Interview

Dans les coulisses du test ballon Kipsta à Caen et Saint-Étienne

Dans les coulisses du test ballon Kipsta à Caen et Saint-Étienne

Interview
Publié le 04/08 à 19:42 - Arnaud Di Stasio

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Fournisseur officiel du ballon de la Ligue 2 BKT, Kipsta conçoit et teste ses modèles pendant des mois, en collaboration avec les clubs. Reportage avec les joueurs du SM Caen et de l’AS Saint-Étienne.

S’il s’est d’abord fait discret, dans un coin du hall de cet hôtel 5 étoiles parisien, il passe maintenant des stars du RC Lens à l’attaquant messin Georges Mikautadze. Sur son 31, le dernier meilleur buteur de Ligue 2 BKT le taquine, sourire aux lèvres et nœud papillon bien accroché au cou. Lui, c’est le ballon de la nouvelle saison, dévoilé par Kipsta et présenté aux acteurs du jeu lors de la dernière cérémonie des Trophées UNFP fin mai. De conception identique au ballon 2022/2023, il affiche un nouveau design, un peu plus osé, pour ce qui sera la deuxième saison de Kipsta en tant que fournisseur officiel. Mais avant de rouler sur les pelouses de Ligue 2 BKT, qui reprend ce week-end, il a sillonné l’Hexagone pendant des semaines à l’occasion d’une phase de tests menés en collaboration avec les clubs. Explications.

Comme sur le terrain, où tout bon joueur qui se respecte sait qu’il faut voir avant de recevoir, la firme nordiste finalisait au printemps dernier son coup d’avance sur les terrains du SM Caen ou encore de l’AS Saint-Étienne. On parle ici d’un sacré coup d’avance puisque les joueurs ont été priés de tester et choisir leur outil de travail pour la saison 2024/2025 presque 15 mois à l’avance ! Au cœur de la saison 2021/2022, Kipsta avait été présenter aux joueurs de plusieurs clubs de Ligue 1 Uber Eats et Ligue 2 BKT le premier ballon officiel de la marque. Une tournée semblable a été organisée il y a quelques semaines dans neuf clubs, parmi lesquels le FC Metz de Georges Mikautadze et donc l’ASSE et le SM Caen. Au programme : une séance d’entraînement classique, à une exception près : les joueurs doivent tester puis trancher entre deux prototypes pour choisir leur ballon pour la saison 2024/2025.

QR codes, lucarnes et Bob l’éponge

En ce matin de mi-avril, les joueurs caennais rigolent pendant qu’ils se préparent, dans leur vestiaire situé sous la tribune Normandie du Stade Michel-d’Ornano. Alors qu’un cadre s’étonne qu’un des cadets de l’effectif malherbiste connaisse le rappeur La Fouine, Romain Da Rocha, chef de produits ballons chez Kipsta, et David Duquesnoy, ingénieur essai terrain, s’affairent à quelques mètres de là. Ils vérifient que la pression des ballons à tester est bien égale à 0,9 bar. Une équipe de tournage de Prime Video, menée par David Astorga, n’en perd pas une miette. Derrière eux, un mur de machines à laver surmontées par des photos de Roger Federer et Tiger Woods, un panier de caleçons parmi lesquels un modèle Bob l’éponge et une presse à floquer, le tout sous l’œil bienveillant d’Emiliano Sala, représenté maillot de Caen sur les épaules sur une ecocup posée en évidence sur l’étagère du fond.

Les derniers joueurs présents en salle de muscu pour y effectuer leur réveil musculaire prennent place dans le vestiaire, où Anthony Mandrea donne son avis sur le ballon actuel : « Franchement, je l’aime bien, j’ai été agréablement surpris. S’il est stable ? Ça dépend de qui tire ! Si c’est l’autre mule d’Alexandre Mendy… » Même son de cloche chez Hugo Vandermersch, qui chambre le gardien numéro 2, Yanis Clementia : « Et toi, il t’a plu le ballon ? Combien de lucarnes tu t’es pris ? » Trêve de plaisanteries, il est l’heure du brief. On explique aux joueurs que Kipsta est parti de 60 prototypes pour retenir deux finalistes en vue de la saison 2024/2025. « Les deux sont meilleurs que l’actuel et tout est nouveau, sauf la vessie ! Vous allez alterner entre les deux modèles et, à la fin de l’entraînement, il y aura un QR code à scanner pour voter pour votre ballon préféré », annonce Romain Da Rocha, qui précise aussi que les ballons sont « aussi techniques que durables, c’est-à-dire le plus respectueux possible de l’environnement. »

Les joueurs malherbistes passent devant un panier à linge dans lequel trône un caleçon Bob l’éponge, direction le terrain d’entraînement où une sacrée ovation accompagne leur arrivée. Vacances scolaires obligent, beaucoup de jeunes supporters garnissent la tribune alors que Norman Bassette, un des benjamins du groupe, transporte les filets de ballons. Il y en a 40 pour ce test : 20 prototypes de couleur rouge et 20 gris, pour ne pas les confondre. S’ils bénéficient de la même technologie et sont visuellement identiques, leurs composants diffèrent.

Une tribune qui s’enflamme

Après être montés en température, les Caennais commencent par tâter du ballon gris avant de passer au rouge. Jeu court, jeu long puis circuit de frappes. Dans la cage, Anthony Mandrea peste à chaque but encaissé et se fait chambrer. « Tu vas voir que s’il continue à prendre des buts, il va dire que c’est à cause du ballon ! », plaisante l’entraîneur des gardiens. En tribune, les jeunes supporters célèbrent chaque but comme s’il s’agissait d’un match officiel, toujours un peu plus fort lorsqu’il s’agit d’Alexandre Mendy. Après une volée claquée par le buteur maison, David Duquesnoy, l’ingénieur essai terrain Kipsta et ex-joueur de D2 belge, vérifie que la pression à l’intérieur du ballon n’a quasiment pas bougé. Test concluant.

Place maintenant à un exercice de conservation à quatre contre quatre dans un carré, avec des appuis sur les côtés. Deux buts mobiles sont bientôt installés pour pimenter la séquence alors que les Caennais alternent entre les deux prototypes de ballons. La tribune s’est encore garnie quand Destiné Jopanguy, le 3e gardien, reçoit un tir à bout portant dans le visage. « Il est injouable aujourd’hui, il arrête tout, mais là… Au moins, il a testé le ballon ! », commente Hugo Vandermersch. Il est 11h30 et la séance d’entraînement touche à sa fin. Les vainqueurs du dernier jeu prennent la pose sous l’œil du photographe du club. Romain Thomas applaudit la tribune vers laquelle tout l’effectif se dirige maintenant. Derrière la main courante à son pied, une file se forme. C’est l’heure des dédicaces et des photos. Yoann Court, Bilal Brahimi et consorts signent des maillots, des posters et même des paires de baskets. Les gardiens ferment la marche. Il faudra exactement 12 minutes pour combler tous les supporters présents.

Pendant ce temps-là, le staff discute avec les représentants de Kipsta, qui nettoient les ballons avant de les ranger. A quelques hectomètres, les joueurs arrivent au compte-gouttes dans le vestiaire et livrent leurs retours, comme Quentin Daubin : « Au sol, les ballons allaient vite. Rien à dire sur les contrôles et les prises de balle. En l’air, c’est plus difficile à juger car il y avait du vent aujourd’hui. Et puis, il y a aussi mes pieds ! ». Alors que certains Caennais prennent la direction de la salle de musculation, beaucoup sont sur leurs téléphones portables pour remplir le questionnaire qui leur demande de juger les deux ballons et de choisir leur préféré.

70% des votes

Certaines scènes paraissent familières du côté de l’Étrat, au centre d’entraînement de l’AS Saint-Étienne, début mai. Après les plaisanteries de Fabrice, un des intendants stéphanois, qui confie qu’il aimerait participer au test mais ne veut pas risquer de se blesser avant le tournoi de tennis qui l’attend le week-end suivant, ceux dont l’avis compte le plus sont briefés dans le vestiaire. Thomas Monconduit et Gaëtan Charbonnier posent des questions tandis que Niels Nkounkou se renseigne auprès de son coach, Laurent Batlles. Sur le terrain, c’est au modèle gris que semble aller la préférence de la majorité des Verts. « Le gris est mieux, plus stable. J’ai l’impression que la couche est plus épaisse que celle du rouge », tranche Thomas Monconduit. Saïdou Sow acquiesce. A l’autre bout du terrain, Gautier Larsonneur partage le même sentiment, lui qui termine quelques dégagements. « Les gardiens nous demandent parfois des ballons qui ne prennent pas le vent mais c’est impossible, ce ne sont pas des boules de bowling, ça prend forcément le vent à un moment donné (sourire) ! L’important, c’est que les ballons soient stables, qu’ils aient une trajectoire logique dans l’air sur un geste normal », détaille Romain Da Rocha, le chef de produits ballon.

A Saint-Étienne aussi, l’entraînement est ouvert au public. Deux observateurs spéciaux sont également là : l’ex-attaquant brésilien Ilan et Loïc Perrin. Les joueurs stéphanois travaillent la conservation sur presque la totalité du terrain alors que Victor Lobry court partout. Sur la touche, David Duquesnoy se félicite de la stabilité du ballon dans les airs. L’ingénieur essai terrain va encore pouvoir l’apprécier en observant Niels Nkounkou et Laurent Batlles qui se challengent dans un petit concours de contrôles à la réception de chandelles. « Coach, vous ne l’aviez pas dans votre panoplie celui-là ! », ose le latéral. « Tape mon nom sur YouTube et tu verras que si ! », lui rétorque l’entraîneur.

Les envoyés Kipsta vont bientôt devoir s’agiter pour recueillir un maximum de retours. La récolte sera bonne puisque 17 joueurs de l’ASSE donneront leur ressenti. Comme sur les tests réalisés dans les autres clubs des deux divisions professionnelles françaises, le modèle gris est plébiscité avec autour de 70% des votes, comme l’indique Romain Da Rocha : « C’est celui qui ressort, notamment sur les frappes et le jeu long. On voulait un ballon hyper stable et qui prenne l’effet que veut mettre le joueur. Mais plus un ballon va être stable, moins il va prendre d’effet. Le défi, c’est de trouver le bon dosage, pour qu’un joueur puisse aussi bien envoyer une frappe flottante que mettre de l’effet, tout en gardant de la stabilité. Pour résumer, il faut que nos ballons servent le talent des joueurs ».