéressait pas du tout et je ne la comprenais pas car je venais de terminer meilleur buteur de l’équipe réserve… Pour ma progression, je ne voulais pas refaire une saison en National 3. Je pensais mériter mieux par rapport à ce que j’avais montré et j’ai décidé de trouver un autre projet.

Et tu prends la direction des Voltigeurs de Châteaubriant…
Mon agent m’avait mis en relation avec Christian Sagna, le directeur sportif du club, et j’avais accepté la proposition afin de pouvoir jouer en National 2. J’ai joué la première partie saison puis le championnat s’est arrêté avec le Covid. Mais, en parallèle, on était toujours qualifié en Coupe de France et on avait fait un match face à la réserve de Lorient pour préparer notre 8e de finale face à Montpellier. J’avais apparemment été bon et Lorient a continué à me suivre avant de me recruter à la fin de la saison.

« Ça ne servait à rien de rester car j’étais venu pour avoir du temps de jeu »

Quel projet te propose le FC Lorient ?
Un premier contrat pro ! J’arrivais pour renforcer l’équipe réserve mais avec le statut d’un joueur pro. J’ai tout de suite accepté car, en plus du contrat, c’est un club où les jeunes ont des opportunités de jouer. Et ça n’a pas manqué ! Je n’étais même pas là depuis un mois que j’avais déjà intégré au quotidien les entraînements avec les pros tout en continuant de jouer avec la réserve certains week-ends pour avoir du temps de jeu.

Tu découvres alors la Ligue 1 Uber Eats…
Oui, j’entre 17 fois et j’ai la chance d’être titulaire à quatre reprises. Ce n’était pas des matchs faciles mais j’ai réussi à marquer trois buts. Mon premier, c’était contre Lille, le deuxième contre Nantes, et le troisième contre Lens. J’avais réussi à marquer lors de trois matchs consécutifs. Pour un joueur qui venait normalement pour renforcer la réserve, c’était une belle surprise de voir les choses se passer de cette manière et de pouvoir autant jouer avec les pros.

Tu pars ensuite en prêt à Eupen en Belgique mais tu ne restes que six mois. Que s’est-il passé ?
Ça ne s’est pas passé comme prévu. Le coach ne parlait pas du tout français, j’avais du mal à comprendre les séances et je ne pouvais pas avoir de dialogue avec lui. Du coup, j’ai appelé les dirigeants de Lorient pour leur dire que ça ne se passait pas bien, que mon temps de jeu diminuait et que je voulais rompre mon prêt. Quand tu n’as pas une bonne relation avec l’entraîneur, il vaut mieux aller ailleurs, surtout quand tu es prêté. Ça ne servait à rien de rester car j’étais venu pour avoir du temps de jeu et progresser. Finalement, j’ai eu l’opportunité de rejoindre Rodez en janvier et j’ai pu découvrir la Ligue 2 BKT pendant la deuxième partie de saison.

Tu enchaînes donc les prêts depuis deux saisons entre Eupen, Rodez et désormais QRM. Comment le vis-tu ?
Il y a des bons et des mauvais côtés. D’une part, tu obtiens du temps et tu progresses, et d’autre part, tu dois tout le temps bouger, découvrir de nouveaux coéquipiers, un nouvel entraîneur, une nouvelle ville… Mais, moi, je préfère aller en Ligue 2 BKT et jouer que de rester en Ligue 1 Uber Eats et ne pas avoir de temps de jeu. Si je reste en Ligue 1 Uber Eats pour être tout le temps sur le banc, ça ne sert à rien. Ça ne me dérange pas d’être sur le banc, tous les joueurs peuvent y être, mais c’est important d’avoir du temps de jeu. Surtout à mon âge !

« Lorient me dit de continuer sur cette voie »

Comment vis-tu ton expérience à QRM cette saison ?
Je la vis très bien, au jour le jour. J’ai eu une très bonne relation avec Olivier Echouafni, c’est lui qui m’a contacté pour venir et c’est grâce à lui que je suis là. Il a directement cru en moi. Il m’a donné ma chance et je l’ai saisie. Aujourd’hui, je m’entends aussi très bien avec Jean-Louis Garcia. Je fais tout pour lui montrer que je mérite d’être sur le terrain. Il me fait également confiance et ça me permet de rester dans la continuité. Mais la Ligue 2 BKT est un championnat difficile.

C’est-à-dire ?
C’est complétement différent de la Ligue 1 Uber Eats. L’intensité, la technique, les transitions ne sont pas comparables, mais c’est un championnat beaucoup plus serré. Il y a beaucoup moins d’espaces et je trouve que c’est plus difficile de se créer des opportunités de manière individuelle.

Le FC Lorient suit-il tes performances ?
Oui ! J’ai parfois des échanges avec Aziz Mady Mogne (coordinateur sportif du FCL) ou un des entraîneurs adjoints de Régis Le Bris. Ils me disent qu’ils sont satisfaits de mes performances et qu’il faut que je continue sur cette voie. J’ai encore deux ans de contrat là-bas mais je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. En attendant, je continue de travailler et je vais essayer de marquer le plus de buts possible jusqu’à la fin de la saison. Je ne me suis pas fixé d’objectif de buts, car si je ne l’atteins pas, ça va être un peu frustrant.

Quels sont les mots de ton père aujourd’hui ?
Il regarde tous les matchs avec ma mère. Il me dit de rester concentré sur mon football et trouve que je m’améliore dans le jeu dos au but. Il me dit que je suis costaud, que je me fais de moins en moins bouger dans les duels et qu’il faut que je continue d’être efficace à la finition. Je fais tout pour continuer de les rendre fiers et pour leur montrer que je pense à eux. Je leur fais parfois des dédicaces quand je marque, comme face à Annecy, puisque j’ai mis une photo d’eux sur mes protège-tibias pour qu’ils me protègent.