Interview

Yvann Maçon : « Je voulais montrer mon vrai visage »

Yvann Maçon : « Je voulais montrer mon vrai visage »

Interview
Publié le 15/05 à 11:29 - Arnaud Di Stasio

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Sa bonne moitié de saison avec l’AS Saint-Étienne, son parcours cabossé, son envie de revanche, sa capacité à jouer dans les deux couloirs… Entretien avec Yvann Maçon.

Après deux prêts au Paris FC et au Maccabi Tel Aviv, tu as fait ton retour à l’AS Saint-Etienne en janvier et, sur le terrain, on voit peut-être le meilleur Yvann Maçon qu’on ait jamais vu…
Depuis que je suis revenu, tout se passe bien. J’ai retrouvé la confiance que j’avais perdue et le niveau qui était le mien avant ma blessure (rupture du ligament croisé antérieur d’un genou en octobre 2020). Je sens que tout le club est derrière moi, ce qui a joué pour beaucoup. Je ne m’étais jamais senti aussi à l’aise, sur et en dehors du terrain. Quand je suis revenu cet hiver, je me suis tout de suite senti comme à la maison.

« J’ai recommencé à faire des gestes que je n’osais plus faire »

Tu évoquais l’importance de la confiance. Comment l’as-tu retrouvée ?
Grâce à mes prêts. J’ai repris confiance, j’ai recommencé à faire des gestes que je n’osais plus faire. Mais maintenant, je ne me pose plus de questions, je suis sûr que ça va fonctionner. Par exemple, je ne prenais plus de risques sur mes sorties de balle et physiquement, je me sens de nouveau capable d’enchaîner offensivement et défensivement. Je suis revenu ici sûr de moi, sans doute sur mon niveau, notamment physique, car ça fait un moment que je n’ai plus eu de blessure. Tout ça m’a aidé à retrouver mon niveau, avec les bonnes performances collectives de l’équipe bien sûr.

Est-ce que tu peux nous raconter les coulisses de ton retour de prêt cet hiver ?
J’ai discuté avec les groupes de supporters car c’était important pour le club et moi de ne pas revenir dans un climat de tension (Yvann fait partie des rares joueurs à avoir vécu la descente à être resté au club). Il fallait apaiser les choses. C’était la première fois que je rencontrais les supporters pour qu’on s’explique après un petit souci qu’on avait eu avant que je parte en prêt. La discussion s’est très bien passée et je les en remercie. C’est aussi pour ça que ça marche bien pour moi aujourd’hui et je pense qu’ils ont vu que je faisais ce qu’il fallait pour me faire pardonner.

Il y a eu des hauts et des bas depuis que tu as signé chez les Verts lors de l’été 2020. Est-ce que tu t’attendais à ce que ça fonctionne aussi bien lorsque tu es revenu en janvier ?
Oui car j’avais très envie de revenir, c’était la seule chose que j’avais en tête. La façon dont je suis parti ne m’avait pas plu. J’avais vraiment besoin de montrer ce que je vaux, ma vraie image. Des choses avaient été dites et ça avait sali mon image donc je voulais montrer à tout le monde mon vrai visage et c’est ce que je fais aujourd’hui.

« Il fallait que j’apprenne à gérer la frustration »

Avant de revenir à Sainté, tu étais donc en train de réaliser un très bon début de saison avec le Maccabi Tel Aviv, en Israël, lorsque les événements que l’on connaît ont éclaté. Ça a dû être un moment particulier…
Forcément… Personne ne s’y attendait et j’ai mis un peu de temps à réaliser. Le club a géré ça au mieux et nous a fait évacuer le pays puisqu’on est d’abord partis en Grèce. Heureusement, quand c’est arrivé, j’étais seul là-bas. Ma mère était venue me rendre visite mais elle était repartie une semaine auparavant.

Que retiens-tu de ton expérience là-bas ?
J’ai pris conscience de beaucoup de choses. Il y a beaucoup de changements et il faut s’adapter. J’ai vu une culture du foot qui était différente, ce qui m’a beaucoup fait grandir. Je me suis renforcé sur le plan mental, j’ai appris à relativiser les choses et à me recentrer sur l’essentiel : la vie est belle et ça ne vaut pas le coup de se prendre la tête sur certaines choses.

À ton retour cet hiver, tu avais notamment évoqué la gestion de la frustration…
Oui, ça me posait problème auparavant mais le club a mis une préparatrice mentale à notre disposition et ça nous aide beaucoup. Il fallait vraiment que j’apprenne à gérer la frustration dans ma façon de voir les matchs, pour mieux entrer dans les matchs... J’ai appris à me canaliser grâce à des outils qu’on a mis en place et je continue à la voir.

« La descente ? Ça change une vie »

Tu fais partie des rares joueurs de l’effectif stéphanois qui étaient là au moment de la relégation du club il y a deux ans. Est-ce que tu as une sorte de sentiment de revanche ?
Oui, c’est aussi pour ça que je suis revenu. Je sens que je dois aux supporters de remonter. Je me le dois également à moi-même. C’est important car la descente a été une grosse douleur. On n’en parle pas assez mais ça change une vie. Ça m’a énormément marqué. C’est vraiment important pour moi de ramener l’ASSE en Ligue 1, c’est quelque chose que je dois accomplir. Si c’est un sujet que j’aborde avec la préparatrice mentale ? Exactement, on se fixe des objectifs à atteindre. Et ramener le club en Ligue 1 est un des objectifs de tout le club car c’est là qu’il doit être.

Quand on a eu le malheur de connaître une relégation, faire remonter le club, ça doit être une perspective assez incroyable…
Franchement, oui. Quand on a fait descendre le club, on devient les joueurs les plus détestés par la ville et par tout le monde. C’est normal, c’est humain. Mais c’est aussi une énorme déception pour nous, les joueurs, et ramener le club en Ligue 1 permettrait de remettre le club à sa place et de se racheter aux yeux de tout le monde.

« On ose se dire les choses sans que personne ne prenne la mouche »

Pour parler davantage terrain, quel est ton regard sur la seconde moitié de saison de l’ASSE ?
On a créé un vrai collectif, une équipe. On s’entend tous bien, ce qui fait vraiment la différence. On ose se dire les choses sans que personne ne prenne la mouche. On travaille tous ensemble, ce qui nous a permis de trouver un équilibre défensif comme offensif. On a eu un déclic après notre défaite à Dunkerque (1-0 début février). On a mis les choses au clair, on s’est remis au travail et derrière, on a réussi à enchaîner.

L’ASSE est l’équipe du championnat qui encaisse le moins de buts. Ça représente quoi pour un défenseur comme toi ?
Ne pas prendre de but est le premier objectif d’un défenseur. On a su installer une dynamique et devenir la meilleure défense du championnat, ce qui nous a donné envie de continuer comme ça et de finir meilleure défense. C’est vraiment un objectif.

« Au début, je ne comprenais pas pourquoi on me faisait jouer à gauche »

Pour maintenant parler de ton poste sur le terrain, c’est au milieu que tu as été formé avant de reculer au poste de latéral. Tu peux nous raconter cette transition ?
Quand j’étais à Dunkerque, je faisais des entraînements comme arrière droit mais je jouais avec la réserve au milieu. Le latéral droit s’est malheureusement fait les croisés et je l’ai remplacé. C’est comme ça que c’est devenu mon poste ! Six mois plus tard, je signe à l’AS Saint-Étienne, où j’évolue arrière droit puis arrière gauche. Je ne connaissais pas trop ce poste donc j’ai dû beaucoup apprendre, sur le plan tactique notamment. Claude Puel m’a fait travailler sur beaucoup de lacunes que j’avais et ça s’est super bien passé.

Depuis lors, tu es habitué à jouer aussi bien latéral droit que latéral gauche. Qu’est-ce que ça change pour toi d’évoluer dans un couloir ou dans l’autre ?
Au début, je ne comprenais pas pourquoi on me faisait jouer à gauche alors que je suis droitier. Je pensais que ça me rajoutait une difficulté. Mais au fur et à mesure des matchs et des entraînements, j’ai vu que ça ne changeait pas grand-chose. Maintenant, je me sens bien des deux côtés et j’aime aussi bien jouer d’un côté que de l’autre. Ce qui change, c’est au niveau des appuis, mais ça ne me pose pas de problème.

Il n’y a vraiment que ça qui change ?
Non, il y a quand même des petites choses qui changent. À droite, je suis davantage centreur qu’à gauche par exemple. Quand je sais de quel côté je vais jouer, je travaille avec le coach durant la semaine sur ces aspects-là.

Cette polyvalence peut-elle être un frein parfois ?
Je pense que c’est davantage un atout car ça apporte plus d’options au coach. Je ne pense pas que ce soit un frein, c’est un atout d’avoir un joueur qui peut jouer à plusieurs postes. Lors des années précédentes, je me suis développé et j’arrive désormais à faire à gauche ce que je faisais à droite. Et maintenant, je n’ai pas de préférence.

« Depuis tout petit, on ne m’a rien donné »

Lors de tes premières saisons chez les Verts, tu as côtoyé William Saliba et Wesley Fofana. Est-ce que tu t’attendais à ce que leurs carrières suivent une telle trajectoire ?
Oui car « Wilo » appartenait déjà à un très gros club, Arsenal, quand je l’ai côtoyé ici (vendu à l’été 2019, il avait été prêté une saison dans la foulée). Il avait déjà de très grandes qualités, comme Wesley. Ce sont deux très grands joueurs qui étaient déjà en avance donc ça ne me surprend pas du tout.

Il y a quelques années, tu as joué pour l’équipe de France Espoirs mais aussi pour les sélections de jeunes de la Guadeloupe. Ça pourrait t’intéresser de représenter la Guadeloupe chez les A ?
C’est toujours un objectif car c’est chez moi mais je suis français avant tout donc l’objectif premier, c’est la France. Maintenant, il ne faut jamais oublier d’où l’on vient et, pour moi, c’est la Guadeloupe. Ce n’est pas parce que l’île est de l’autre côté de l’Atlantique qu’elle n’est pas française !

Pour terminer, je suis remonté assez loin sur ton profil Instagram et je suis tombé sur ton premier post dont la légende disait : « Porte tes couilles, personne ne t’aidera »…
(Rires). Ça représente un peu mon parcours parce que je n’ai pas fait de centre de formation mais j’ai toujours cru en moi et je me suis battu jusqu’au bout pour arriver en professionnel. Je n’attends rien de personne. Depuis tout petit, on ne m’a rien donné, c’est moi qui suis allé chercher ce que j’ai eu. Il y a quelques mois encore, je suis revenu à Saint-Étienne pour montrer ce que je vaux. C’est vraiment quelque chose qui me caractérise, je ne compte que sur moi et je travaille car le travail paie !

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